Rebondissement

Équipe Le Point Critique | 21 mai 2025

Ingérence de la France en Roumanie : le cofondateur de Telegram est prêt à témoigner

Dimanche, le patron de Telegram a accusé les services de renseignement français d’avoir tenté de manipuler l’élection roumaine. La situation politique en Ukraine et en Moldavie ferait également partie des obsessions de l’Élysée. Le milliardaire franco-russe confirme ce mardi être prêt à venir témoigner devant la justice.

Image générée par IA symbolisant un duel entre Emmanuel Macron et Pavlev Durov
© Grok

Le vent se lève en Roumanie. Après sa défaite et les accusations proférées par le patron de Telegram contre les services de renseignement français, le candidat souverainiste George Simion a annoncé saisir la Cour constitutionnelle pour contester sa défaite. Dimanche, le cofondateur de Telegram, Pavel Durov, avait formellement accusé le directeur de la Sécurité extérieure, Nicolas Lerner, de lui avoir demandé de censurer les comptes de l’opposition roumaine, lors d’une rencontre à l’hôtel Crillon.

L’annulation de l’élection de 2024 après la rencontre avec l’ambassadeur de France

Les Roumains étaient convoqués ce dimanche pour élire leur nouveau président, six mois après la tenue du premier tour de l’élection, remportée de manière écrasante par le candidat souverainiste Călin Georgescu, soupçonné d’avoir bénéficié du soutien de la Russie. Une enquête basée sur les registres fiscaux a établi que c’est en réalité le parti du gouvernement qui avait manipulé l’élection.

Déclaré régulier en première intention, le scrutin avait finalement été annulé et reprogrammé, après une rencontre entre l’ambassadeur de France et le président de la Cour constitutionnelle, mais il s’est tenu sans Călin Georgescu, empêché fin mars de se représenter lors du nouveau scrutin. Son remplaçant, George Simion, qui avait promis de nommer Călin Georgescu à la tête de son gouvernement, était donné grand favori de l’élection après sa victoire écrasante au premier tour.

Les suspicions de fraude entourant le scrutin de dimanche

Annoncé victorieux à la sortie des urnes, il n’a finalement remporté que 46 % des voix malgré un regain de participation attribué à la mobilisation historique de la diaspora. Cet afflux de voix inespéré – qui a permis de porter à près de 18 millions le nombre de votants alors que la population roumaine ne compte que 19 millions d’habitants –, aura bénéficié presque exclusivement à son rival, Nicușor Dan, le candidat européiste pour lequel l’eurodéputée Valérie Hayer (Renew) a fait personnellement campagne dans l’entre-deux tour.

L’opposition a dénoncé une fraude massive, qui semble confirmée par les incohérences détectées lors de l’analyse des données des votes par unité administrative territoriale, mais l’intégrité du scrutin est aujourd’hui entachée d’accusations d’une gravité inédite.

La salve du cofondateur de Telegram

Dimanche, en fin d’après-midi, le cofondateur franco-russe de Telegram a publié trois messages sur son compte X concernant l’élection roumaine. Dans le troisième, posté un peu plus tard dans la soirée, il relate une rencontre au printemps dernier à l’hôtel Crillon lors de laquelle le patron du renseignement français, Nicolas Lerner, lui aurait demandé « d’interdire les voix conservatrices en Roumanie à l’approche des élections ».

Ce printemps, au Salon des Batailles de l’Hôtel de Crillon, Nicolas Lerner, chef des services de renseignement français, m’a demandé d’interdire les voix conservatrices en Roumanie avant les élections. J’ai refusé. Nous n’avons pas bloqué les manifestants en Russie, en Biélorussie ou en Iran. Nous ne le ferons pas en Europe.

https://x.com/durov/status/1924187940122431572

Lundi soir, il est allé plus loin dans ses déclarations en accusant les services de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) de l’avoir interpellé en août 2024 sur des prétextes fallacieux, le véritable objectif de cette interpellation concernant la situation géopolitiques en Ukraine, en Moldavie et en Roumanie :

Les services de renseignements étrangers français ont confirmé qu’ils m’avaient rencontré, soi-disant pour lutter contre le terrorisme et la pédopornographie. En réalité, la pédopornographie n’a jamais été évoquée. Ils voulaient bien les adresses IP de suspects terroristes en France, mais leur principal objectif était toujours la géopolitique : Roumanie, Moldavie, Ukraine.

Le démenti de l’Élysée

La cellule diplomatique de l’Élysée a démenti catégoriquement sur son compte X, quelques minutes après le second message, avoir cherché à faire censurer les voix de l’opposition. Elle dénonce une manœuvre de diversion de la Russie face aux accusations dont elle continue de faire l’objet concernant l’élection de 2024, en dépit des preuves de l’intervention du gouvernement roumain et de l’aveu de l’ancien commissaire européen Thierry Breton, selon lequel l’annulation du scrutin aurait été commanditée et/ou pilotée par Bruxelles.

Le message de l’Élysée évoque « des ingérences numériques et financières bien réelles de la part d’acteurs liés à la Russie », mais ne produit aucun élément concret en appui de ces affirmations. Le quotidien britannique The Spectator affirme au contraire que, à la date du 25 avril, « les autorités n’avaient toujours pas fourni de preuves concrètes de l’ingérence russe dans les élections », citant la cellule de désinformation de la BBC. Il écrit :

L’hypocrisie est vraiment hors norme. L’homme qui devrait être aujourd’hui le président roumain, si une véritable démocratie avait été autorisée à suivre son cours, est Călin Georgescu. Il a remporté le premier tour de l’élection présidentielle initiale et avait l’air d’être en bonne position pour remporter le second. Il était populaire pour les raisons que j’ai exposées ici. […]

Vous n’avez pas besoin de soutenir ou d’approuver la totalité ou l’une ou l’autre des politiques ou déclarations de Georgescu pour reconnaître que ce qui s’est passé en décembre était scandaleux. Annuler le second tour d’une élection présidentielle parce que le candidat susceptible de gagner est un critique à la fois de l’UE et de l’OTAN (qui est, soyons honnêtes, la véritable raison pour laquelle il a été éliminé) est l’antithèse de la démocratie. À sa décharge, Elena Lasconi, l’adversaire de Georgescu au second tour, favorable à l’UE, pensait de même.

Neil C. Democracy dies in Romania. 2025 May 19. https://www.spectator.co.uk/article/democracy-dies-in-romania/

La riposte de Pavel Durov

Interpellée par l’eurodéputée Virginie Joron (Patriotes pour l’Europe), sa collègue Nathalie Loiseau (Renew), récemment nommée à la tête de la Commission spéciale sur le bouclier européen de la démocratie (la commission anti-ingérences de l’Union européenne) a qualifié de « sérieuses », mais de non étayées les accusations de Pavel Durov, en rappelant que c’est à lui qu’il incombe de fournir la preuve d’une intervention de l’État français.

Le patron de Telegram a pris au mot la députée. Ce mardi, il a répondu par tweets interposés à l’annonce par George Simion du dépôt d’une requête en annulation, auprès de la Cour constitutionnelle, sur la base du raisonnement qu’elle a tenu en 2024. Il s’engage à venir témoigner devant la justice pour fournir les preuves évoquées par Simion, qui dénonce une double ingérence de l’État français et du gouvernement moldave.

Le journal indépendant Daily Romania a confirmé une heure plus tard que la requête avait bien été déposée par George Simion.

La Cour osera-t-elle jusqu’à considérer le refus de Pavlev Durov de fermer les comptes de l’opposition roumaine comme la preuve d’une absence d’ingérence concrète, en estimant qu’une intention ou une tentative ne sont pas un délit ? C’est notre pronostic à ce stade, mais nous savons que les instances européennes savent être extrêmement imaginatives lorsqu’elles sont menacées. Elles n’ont au demeurant plus besoin de faire semblant d’agir en accord avec le droit, comme l’a démontré l’avis de la Cour constitutionnelle.

Le fait que Pavel Durov agisse pour le compte du Kremlin, auquel il est un opposant notoire, est en tout cas l’explication la plus délirante que l’on puisse imaginer. Il a quitté la Russie il y a plusieurs années avec la ferme intention de ne plus jamais y retourner, estimant que « le pays est incompatible avec le modèle de développement économique des start-up ». La France devait incarner cette terre de libertés. Le patron de Telegram semble avoir compris à ses dépens que la start-up nation n’était qu’un miroir aux alouettes.

Mise à jour, 21 mai 2025

Preuve que l’Ukraine ne badine pas avec la guerre, elle a créé un site, intitulé « Pacificateurs » (Myrotvorets), qui recense le nom de ceux qui œuvrent pour tenter de mettre fin à la guerre. Il ne s’agit pas d’un tableau d’honneur, mais d’un recensement des ennemis de la nation ou des cibles à abattre. Andriy Portnov, conseiller de l’ancien président ukrainien Ianoukovitch et principal opposant au régime de Kiev, figurait sur cette liste. Il vient d’être abattu près de Madrid.

On ignore l’identité des auteurs, mais cet assassinat, encensé par les médias ukrainiens alignés sur le régime de Kiev après la purge orchestrée par Volodymyr Zelensky, donnerait raison à Călin Georgescu si, comme certains le pensent, il a été ordonné en haut lieu. Le 11 avril dernier, l’ancien candidat à la présidence roumaine avait publiquement accusé Antony Blinken et Emmanuel Macron d’avoir influencé le gouvernement roumain pour l’exclure de l’élection, par peur de son message en faveur de la paix.

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