Néant diplomatique

Équipe Le Point Critique | 07 septembre 2025

« L’Europe trompe l’Ukraine », The Telegraph dénonce la vacuité du plan d’Emmanuel Macron

La Coalition des volontaires s’est réunie à Paris la semaine dernière pour organiser l’après-guerre en Ukraine. Au lendemain de cette séquence, la presse anglo-saxonne fustige l’impuissance de l’Europe à peser dans les négociations de paix. Elle dénonce plus particulièrement le rôle joué par Emmanuel Macron dans ce sabordage des ambitions occidentales.

Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky, Paris, perron de l'Élysée, 3/09/2025

The Telegraph a commenté vendredi, de manière cinglante, la réunion de la Coalition des volontaires, organisée à Paris cette semaine par Emmanuel Macron et Keir Starmer, le Premier ministre britannique. Owen Matthews, l’auteur de l’article, a dénoncé une coquille vide visant à dissimuler l’impuissance des Européens. Il estime aujourd’hui que la solution défendue par le président français est une partie non pas de la solution, mais du problème.

Sur le fond, l’objectif de la réunion était de définir la manière dont les alliés organiseront la sécurité de l’Ukraine lorsqu’un cessez-le-feu ou un accord de paix sera conclu – en l’occurrence à travers un déploiement de troupes appelées « force de réassurance » – et d’obtenir l’aval de Washington en adressant un signal d’unité puissant.

Sur la forme, il s’agissait de répondre à la « démonstration de force » organisée par la Chine à l’occasion des célébrations de la fin de la Seconde Guerre mondiale, en présence de la Russie, l’Inde et la Corée du Nord. L’événement réunissait plus de 25 nations, dont quatre des cinq premières puissances militaires au monde, auxquelles les alliés seront confrontés demain s’ils entrent en guerre contre la Russie :

https://twitter.com/le20hfrancetele/status/1963323610891784216

Selon Emmanuel Macron, 26 des 35 pays qui composent la Coalition se seraient engagés à « déployer des troupes ou fournir des moyens pour soutenir les soldats de la paix dans l’air ou en mer ». « Nous sommes prêts », a annoncé le président français à l’issue de ces deux journées, qui ont temporairement transformé Paris en capitale de la guerre.

Or selon Owen Matthews, cette séquence est essentiellement une manière d’occuper le terrain dans la mesure où ces discussions, qui visent à définir des « garanties de sécurité » sans lesquelles un accord de paix est inenvisageable pour les Occidentaux, ont été menées dans un entre-soi totalement étanche, et où la solution portée par Emmanuel Macron inclut comme principale revendication l’une des lignes rouges les plus épidermiques fixées il y a plus de dix ans par le Kremlin :

L’Europe ment à l’Ukraine. Aucune troupe ne viendra à son secours. La réunion d’hier de la Coalition des volontaires a donné lieu à de nombreuses déclarations audacieuses, dont un accord de principe sur ce que le président français Emmanuel Macron a appelé des « forces de réassurance en Ukraine ».

Mais le plan de M. Macron pose un seul problème : il s’agit de Vladimir Poutine. Les dirigeants européens ont refusé de parler au Kremlin depuis le début de l’invasion russe, ce qui explique peut-être pourquoi ils ne semblent pas avoir entendu le message souvent répété de Poutine, qui s’oppose catégoriquement à l’idée d’une présence militaire de l’OTAN en Ukraine. En effet, il est tout à fait clair que l’une des principales justifications de Poutine pour son invasion était d’empêcher la dérive de l’Ukraine vers l’Ouest et de mettre fin à son association avec l’OTAN.

Le projet de Macron d’envoyer des troupes européennes sur le terrain fait donc partie du problème, et non de la solution. Poutine n’acceptera jamais la présence de soldats de la paix de l’OTAN, alors pourquoi les Européens en parlent-ils ? La seule réponse est une autre démonstration vide de « solidarité » avec Volodymyr Zelensky, qui a fait un grand nombre d’accolades et d’embrassades avec ses amis européens.

Fin août, déjà, au lendemain du sommet en Alaska, Owen Matthews a dressé un portrait au vitriol de la stratégie portée par les dirigeants britannique, allemand et français, qu’il qualifie de « pygmées de l’Europe ». Publié à l’issue du déplacement de la délégation européenne à Washington, l’article souligne le rôle décisif joué par Emmanuel Macron dans la réduction à néant des ambitions occidentales.

Il a donné le cap après avoir détruit la voie diplomatique, en commettant une double erreur stratégique : encourager l’Ukraine à refuser toute concession territoriale en « soutenant à fond l’insistance de Volodymyr Zelensky à ne pas échanger la terre contre la paix », et exclure tout dialogue avec la Russie, en diabolisant le chef de Kremlin et en exhortant la communauté internationale à le traiter comme un paria.

L’Europe voulait peser à la table des négociations, elle est sortie du jeu en choisissant « d’occuper les sommets de la supériorité morale plutôt que de sombrer dans la sale boue de compromis », et en abandonnant aux États-Unis la responsabilité de négocier l’issue du conflit en tête-à-tête avec Moscou :

Ce n’est pas Moscou ou Washington qui excluait l’Europe du processus de paix. Au contraire, les dirigeants européens se sont retirés de la boucle. Après qu’une vague de diplomatie d’avant-guerre menée par le Français Emmanuel Macron se soit terminée par un échec, les dirigeants européens ont choisi d’éviter davantage la diplomatie avec le Kremlin.

L’idée même du dialogue avec la Russie a été écartée par les responsables britanniques et européens. La Russie devait être isolée, sanctionnée et rejetée en tant que paria. Toute suggestion de pourparlers avec l’empire maléfique de Poutine a été considérée comme une trahison de nos courageux alliés ukrainiens.

Cela a laissé les Américains prendre l’initiative avec une série de discussions parallèles.[…] le résultat a été que Trump, et non les Européens, a pris le contrôle de la négociation du résultat final de la guerre.

La sève de la voie diplomatique est désormais tarie, la branche ne repoussera pas par magie. L’Europe a fait le pire calcul, en choisissant d’ignorer les rapports de force et les leçons de l’histoire : croire qu’elle pourrait vaincre militairement la Russie en multipliant les sanctions et en livrant suffisamment d’armes à l’Ukraine, et penser que le droit a force de loi dans un conflit (en l’occurrence, il n’est que virtuellement du côté de l’Europe, ce qui clôt par définition le débat) :

Plutôt que de discuter avec la Russie, l’Europe a continué d’insister pour que la Russie puisse être vaincue sur le terrain si seulement nous pouvions fournir suffisamment d’armes. C’est la même logique fatale qu’au Vietnam après 1968 ou en 2009 en Afghanistan pendant la montée d’Obama lorsque l’armée américaine a dit à leurs maîtres politiques que la guerre était valable si seulement ils pouvaient larguer suffisamment de bombes.

Il a fallu l’intervention énergique de Trump pour mettre fin à cette pensée magique. Certaines guerres se terminent par la victoire, mais aucune guerre dans l’histoire n’a jamais pris fin avec la justice. […] De même, la guerre en Ukraine prendra inévitablement fin avec la partition de l’Ukraine. Nous ne pouvons changer cela qu’en déclarant nous-mêmes la guerre à la Russie.

Emmanuel Macron semble avoir choisi cette option, sans qu’on sache s’il s’agit d’un calcul stratégique ou d’une pulsion russophobe, mais rien ne laisse penser aujourd’hui que la France a les moyens de ses ambitions. La seule certitude sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour anticiper la feuille de route du chef de l’État est sa détermination à ne pas quitter le pouvoir. Deux de ses homologues, israélien et ukrainien, ont leur destin étroitement scellé à une guerre, dont ils savent que la fin précipitera leur déchéance. La question est de savoir si le président français s’estime en capacité d’assumer ou non son bilan.

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