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Équipe Le Point Critique | 18 novembre 2025

Vente de rafales à l’Ukraine, le grand bluff avant l’effondrement final ?

Emmanuel Macron a accueilli ce lundi Volodymyr Zelensky sur la base de Villacoublay. Une lettre d’intention incluant la livraison de 100 Rafale à l’horizon 2035 a été signée entre les deux hommes. Cet « accord historique » intervient dans un contexte particulièrement délicat pour le président ukrainien, dont l’état-major est accusé d’avoir mis en place un système de détournement de l’aide occidentale portant sur au moins 100 millions d’euros.

Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron, base de Villacoublay, 17 novembre 2025.

L’Ukraine fait actuellement face au plus grand scandale de corruption de la présidence Zelensky. L’affaire a été officiellement dévoilée le 10 novembre avec la publication des conclusions de l’enquête menée par les agences anticorruption (NABU/SAPO), et l’arrestation de trois ministres clés du Gouvernement, dont le ministre de la Défense qui a pris la fuite en Israël. Sans surprise, il a annoncé hier qu’il ne retournerait pas en Ukraine. Les agents du NABU évoquent 100 millions de dollars d’aide occidentale détournée grâce à un système de pots-de-vin, mais les sommes pourraient être bien plus importantes. Le cerveau présumé de l’organisation serait l’ami d’enfance et ancien associé de Volodymyr Zelensky, accusé aujourd’hui par son ancien mentor d’être le véritable chef d’orchestre du système. La presse anglo-saxonne soupçonne de son côté les enquêteurs d’être en possession d’enregistrements qui pourraient incriminer personnellement le président ukrainien. L’affaire est d’une gravité extrême puisque des contrats visant à protéger les infrastructures énergétiques ukrainiennes auraient été mis en suspens car jugés insuffisamment lucratifs.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est exprimée publiquement le 13 novembre au Parlement européen, mais elle n’a paradoxalement évoqué à aucun moment ce sujet. Elle s’est contentée de présenter les conclusions du dernier Conseil européen, où une nouvelle tranche d’aide de 6 milliards d’euros à destination de l’Ukraine a été votée le 23 octobre, sans s’inquiéter du risque de détournement de ces fonds. Certains ont de fait insinué sur les réseaux sociaux que l’aide occidentale pourrait être assortie de rétrocommissions occultes qui expliqueraient une telle inertie face au pillage en règle des ressources de l’UE.

Recevoir le président ukrainien dans un tel contexte était d’autant surprenant qu’aucun contrat ferme n’a été signé. La seule urgence objective, hormis celle d’éteindre l’incendie que pourrait déclencher la propagation de ce scandale dans l’opinion publique, a fortiori dans le contexte budgétaire actuel, serait de fournir à l’Ukraine les moyens d’enrayer l’effondrement de la ligne de front. Or Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky se sont contentés de formaliser hier, à travers une lettre d’intention sans aucune valeur juridiquement contraignante, leur volonté de coopérer et de poser les bases pour de futures négociations susceptibles de déboucher sur des contrats commerciaux qui seront alors directement financés par le contribuable européen. L’alternative serait d’utiliser les avoirs russes, mais les conséquences seraient probablement fatales à l’Europe.

Cette séquence soulève en réalité plus de questions qu’elle n’apporte de réponses concernant la stratégie prétendûment suivie par la France. Les Rafale tant convoités par le président ukrainien ne seront pas disponibles avant 2035. Des « engagements de production » ont été annoncés par le président français « d’ici à la fin de l’année 2025 » pour les drones et les munitions, mais la première tranche de livraison des systèmes de défense aérienne SAMP-T n’interviendra pas avant 2027, soit cinq ans après le début du conflit dont la durée serait alors historique s’il se prolongeait jusqu’à cette date. Un ancien pilote de chasse explique pourquoi un tel accord n’a d’historique que le nom et pourquoi l’urgence à organiser la rencontre de lundi n’a à l’évidence aucun rapport avec l’agenda militaire de l’Ukraine:

Si tant est qu’il soit un jour livré, cet armement ne pèsera donc pas sur l’issue de la guerre, dont d’aucuns estiment qu’elle ne survivra pas à l’année 2026, voire 2025 pour les plus optimistes. Ce n’est de toute façon pas officiellement le but, du moins pour les Rafale dont la livraison vise, selon le chef de l’État « à doter l’armée ukrainienne d’une “capacité de dissuasion” contre toute tentative “d’incursion” ».

Peut-il a contrario peser positivement sur la paix ? Le pari est que l’Ukraine survive à cette première phase de la guerre totale avec la Russie dans laquelle se projette l’Occident, et donc qu’une paix soit négociée à brève échéance, mais sans aucune concession territoriale de la part de l’Ukraine qui se contente aujourd’hui d’exiger un cessez-le-feu en amont de toute discussion en affirmant qu’elle n’acceptera de toute façon aucune des conditions mises sur la table par Moscou. Quand bien même Zelensky, dont le Kremlin estime qu’il ne peut légalement signer aucun traité, chercherait uniquement à gagner du temps en exigeant une trêve (ce qui est de fait l’objectif implicite de ce cessez-le-feu), est-ce la meilleure stratégie pour l’obtenir ? Mais surtout, en quoi le fameux « accord historique » signé hier sur la base de Villacoublay est-il susceptible de favoriser un apaisement des tensions entre Kiev et Moscou ?

Emmanuel Macron assure que le message adressé aujourd’hui à Vladimir Poutine à travers cette déclaration d’intention – en l’occurrence, celle d’un soutien occidental puissant en cas de future agression – est de nature à inverser le cours du conflit. En pratique, l’Ukraine se laisse dévorer inexorablement depuis deux ans par l’armée russe, qui engloutit patiemment l’ensemble de ses ressources, humaines et militaires, jusqu’à un point de non-retour. Aucune contre-offensive organisée par Kiev n’a en effet jamais atteint son but malgré les centaines de milliards investis par l’Europe et les États-Unis.

Tout au plus résiste-t-elle à la pression russe, mais à quel prix ?

Selon le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, les armes livrées par l’OTAN ne survivent pas plus d’une semaine sur le front. The Telegraph estimait fin octobre que l’exode massif des jeunes Ukrainiens (100 000 depuis le mois d’août) couplé aux pertes vertigineuses essuyées sur le front (1,7 million selon une fuite de l’état-major kiévien), met désormais en péril la survie du pays. Le nombre de soldats ukrainiens ayant déserté ou absents sans permission sera bientôt égal à l’effectif total de l’armée, selon le député ukrainien Roman Kostenko.

En réponse, Kiev intensifie les rafles de civils en pleine rue dont les images inondent les réseaux sociaux que l’Europe et la France rêvent d’interdire. Les dernières vidéos montrent l’enlèvement, par les milices d’État, d’un professeur de sport capturé sous les yeux de ses élèves, d’un enfant arraché à sa mère ou d’un père de famille contraint d’abandonner son bébé sur le trottoir. Leur temps de survie sur le front n’est que de quelques minutes, leurs proches savent pertinemment qu’ils ne les reverront jamais.

Est-ce donc un service à rendre à l’Ukraine que de l’éloigner de la voie diplomatique, comme le fait aujourd’hui le président français, dont le journaliste Matthews Owen dénonçait en septembre dernier l’influence délétère sur l’issue du conflit ?

Cela fait du projet de Macron d’envoyer des troupes européennes sur le terrain une partie du problème, et non une partie de la solution. Poutine n’acceptera jamais la présence de Casques bleus de l’OTAN, alors pourquoi les Européens en parlent-ils ? La seule réponse est une nouvelle démonstration vide de « solidarité » avec Volodymyr Zelensky.

Cela fait quatre ans que l’Occident arme et finance l’Ukraine sans faire reculer la Russie. La France n’a plus rien à offrir si ce n’est des illusions, des paroles creuses et des étreintes que certains n’hésitent plus à qualifier d’obscènes. En d’autres termes, la séquence d’hier n’avait qu’un objectif, hormis celui d’entraîner la nation dans une escalade mortifère : distraire la population et gagner du temps.

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