Post-scriptum

Équipe Le Point Critique | 16 mars 2025

La Cour constitutionnelle roumaine publie les motivations de l’exclusion de Călin Georgescu

La candidature de Călin Georgescu à l’élection présidentielle roumaine a été définitivement invalidée ce mardi. La Cour constitutionnelle vient de publier son argumentaire qui confirme l’emprise de Bruxelles et de l’OTAN sur le destin de la Roumanie.

Călin Georgescu au lendemain de l'annonce de son exclusion de l'élection présidentielle

Mardi, le candidat souverainiste Călin Georgescu a été définitivement exclu de la course à l’élection présidentielle roumaine, annulée une première fois en décembre 2024 (décision no 32/2024), sur la base d’allégations d’une ingérence de la Russie dans le processus électoral roumain. Moscou est accusée d’avoir financé des influenceurs sur le réseau social TikTok, où Georgescu a conduit presque intégralement sa campagne.

Le Bureau électoral central (BEC) a rejeté le 9 mars sa candidature pour le nouveau scrutin, programmé les 4 et 18 mai prochain (décision no 18D). Deux jours plus tard, la Cour constitutionnelle roumaine a rejeté à son tour l’ensemble des recours formés par Călin Georgescu (arrêt no 7/2025). Elle vient de publier son argumentaire juridique, en réponse aux objections formulées par Călin Georgescu dans son appel.

Le jugement détaille cinq points. Les deux premiers concernent les compétences du BEC. Le troisième porte sur le fond de la décision rendue le 9 mars par le BEC et confirmée le 11 mars par la Cour constitutionnelle.

Point no 3 : la décision renvoie à celle de décembre où le nom de Georgescu n’est pas mentionné

La Cour a jugé que le choix du BEC d’exclure Călin Georgescu après avoir validé sa candidature il y a trois mois était parfaitement fondé, le déroulement du premier scrutin ayant démontré qu’il ne remplissait pas les conditions d’éligibilité pour concourir à l’élection présidentielle (point no 3). Le BEC a estimé que le choix de faire campagne sur le réseau social TikTok constituait un comportement contraire à la Constitution roumaine, dans la mesure où ce choix a permis ou favorisé une manipulation du scrutin ayant entraîné l’annulation des élections :

Ainsi, le BEC a attribué les irrégularités juridiques qui ont conduit à l’annulation des élections au comportement de la personne qui avait déposé sa candidature, en notant logiquement la violation de la condition du respect de la Constitution.

Le nom de Georgescu n’est pourtant cité à aucun moment, ni comme bénéficiaire ni comme organisateur de la fraude, dans la décision rendue par la Cour en décembre dernier, celle-ci incriminant uniquement l’intégrité du scrutin. La Cour rappelle d’ailleurs dans le même point (§ 3) que « la justice constitutionnelle en matière d’annulation des élections a pour objet le processus électoral dans son ensemble » et non la licéité des candidatures, qui est de la compétence du BEC. Il n’était donc pas de son ressort d’apprécier la candidature de Călin Georgescu lors du premier scrutin, raison pour laquelle son nom n’apparaît pas dans la décision d’annulation du 6 décembre (n° 32/2024) :

Pour comprendre la relation entre la décision de la Cour constitutionnelle n° 32/2024 et la décision du Bureau central électoral n° 18D du 9 mars 2025, il faut préciser que la justice constitutionnelle en matière d’annulation des élections a pour objet le processus électoral dans son ensemble, tandis que la mesure électorale d’évaluation et d’inscription/rejet des candidats vise le respect, par la personne qui présente son dossier de candidature, des conditions d’éligibilité constitutionnelles et légales.

Point no 4 : Georgescu pourra théoriquement se présenter à une prochaine élection

Dans son recours, Călin Georgescu avait estimé que la décision du BEC le privait de son droit fondamental, en tant que citoyen roumain, à prétendre être élu Président de la Roumanie. La Cour constitutionnelle a rejeté cette objection en arguant que son exclusion « ne conduisait pas à une sanction perpétuelle ». Il pourra donc se représenter, mais on ne sait pas ce qui l’autorisera à concourir à une prochaine élection.

La réponse de la Cour est d’autant plus douteuse qu’elle explique dans le point no 2 que la reprise du processus électoral est assimilable à une nouvelle élection, et que c’est à ce titre que le BEC était compétent le 9 mars pour réévaluer la candidature de Călin Georgescu, alors qu’elle avait déjà été validée en amont du premier scrutin. C’est donc sa personne et non son comportement qu’elle a jugée incompatible avec les conditions d’éligibilité constitutionnelles.

Point no 5 : l’ordre constitutionnel prévaut sur la justice électorale

Le dernier point de l’argumentaire met fin à tout débat, puisque la Cour estime que le contexte de l’élection de 2025 est marqué par une concurrence politique exceptionnelle, susceptible de remettre en cause la stabilité de l’ordre constitutionnel. Le « maintien de l’ordre constitutionnel » primant sur les intérêts des différents candidats, la Cour s’autorise sur ce principe à ne pas garantir l’équité du processus électoral :

Dans le processus d’élection du Président de la Roumanie en 2025, la vie publique est marquée par une compétition politique effervescente, un contexte dans lequel la Cour constitutionnelle, dans l’exercice de ses devoirs et fonctions essentiels, doit assurer le maintien de l’équilibre constitutionnel général, la stabilité de l’ordre constitutionnel et la pacification de la vie publique, indépendamment de l’intensité, des fluctuations et des variations du processus politique et électoral. […]

Les actes juridictionnels de la Cour constitutionnelle sont et doivent être l’expression de la prééminence du droit et de l’État de droit afin d’assurer la protection du cadre constitutionnel, qui est au-dessus des intérêts des groupes politiques ou d’autres groupes d’intérêt de la société roumaine dans leur compétition pour l’accès au pouvoir politique institutionnalisé.

Quelle menace la candidature de Georgescu incarne-t-elle ? La Cour ne répond pas explicitement à cette question – elle évoque simplement une « concurrence politique effervescente » – mais elle le fait indirectement dans l’introduction du communiqué, avec la mention incongrue de l’appartenance de la Roumanie à l’Union européenne et l’OTAN :

Dans le même temps, même si nous comprenons que, en période électorale, idéologique, doctrinale ou personnelle et en partisanerie peuvent engendrer une tension sociale qui va au-delà de la sphère d’habitude, nous devons réaffirmer qu’en Roumanie, en tant qu’État membre de l’UE et de l’OTAN, donc partie de l’espace démocratique occidental, il y a un ordre constitutionnel et juridique qui doit être respecté, en tant qu’expression de la souveraineté et de l’État et de la société, de l’identité constitutionnelle.

La décision de la Cour constitutionnelle repose donc tout entière sur ce syllogisme :

  1. Il n’y a pas de démocratie possible hors de l’UE et de l’OTAN
  2. Călin Georgescu critique l’UE et l’OTAN
  3. Donc Călin Georgescu est une menace pour la démocratie

Peut-on sérieusement parler de « démocratie » lorsque les droits fondamentaux qu’elle est supposée garantir peuvent être remis en question à la faveur d’un événement, déclaré exceptionnel par les autorités chargées de les faire respecter de manière inconditionnelle ?

Projections

La Roumanie fait aujourd’hui l’expérience d’une situation extrême, où elle démontre comment un gouvernement peut réussir à neutraliser un candidat dont la victoire aurait, selon les termes d’Emmanuel Macron, « transformer le destin de la Roumanie et la sécurité en Europe ». Sommes-nous immunisés contre une telle situation ?

Tout porte à croire que non, comme nous en avons fait l’hypothèse hier. Les sénateurs français ont d’ailleurs adopté la même trajectoire intellectuelle en 2021, avec cette déclaration folle qu’ils assument probablement encore aujourd’hui :

Si une « dictature » sauve des vies pendant qu’une « démocratie » pleure ses morts, la bonne attitude n’est pas de se réfugier dans des positions de principe, mais de s’interroger sur les moyens concrets, à la fois techniques et juridiques, de concilier efficacité et respect de nos valeurs.

https://www.senat.fr/rap/r20-673/r20-6731.pdf#page=102

Est-il excessif de s’inquiéter de la situation en Roumanie et plus généralement en Europe, ou faut-il se satisfaire de la réponse de la Cour constitutionnelle roumaine ?

La commission de Venise, chargée de conseiller les États de l’Union européenne sur des questions de droit constitutionnel a publié le 27 janvier un rapport urgent sur l’annulation des élections en Roumanie. Elle souligne le manque de transparence et d’équité procédurale, l’absence de preuves et de droits de recours, ainsi que la fragilité des fondements juridiques de cette décision.

Elle note par ailleurs que si les campagnes en ligne posent un défi en matière de désinformation et de manipulation de l’opinion publique, accentuées par le recours à l’intelligence artificielle, « les déclarations politiques dans le contexte d’une campagne sont généralement des déclarations de valeur, des jugements ou qui relèvent de la liberté d’expression du candidat, à moins qu’elles ne dépassent les limites autorisées, par exemple sous la forme d’un discours de haine contre les opposants politiques », ce qui n’est pas le cas de la campagne de Călin Georgescu. Elle précise :

Il est particulièrement difficile de prouver que la campagne en ligne et via les médias sociaux constitue une violation de la loi. Des décisions bien motivées et transparentes sur ces questions sont cruciales. De l’avis de la Commission de Venise, ces décisions doivent indiquer précisément les violations et les preuves, et ne doivent pas être fondées uniquement sur des renseignements classifiés (qui ne peuvent être utilisées qu’à titre d’information contextuelles), car cela ne garantirait pas la transparence et la vérifiabilité nécessaires.

https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-PI(2025)001-f#page=4

La commission de Venise a inscrit l’élection roumaine à l’ordre du jour de sa 142e session plénière, qui avait eu lieu ce week-end ; mais, quelles que soient ses conclusions, elles n’auront aucun impact sur la candidature de Călin Georgescu, le rôle de la Commission étant purement consultatif. Elles auront en revanche une vertu, celle de préciser le niveau de corruption de l’État roumain.

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