Coming out
La Moldavie donne un blanc-seing à la France pour manipuler ses élections
Une déclaration publique de la présidente du Comité électoral central moldave, Angelica Caraman, suggère que la France serait intervenue dans le processus électoral du pays.
La Moldavie a exprimé début juillet, par la voix de sa présidente, ses inquiétudes concernant une possible ingérence russe dans les élections législatives de septembre prochain.
Le Kremlin est accusé d’avoir manipulé a minima les deux scrutins de l’automne dernier, qui ont consacré la réélection de la présidente pro-européenne Maia Sandu et ouvert la voie à une adhésion du pays à l’Union européenne au terme d’un référendum où le oui l’avait emporté d’une minuscule tête (50,35 % vs 49,65 %). Il est soupçonné aujourd’hui de « préparer une opération complexe et coordonnée d’ingérence “sans précédent” » visant à faire basculer le Parlement moldave et priver la présidente d’une majorité, indispensable pour confirmer l’entrée du pays dans le giron européen et maintenir un cordon sanitaire étanche entre l’Europe et la Russie.
La Moldavie n’a jamais fourni de preuves d’une ingérence de Moscou dans ses élections. Lors du référendum sur l’UE, elle a en revanche été vivement critiquée pour n’avoir mis à disposition de ses ressortissants implantés en Russie (150 et 600 000 Moldaves, soit 8 à 25 % de la population totale) que deux bureaux de vote. Elle n’envisage pas d’augmenter leur nombre en septembre, alors qu’elle prévoit de le faire dans plusieurs pays. À titre de comparaison, la France devrait ainsi mettre 26 bureaux à sa disposition pour une diaspora estimée à 26 000 Moldaves ; les États-Unis en ouvriront 22 et l’Italie, 73, pour une communauté estimée respectivement à 7 000 et 189 000 ressortissants.
Maia Sandu invoque aujourd’hui une série d’actions projetées par Moscou, accusée de vouloir contrôler ce pays stratégique niché entre l’Ukraine et la Roumanie : achats de votes en cryptomonnaies, campagnes de désinformation en ligne visant à « faire douter ”l’électorat modéré pro-européen” en saturant la campagne avec des candidats faussement “neutres” », organisation de manifestations violentes, cyberattaques, instrumentalisation des structures religieuses traditionnelles. Selon le Conseil suprême de sécurité moldave, au moins 10 leviers d’ingérence auraient été identifiés, dont un financement du principal parti d’opposition à hauteur de 100 millions d’euros.
Le scénario est en substance le même qu’en Géorgie, en Pologne et en Roumanie, où le candidat souverainiste Călin Georgescu a été banni de la scène politique au printemps dernier sur la base d’allégations similaires, après avoir remporté le premier tour de l’élection présidentielle. L’Élysée avait alors été publiquement accusé d’avoir manipulé le scrutin afin de préserver les intérêts de l’OTAN et de Bruxelles. Pavel Durov, le fondateur russe dissident de la messagerie cryptée Telegram, naturalisé en 2021 par Emmanuel Macron, avait notamment fait état de pressions exercées par les services de renseignement français pour qu’il censure les voix de l’opposition roumaine.
La France est-elle également à la manœuvre en Moldavie ? C’est ce que suggère la récente déclaration que la présidente du Comité électoral central moldave, Angelica Caraman, aurait faite sur la chaîne Jurnal TV, et dans laquelle elle établit une différence fondamentale entre les ingérences émanant d’un pays européen et celles attribuées à une puissance étrangère, non alignée sur les objectifs de l’UE :
La Moldavie est en passe de devenir membre de l’UE, donc l’ingérence d’un pays comme la France dans nos élections ne constitue pas une ingérence extérieure. Même s’il s’agit d’un financement direct de forces politiques, nous ne le considérons pas comme une forme de corruption électorale.
La dernière phrase soulève plusieurs questions embarrassantes : la France a-t-elle financé le parti présidentiel moldave pour influencer le résultat des dernières élections présidentielles ? Quelles sommes ont-elles été engagées le cas échéant et ont-elles été déclarées de manière transparente dans la comptabilité française, qui accuse toujours un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliards d’euros ? Quel intérêt « personnel » Emmanuel Macron est-il supposé en tirer si tel est effectivement le cas ?
L’ancien commissaire européen Thierry Breton avait affirmé le 11 janvier sur son compte X que « l’UE ne dispose d’aucun mécanisme pour annuler une élection où que ce soit dans l’UE », contrairement à ce qu’il avait déclaré, face caméra deux jours plus tôt, à l’approche d’un vote en Allemagne susceptible de porter au pouvoir le premier parti d’opposition :
Attendons de voir ce qui va se passer. Gardons notre sang-froid et faisons appliquer nos lois en Europe lorsque celles-ci risquent d’être circonvenues et qu’elles peuvent, si on ne l’applique pas, conduire à des interférences. On l’a fait en Roumanie et il faudra évidemment le faire si c’est nécessaire en Allemagne.
https://x.com/elonmusk/status/1877948465516257646
La France est-elle le chaînon manquant entre ces deux déclarations ?
Si elle est intervenue dans le referendum d’adhésion de la Moldavie à l’UE, on peut supposer que le rejet de cette proposition par le peuple moldave était massif compte tenu du résultat extrêmement serré. Il s’agit alors sur ce principe d’un viol de sa souveraineté, un mot cher à Emmanuel Macron qui semble avoir oublié qu’il s’applique aux peuples avant de s’appliquer aux nations.
Quel crédit accorder sur ce principe aux menaces d’ingérence russe rapportées par l’ensemble des pays de l’UE lorsque le candidat de Bruxelles est en difficulté ?
Les révélations de la directrice du renseignement intérieur américain, Tutsi Gabbard, concernant la fabrication du « canular russe » par Barack Obama en 2016 suggèrent que les mêmes méthodes sont à l’œuvre de part et d’autre de l’Atlantique depuis au moins dix ans. Faut-il en déduire que la Russie a raison lorsqu’elle dénonce un projet ancien de l’Occident fomenté par des apprentis conspirateurs bien avant la guerre en Ukraine, déclenchée dans le but d’isoler et de démanteler la Russie ?
Le coming out d’Angelica Caraman n’est pas simplement inédit, il est profondément inquiétant par ce qu’il révèle en sous-texte : une Europe fatiguée de faire semblant d’être un espace démocratique, mais plus résolue que jamais à étendre son empire.