Rétropédalage
Le Gouvernement tente d’éteindre l’incendie provoqué par le chef d’état-major des armées
La ministre des Armées, Catherine Vautrin, pris la parole jeudi pour défendre le chef de l’état-major des armées, accusé d’être sorti de son rôle en demandant aux Français de se préparer à perdre prochainement leurs enfants à la guerre.
Ceux qui ne connaissaient pas le concept de « fenêtre d’Overton » viennent de l’expérimenter sans le savoir, avec l’appel lancé mardi par le chef d’état-major des armées (CEMA) à la population française lors du Congrès annuel des maires de France. Invité par le sénateur David Lisnard, le général Fabien Mandon a exhorté l’ensemble des élus à préparer leurs administrés à une entrée en guerre de la France contre la Russie, dont il martèle, depuis sa récente nomination, qu’elle est inéluctable.
Contredisant la déclaration faite il y a un mois lors de son audition parlementaire, où il avait admis que l’Armée française n’était pas prête pour un conflit de haute intensité, il a estimé que la seule chose qui pourrait manquer à la France pour vaincre la Russie était l’élan patriotique de la population et sa capacité à accepter de perdre ses enfants et de voir son pays basculer en économie de guerre :
Nous avons tout pour dissuader Moscou. Ce qu’il nous manque, c’est la force d’âme pour accepter de nous faire mal pour défendre la Nation. […] Si notre pays flanche, parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants, parce qu’il faut dire les choses, de souffrir économiquement parce que les priorités iront à de la production de défense, par exemple, si on n’est pas prêt à ça, alors on est en risque.
Ces propos ont provoqué l’indignation de la quasi-totalité de la classe politique et la colère de nombreux élus, qui ne se reconnaissent ni dans la mission qui leur a été confiée ce mardi, ni dans le tableau des Français, dressé par le général Mandon, accusé de sous-entendre qu’ils manqueraient de courage ou de lucidité.
La ministre française des Armées, Catherine Vautrin, a pris la parole jeudi pour tenter d’éteindre ce début d’incendie. Elle estime que le CEMA s’est contenté de rappeler l’« incarnation du lien entre l’Armée et la nation » et d’expliquer les implications concrètes d’un conflit auquel le président de la République a appelé solennellement les militaires à se préparer, le 13 juillet dernier. Elle a invoqué l’indispensable unité de la nation pour dénoncer les tentatives visant à créer une polémique artificielle :
Bien sûr, nous devons entraîner nos armées. Il est important que notre nation soit à la fois lucide et unie. Il n’y a pas de place pour la polémique.
Même son de cloche de la part du porte-parole du CEMA, le colonel Guillaume Vernet, qui organisait hier un point presse pour clarifier les propos du général Mandon et expliquer qu’il n’avait jamais affirmé que de jeunes civils seraient envoyés sur le front :
Subir une guerre de haute intensité, ça veut dire envisager des pertes de militaires. Ça veut dire souffrir économiquement. […] Une guerre de haute intensité, c’est entre 200 et 1 000 morts par jour. Un pays qui n’est pas prêt à connaître ça, c’est un pays qui est faible. Et s’agitant du terme « enfant », ce sont les enfants de la nation. Les armées sont les enfants de la nation.
https://www.bfmtv.com/politique/un-pays-qui-ne-comprend-pas-ca-est-un-pays-faible-le-porte-parole-du-chef-d-etat-major-des-armees-defend-les-propos-du-general-fabien-mandon_AV-202511200542.html
Explication de texte ou rétropédalage ? La porte-parole du Gouvernement, Maud Brégeon, rappelait à son tour vendredi que la France possède une armée de métier, et que c’est donc elle qui était exclusivement visée. En l’occurrence, elle ne dispose que d’environ 151 000 militaires immédiatement opérationnels, auxquels s’ajoutent quelque 40 000 réservistes susceotibles d’être mobilisés en cas de guerre. Le conflit russo-ukrainien dure aujourd’hui depuis plus de trois ans, sans être un expert en mathématiques, on comprend donc bien que l’Armée française devra tôt ou tard recourir à la conscription si le scénario projeté par le Gouvernement se concrétise. Le projet du chef de l’État de restaurer le service militaire, officiellement sur la base du volontariat, ne dit pas autre chose.
Ce faux débat sur la signification du mot « enfant » est en réalité un écran de fumée destiné à occulter les véritables raisons de la défiance que séquence a révélée.
Pourquoi une telle insistance à préparer les Français à la guerre si cette option est reflétée de manière explicite par le contexte géopolitique ? Pourquoi, a contrario, planifier une guerre qui ne semble couler de source que pour le président et sa garde rapprochée, et s’engager dans le même temps à offrir à l’Ukraine un armement qui nous fera demain cruellement défaut ?
L’incongruité et l’outrance de l’intervention du général Mandon ont de fait révéler le véritable objectif de cette opération de communication : terroriser la population en brandissant le spectre d’une guerre dont le chef de l’État n’a jamais réussi à démonter la légitimité historique, afin d’extorquer leur consentement à de futurs sacrifices, a minima économiques. Un nombre croissant de Français sait aujourd’hui que le conflit russo-ukrainien n’est pas né en 2022, mais qu’il a des origines plus anciennes. Emmanuel Macron pense-t-il sérieusement qu’ils accepteront demain d’envoyer leurs enfants en Ukraine ?
Le manuel de survie, dont l’envoi était prévu initialement avant le début de l’été, avait été retardé probablement parce que l’exécutif avait compris que les Français ne se sentaient pas concernés par cette guerre. Le sont-ils davantage aujourd’hui ? Le maître des horloges n’a plus aujourd’hui aucune prise sur le pays, il est donc contraint de s’adapter aux évolutions du conflit sans attendre que les Français soient prêts à le suivre.
Le calendrier choisi par l’exécutif suggère que l’objectif de cette opération était de tester l’état d’esprit de la population. Cet échec était prévisible, ce qui suggère que le Gouvernement est aujourd’hui prêt à nous pour nous vendre la guerre. Un ancien militaire a répondu sur les réseaux sociaux au général Mandon. Son message ne pourrait être plus clair.