Enquête

Équipe Le Point Critique | 29 octobre 2025

Le premier sous-traitant de l’armée ukrainienne suspecté d’être lié financièrement à Volodymyr Zelensky

Le New York Times révèle comment une société de casting en lien avec Volodymyr Zelensky est devenue le premier sous-traitant de l’armée ukrainienne. Le montant des contrats, octroyés de manière opaque et sans négociation, s’élèverait à 1 milliard de dollars pour l'année 2025.

Drone militaire
© iStock/NiseriN

L’agence de casting Fire Point est-elle devenue du jour au lendemain l’une des premières sociétés d’armement du pays grâce à ses connexions avec le président ukrainien ? C’est ce que suggèrent les premières conclusions de l’enquête du Bureau national anticorruption ukrainien (NABU) concernant les conditions d’attribution de marchés à d’anciens membres du cercle professionnel de l’actuel président, divulguées il y a quelques jours par le New York Times. L’agence anticorruption soupçonne également Timur Mindich, le copropriétaire de l’ancien studio de cinéma de Volodymyr Zelensky (Kvartal 95), d’être le bénéficiaire des profits issus de ces contrats astronomiques, qui auraient à eux seuls capté environ un tiers des fonds budgétaires du ministère ukrainien de la Défense en 2024.

La spectaculaire reconversion de l’agence de casting présidentielle

Fire Point, anciennement Centrocast jusqu’à son changement de propriétaire en 2023, s’est reconvertie au début de la guerre dans la fabrication de drones explosifs longue portée (FP-1), actuellement utilisés pour cibler les raffineries de pétrole russes. Le Kyev Independent, qui a documenté l’affaire, précise que l’entreprise ne disposait que d’un savoir-faire limité lorsqu’elle a décroché ses premiers contrats gouvernementaux :

Deux sources industrielles affirment que peu après sa création en 2023, l’entreprise produisait des drones à peine fonctionnels tout en bénéficiant d’un financement préférentiel massif de la part du gouvernement.

L’entreprise s’est lancée depuis cet été dans la fabrication de missiles longue portée Flamingo, coproduits avec le groupe britannique Milanion. C’est sur cet arsenal stratégique permettant de réaliser des tirs en profondeur sur le territoire russe que compte aujourd’hui aveuglément Zelensky pour retarder l’issue de la guerre, bien que l’efficacité du Flamingo n’ait pas encore été testée à grande échelle, selon le New York Times.

Fire Point a réorienté intégralement son activité au début du conflit, mais son propriétaire officiel, Yehor Skalyha, reste le directeur exécutif d’une autre société, At Point, spécialisée dans la recherche de lieux de tournage de films. Celle-ci a été créditée en 2016 dans la comédie romantique Eight Best Dates, dans laquelle Volodymyr Zelensky occupait le rôle principal. C’est à cette époque qu’il s’est fait pleinement connaître du grand public, un an après sa participation dans la série Serviteur du peuple relatant comment un professeur d’histoire allait devenir du jour au lendemain président de l’Ukraine.

Est-ce en raison de ces liens privilégiés avec Zelensky que Fire Point a été choisie pour devenir en à peine deux ans l’un des plus gros sous-traitants de l’armée ukrainienne alors que ses drones étaient jugés moins performants que ses concurrents, et que ce choix controversé est peut-être à l’origine de la situation militaire catastrophique dans laquelle se trouve aujourd’hui le pays ?

L’entreprise aurait décroché ces contrats malgré des prix jugés prohibitifs qui auraient dû déclencher une négociation avec l’Agence ukrainienne d’approvisionnement en matière de défense. Selon l’enquête du Kyev Independant, Fire Point devrait bénéficier en 2025 de plus de 1 Md $ de contrats gouvernementaux issus du nouveau dispositif européen de financement, appelé « modèle danois », et de l’accord de 5 Md $ signé en mai dernier avec l’Allemagne, soit 10 % des dépenses totales d’approvisionnement de défense de l’Ukraine selon le New York Times.

Autre élément troublant, bien que la directrice de la technologie de l’entreprise, Iryna Terekh, n’ait aucune expérience en matière d’armement, elle a été choisie en décembre dernier par le chef du Bureau présidentiel, Andriy Yermak, pour participer à une réunion à huis clos réunissant Volodymyr Zelensky et les hommes d’affaires les plus riches du pays. Elle a été nommée fin avril, aux côtés du propriétaire légal de Fire Point, pour siéger au sein d’un conseil gouvernement associant les entrepreneurs les plus puissants du pays.

Les pressions subies par l’agence anticorruption ukrainienne

Le NABU n’a à ce stade pas pu formellement établir si Timur Mindich, également à la tête d’une société de négoce de diamants en Russie, était intéressé aux profits de Fire Point « en tant que propriétaire anonyme », mais les dirigeants de l’entreprise ont admis qu’il avait « demandé à acheter des actions dans l’entreprise ». Ils affirment avoir financé eux-mêmes la création de la société en collaboration avec un ingénieur, Denys Shtylerman, qui se serait lancé par patriotisme dans la conception de drones réalisée à l’origine dans des « ateliers de fortune », selon le storytelling de Wikipédia.

L’agence anticorruption, qui suspecte par ailleurs Fire Point d’avoir gonflé artificiellement le prix ainsi que le nombre de drones inclus dans les contrats, disposerait toutefois d’éléments solides permettant de confondre l’ancien associé de Zelensky :

« Les rumeurs circulent assez activement que les drones (de Fire Point) sont liés à Mindich, et j’ai toute conviction que cette version des événements correspond à la réalité », a déclaré la source gouvernementale, qui connaît les matériaux de l’enquête, au Kyiv Independent. NABU n’a répondu à aucune question concernant Mindich.

https://kyivindependent.com/exclusive-maker-of-ukraines-prized-flamingo-cruise-missile-facing-corruption-probe/

La rafale de perquisitions subies par l’agence en juillet dernier et menées sans mandat par plusieurs services de l’État, dont le Service de sécurité de l’Ukraine (SBU), suggère que son enquête est perçue comme une menace existentielle par le président Zelensky. Selon le Kyev Independent, dont le rédacteur en chef affirme subir aujourd’hui des pressions de la part de Fire Point, l’opération spéciale coïncide en effet avec la « tentative du gouvernement d’adopter un projet de loi qui fournirait une amnistie de facto pour la corruption dans l’industrie de la défense »

Ces révélations interviennent quelques semaines après la divulgation par la presse anglo-saxonne d’un pot-de-vin perçu par Boris Johnson pour faire échouer l’accord de paix, proposé à l’initiative de l’Ukraine en avril 2022, aux conditions qu’elle juge aujourd’hui totalement inacceptables, retardant ainsi l’échéance d’une possible paix.

Jusqu’au dernier Ukrainien ?

Selon le Wall Street Journal, le missile Flamingo n’a à lui seul (pas plus que les Storm Shadow britanniques ou les F-16 américains) la capacité d’inverser le cours de l’histoire. L’Ukraine reste fondamentalement dépendante de l’aide occidentale, qui ne permet de toute façon pas de résoudre la principale difficulté à laquelle sont confrontées les armées de Zelensky, celle des ressources humaines. Les milices gouvernementales continuent de sévir dans les rues de Kiev et d’enlever sous les yeux de leurs proches les Ukrainiens qui refusent d’aller mourir sur le front.

Seuls 23 % d’entre eux soutiendraient aujourd’hui la guerre, dont tous les observateurs honnêtes s’accordent à dire qu’elle a déjà été remportée par la Russie. Si cette analyse est correcte et si les accusations qui visent Zelensky sont effectivement fondées, le réveil des citoyens qui auront eu la naïveté de voir en lui un nouveau Churchill risque d’être particulièrement douloureux.

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