Scénario roumain

Équipe Le Point Critique | 28 juin 2025

L’UE à la manœuvre pour faire annuler l’élection présidentielle en Pologne ?

Trois semaines après la défaite de la coalition gouvernementale, le Premier ministre Donald Tusk conteste le résultat de l’élection présidentielle, dont la régularité est actuellement sous le coup d’enquête. Les similitudes avec le scénario roumain, impliquant l’ingérence du réseau fondé par le milliardaire George Soros, suggèrent une tentative de reprise en main du scrutin par l’Europe.

Drapeaux européen et polonais
© Rarrarorro

L’élection présidentielle polonaise a été remportée le 1er juin dernier par le candidat conservateur indépendant Karol Nawrocki, historien, ancien député européen (50,9 %) face au maire de Varsovie, Rafał Trzaskowski, soutenu par le Premier ministre proeuropéen Donald Tusk. Ce dernier conteste aujourd’hui le résultat de l’élection dans l’espoir de ramener les Polonais vers les urnes pour un nouveau vote.

Peu de temps après l’annonce des résultats, la coalition gouvernementale avait fait état de soupçons de fraude basés sur des anomalies statistiques observées dans plusieurs bureaux de vote lors du deuxième tour de l’élection. Elle avait alors demandé publiquement aux citoyens de déposer des recours pour contester le résultat du scrutin. En réponse, une enquête a été ouverte par la Commission électorale nationale la veille du jour de promulgation définitive des résultats, qui se trouvent donc de fait suspendus à ses conclusions, attendues au plus tard le 2 juillet. Le nouveau président de la Pologne est ainsi soupçonné d’avoir indûment bénéficié d’un report de voix destiné à son concurrent.

Cette contestation fait écho à des allégations concernant l’intégrité de la publicité électorale, portée par l’ONG britannique Global Witness. Peu avant l’élection, elle avait publié une enquête à charge contre le réseau social TikTok dont elle accuse l’algorithme d’avoir promu des contenus en faveur du candidat de droite auprès de ses utilisateurs polonais (12,6 millions de comptes présumés actifs en décembre 2024). Selon le député Roman Giertych, soutien de Donald Tusk, le réseau social aurait ainsi favorisé cinq fois plus de contenus d’extrême droite grâce à une manipulation de l’algorithme, accusée par l’ONG Global Witness de pouvoir potentiellement « servir de tremplin démesuré pour certaines opinions politiques ». La méthodologie utilisée par l’ONG soulève toutefois des interrogations sur son intégrité, les auteurs reconnaissant eux-mêmes que leur enquête ne permet pas de conclure à une instrumentalisation du vote par le réseau.

La question d’une éventuelle ingérence étrangère, en l’occurrence russe, fait aujourd’hui surface, Roman Giertych accusant l’opposition d’avoir utilisé un logiciel non homologué qui pourrait « faciliter des manipulations lors du dépouillement ». Ces « soupçons » avaient été exprimés dès la mi-mai par l’institut polonais de surveillance des réseaux numériques NASK, qui affirme avoir découvert plusieurs centaines de faux comptes diffusant de manière coordonnée, sur le réseau X (ex-Twitter) des messages « cohérents avec la ligne de propagande de la Fédération de Russie ».

Le sort du nouveau président polonais est donc désormais entre les mains de la Chambre extraordinaire de contrôle et des affaires publiques de la Cour suprême, dont les institutions européennes contestent la légitimité et dont la nomination de la Première Présidente, Małgorzata Manowska, en mars 2020, a été dénoncée par un parterre de 50 juges. Celle-ci a précisé qu’un dispositif était d’ores et déjà prévu dans l’éventualité où « des tentatives d’assaut du bâtiment de la Cour auraient lieu ». À quoi les Polonais doivent-ils s’attendre ?

Les inquiétudes sur la manière dont la Chambre rendra sa décision sont suscitées par l’exclusion en début de semaine de deux juges qui exigeaient que l’institution se conforme au droit européen, mais surtout par la similarité de la situation polonaise avec celle qu’a connue la Roumanie en 2024, et dont l’épilogue a eu lieu au printemps dernier.

La similitude est en réalité presque totale : même profil de candidat souverainiste, indépendant, antiavortement, opposé à l’entrée de l’Ukraine dans l’UE et l’OTAN ; mêmes accusations d’ingérence russe et de manipulation du scrutin par le réseau Tik-Tok, reposant sur la même absence de fondement ; mêmes acteurs à l’origine de la contestation du vote, en l’occurrence, une ONG abondamment financée par l’Open Society Foundations de George Soros (28 millions de dos versés depuis 2016), qui milite pour une restriction de l’utilisation des médias sociaux. Le milliardaire s’est accaparé de manière transparente une partie du paysage médiatique en faisant l’acquisition en 2022 de deux titres de presse – Rzeczpospolita, deuxième plus grand quotidien de Pologne, et Parkiet, spécialisé dans l’information financière –, mais l’Observatoire du journalisme (OJM) expliquait en 2019 comment l’extension de son influence et son ingérence dans la vie politique s’organisent dans l’ombre. L’OJM accuse notamment le fils héritier de l’empire Soros d’avoir instrumentalisé les élections qui ont porté au pouvoir l’actuel Premier ministre Donald Tusk.

Plus étonnant encore, le média The European Conservative rapporte, sur la base d’une enquête menée par des journalistes indépendants, comment le gouvernement polonais aurait organisé une campagne de dénigrement à l’encontre du candidat d’opposition, financée par des fonds étrangers, alors même qu’il dénonçait l’ingérence du Kremlin dans le processus démocratique. Selon les mêmes journalistes, qui affirment avoir analysé les résultats de l’élection dans plus de 32 000 commissions, les anomalies n’affecteraient que quelques milliers de voix, sans impact sur l’issue du vote, mais surtout, celles-ci auraient été commises au détriment du président élu.

La Cour suprême de Pologne se courbera-t-elle aux exigences de Bruxelles ? Pour rappel, la Cour constitutionnelle roumaine avait refusé en mai dernier d’auditionner le patron de la messagerie Telegram, Pavel Durov, à la demande du candidat d’opposition, qui dénonçait une ingérence de l’État français dans le scrutin ainsi qu’une fraude massive, dont la Cour a refusé d’examiner les preuves. Durov affirmait notamment au lendemain de la dernière élection avoir été invité par le directeur des services de renseignement français à clôturer les comptes du parti d’opposition. Il a réitéré publiquement ses accusations le 27 mai, lors du forum de la Liberté d’Oslo, en expliquant que le gouvernement français avait fini par admettre la réalité de ces rencontres après avoir violemment nié leur existence.

L’eurodéputée Virginie Joron (RN) rappelle aujourd’hui l’étonnante similitude entre les péripéties qu’ont connues les élections roumaines, dans laquelle l’ancien commissaire Thierry Breton a confirmé que l’Europe était intervenue, avec celles qui ont secoué le Nigéria en 1993 : plaintes portées par une ONG mais non étayées concrètement, invocation d’une menace à l’ordre public émanant du gouvernement en place, nouvelle élection reprogrammée après exclusion du vainqueur…

S’il est encore trop tôt pour voir dans le scrutin polonais la confirmation d’un modus operandi, la députée s’interroge. Elle souhaite notamment savoir si la Pologne, par la voix de son ministre contre la Désinformation internationale, Krzysztof Gawkowski, a rencontré la Commission européenne avant et après l’élection et quelles sont les « fausses informations » que l’opposition est supposée avoir relayées pour manipuler l’opinion polonaise. En février dernier, il avait annoncé la mise en place d’un dispositif de cybersécurité visant à contrer la fameuse ingérence russe que tous les gouvernements proeuropéens en difficulté semblent avoir anticipée mais ont échoué à contenir.

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