Au pied du mur
Le plan de paix en 28 points imaginé par Donald Trump pour mettre un terme à la guerre en Ukraine
Les États-Unis ont soumis à l’Ukraine un plan de paix en 28 points reprenant les principales exigences de la Russie : réduction de ses effectifs militaires, cession de territoires actuellement contrôlés par Kiev, interdiction de rejoindre l’OTAN ou d’en accueillir des troupes, dénazification du pays. Il impose réciproquement à la Russie de retranscrire dans la loi son engagement à ne pas agresser l’Ukraine ou ses voisins européens. Il scelle également le sort de Volodymyr Zelensky, en imposant à Kiev d’organiser de nouvelles élections dans un délai de 100 jours.
Le média Axios publie ce jeudi le plan de paix imaginé par la Maison-Blanche pour mettre un terme au conflit russo-ukrainien et soumis ce jeudi à l’état-major ukrainien. Le document a été rédigé par Steve Witkoff et Kirill Dmitriev, les émissaires de Donald Trump et Vladimir Poutine, avec le concours du secrétaire d’État Marco Rubio et du gendre du président, Jared Kushner.
Contenu du traité
Les Européens dénoncent un plan à sens unique inacceptable pour l’Ukraine, concentrant l’ensemble des conditions exigées par Moscou. Le document inclut toutefois deux mesures critiques pour le Kremlin : l’utilisation des avoirs russes pour financer la reconstruction de l’Ukraine et le déclenchement d’une « réponse militaire coordonnée décisive », inspirée de l’article 5 du traité de l’OTAN, en cas d’agression de la Russie. La Maison-Blanche convient qu’il n’est « pas facile » pour Kiev, mais qu’il est la condition sine qua non pour lui éviter de perdre encore plus de territoire. Nous détaillons ici les 28 points de ce texte présenté comme une base concrète de discussion et donc partiellement amendable.
- Rappel de la souveraineté de l’Ukraine.
- Conclusion d’un accord global de non-agression entre la Russie, l’Ukraine et l’Europe.
- Interdiction imposée à la Russie d’envahir les pays voisins et réciproquement à l’OTAN de s’étendre au-delà de son périmètre actuel.
- Instauration d’un dialogue entre la Russie et l’OTAN, sous la médiation des États-Unis, afin de résoudre les questions de sécurité.
- Garanties de sécurité « explicites » offertes à l’Ukraine. Le texte précise : « Les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN traiteraient une attaque contre l’Ukraine comme une attaque contre l’ensemble de la “communauté transatlantique” ».
- Réduction de la taille des forces armées ukrainiennes à 600 000 membres vs 800 000 à 850 000 actuellement.
- Inscription dans la constitution ukrainienne que le pays ne rejoindra pas l’OTAN. Inscription réciproque dans les statuts de l’OTAN que l’Ukraine ne deviendra pas membre de l’organisation.
- Interdiction pour les troupes de l’OTAN de stationner en Ukraine. La force de réassurance déployée dans le cadre de la Coalition des volontaires serait donc de fait exclue.
- Stationnement d’avions de chasse européens autorisé en Pologne.
- Garantie de sécurité apportée par les États-Unis moyennant un pacte de non-agression réciproque entre l’Ukraine et la Russie. En cas de rupture de cet engagement, la Russie s’expose à une « réponse militaire coordonnée décisive », à la restauration des sanctions mondiales et à la révocation de l’ensemble des avantages prévus par le traité.
- Entrée à terme de l’Ukraine dans l’UE avec octroi d’un accès préférentiel au marché européen.
- Instauration d’un « puissant paquet mondial de mesures » pour reconstruire l’Ukraine.
- Réintégration de la Russie dans l’économie mondiale, incluant la levée progressive de l’ensemble des sanctions, la conclusion d’un accord de coopération économique à long terme avec les États-Unis, l’intégration de la Russie dans le G8.
- Utilisation des avoirs russes gelés à hauteur de 100 milliards de dollars pour la reconstruction de l’Ukraine, complétée par une contribution équivalente de la part de l’Europe.
- Création d’un groupe de travail américano-russe visant à assurer le respect des dispositions de l’accord, notamment les garanties de sécurité.
- Transcription dans la loi de la politique de non-agression de la Russie à l’égard de l’Europe et de l’Ukraine.
- Prolongation de la durée de validité des traités sur la non-prolifération et le contrôle des armes nucléaires.
- Engagement de l’Ukraine à ne pas devenir une puissance nucléaire.
- Placement de la centrale nucléaire de Zaporijjia sous l’autorité de l’AIEA, avec répartition de la production à parts égales entre l’Ukraine et la Russie.
- Dénazification de l’Ukraine, mise en œuvre des programmes éducatifs « visant à promouvoir la compréhension et la tolérance des différentes cultures et à éliminer le racisme et les préjugés ».
- Redécoupage territorial :
- reconnaissance de la Crimée, Louhansk et Donetsk comme territoires russes ;
- gel de la ligne de front au niveau de Kherson et Zaporijjia ;
- création d’une zone tampon démilitarisée neutre, internationalement reconnue comme territoire appartenant à la Fédération de Russie au niveau de l’oblast de Donetsk.
- Interdiction pour la Russie de modifier ces nouvelles frontières territoriales sous peine de caducité de l’accord.
- Autorisation pour l’Ukraine d’utiliser le fleuve Dniepr pour des activités commerciales, accords conclus sur le transport gratuit de céréales à travers la mer Noire.
- Création d’un comité humanitaire pour résoudre les questions liées aux échanges de prisonniers et de dépouilles, à la libération des otages et des détenus, etc.
- Engagement de l’Ukraine à organiser des élections sous 100 jours.
- Amnistie totale de l’ensemble des parties impliquées dans le conflit.
- Création d’un Conseil de paix pour assurer et garantir la mise en œuvre de l’accord, défini comme juridiquement contraignant.
- Entrée en vigueur d’un cessez-le-feu après acceptation du traité par l’ensemble des parties.
Réactions de Kiev et Moscou
Lors d’une réunion gouvernementale retransmise aujourd’hui à la télévision, le président russe a estimé que ce document, qui n’a pas été discuté concrètement entre Kiev et Moscou, pouvait « servir de base à un règlement pacifique définitif ». Il a confirmé que la Russie était prête à « mener des négociations » et à « approfondir les détails du plan proposé », en rappelant sa détermination à poursuivre les hostilités jusqu’à ce l’obtention des objectifs fixés en amont du conflit= ;
Trump a donné jusqu’au 27 novembre à son homologue ukrainien pour accepter son plan, dont la représentante adjointe de l’Ukraine à l’ONU, Kristina Gaïovychyn, a déjà rejeté les termes principaux, tout en affirmant avoir « convenu de travailler sur les dispositions du plan afin d’assurer une fin juste à la guerre ». L’Ukraine n’a donc a priori pas récusé le texte.
Volodymyr Zelensky a diffusé une allocution sur les réseaux sociaux, dans laquelle il explique aux Ukrainiens le dilemme auquel le pays est aujourd’hui confronté et où il leur promet de ne pas les trahir :
C’est l’un des moments les plus difficiles de notre histoire. La pression exercée sur l’Ukraine est aujourd’hui parmi les plus fortes. L’Ukraine pourrait désormais être confrontée à un choix très difficile : la perte de sa dignité ou le risque de perdre un partenaire clé, accepter le plan de paix en 28 points, ou faire face à un hiver extrêmement rude » s’il rejetait l’offre de Trump.
https://www.lemonde.fr/international/video/2025/11/21/video-volodymyr-zelensky-l-ukraine-vit-l-un-des-moments-les-plus-difficiles-de-son-histoire_6654342_3210.html
L’agence Reuters a confirmé que le président ukrainien préparait en réponse une contre-proposition avec ses alliés européens. Elle indique également que les États-Unis auraient menacé de mettre fin au partage de renseignements et aux fournitures d’armes à l’Ukraine si Volodymyr Zelensky refusait de signer ce mémorandum.