Série noire
En Allemagne, six candidats du premier parti d’opposition décèdent à moins de deux semaines d’élections locales clés
L’AFD allemande, qui a remporté une victoire historique aux précédentes élections régionales, est actuellement menacée d’exclusion après la confirmation en son appel de son classement comme parti d’extrême droite. À douze jours d’un nouveau scrutin régional, la presse confirme la disparition brutale de six candidats.
Le quotidien allemand Die Welt rapporte le décès de six candidats du parti Alternative pour l’Allemagne (Alternative für Deutschland — AFD) dans le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, à moins de quinze jours d’élections régionales particulièrement redoutées par la coalition de gouvernement.
La coprésidente de l’AFD, Alice Weidel, décrite unanimement comme la nouvelle égérie d’une extrême droite radicalisée avait annoncé lundi, sur son compte X, la disparition de quatre candidats du parti, en relayant l’analyse de l’ancien directeur de l’Institut des finances publiques de l’Université de Hanovre, le Pr Stefan Homburg : « Statistiquement, c’est quasiment impossible. »
C’est également l’avis du député et vice-président de l’AFD, Stephan Brandner, qui a publiquement relié cette aberration statistique au calendrier électoral. Le scrutin du 14 septembre est en effet unanimement considéré comme un test décisif du soutien de la population allemande à la politique actuelle du gouvernement, notamment sur la question de l’Ukraine[1], et à sa capacité à préserver le modèle social allemand face à une pression migratoire de moins en moins acceptée par la population :
À mon avis, c’est statistiquement surprenant et difficile à expliquer actuellement. Je n’ai jamais entendu parler du décès de politiciens d’un parti à une telle échelle en si peu de temps avant une élection.
Ces décès concernent quatre hommes âgés de 59 à 71 ans, dont deux seraient morts de cause naturelle. Les deux candidats décédés dernièrement seraient deux hommes d’âge inconnu, inscrits sur la liste de réserve du part. L’un se serait suicidé, le second aurait succombé à une insuffisance rénale.
Le vice-président local de l’AFD, Kay Gottschalk, estime de son côté qu’il est trop tôt pour spéculer sur une origine criminelle, exclue à ce stade par la police, qui affirme avoir déjà déterminé la cause de ces décès. Il a néanmoins confirmé que le parti souhaitait l’ouverture d’une enquête.
Hormis pour les deux derniers candidats, ces disparitions sont susceptibles d’avoir un impact sur le cours de l’élection, les bulletins de vote devant être réimprimés une fois que des successeurs auront été désignés, ce qui laisse peu de temps au parti pour s’organiser d’ici le 14 septembre.
Cette épidémie de décès s’ajoute à l’éviction très médiatisée d’un autre candidat de l’AFD, Joachim Paul, qui a récemment interpellé le vice-président américain JD Vance après avoir été officiellement interdit de se présenter aux prochaines élections.
La concomitance entre ces disparitions et la volonté d’interdire le parti dont ces candidats étaient tous issus soulève des questions d’une gravité inédite, qui ne peuvent être qualifiées de complotistes uniquement en raison de la gravité d’une telle hypothèse. Le parti fait l’objet depuis plusieurs mois d’un ostracisme politique assumé, consensuellement scellé au Bundestag en mars 2025 par un accord visant à exclure l’AFD de tout poste à responsabilité.
Le débat sur une possible interdiction du parti s’est intensifié il y a quelques mois, après son classement, le 2 mai dernier, par le service de renseignement intérieur, comme « parti de droite extrême ». Le 23 août dernier, la pression s’est intensifiée avec l’injonction du ministre des Finances allemand, Lars Klingbeil, d’exclure définitivement l’AFD dont ll’orientation idéologique a été confirmée en appel le 22 juillet.
Le site Le Grand Continent a recensé en février dernier une liste de dix phrases prononcées par Alice Weidel, emblématiques des valeurs et du programme soutenu par l’AFD. L’une d’elles pose probablement, plus que les autres, un problème concret à la coalition en place :
C’est l’erreur historique de l’Occident : avoir offensé la Russie. C’est la raison pour laquelle cette guerre d’agression a lieu. […] Le problème c’est l’Ukraine.
Le parti s’oppose depuis le début du conflit au soutien militaire fourni à l’Ukraine, dont il estime qu’ils nuisent aux intérêts de l’Allemagne et entraînent le pays vers une guerre avec la Russie :
Nous aurions dû continuer à commercer avec la Russie, à lui acheter de l’énergie économiquement intéressante. Cette politique de sanctions ne mène nulle part et est fondamentalement erronée. Ce conflit n’est pas le nôtre et nous ne devrions pas nous y impliquer.
Le 9 juillet dernier, Alice Weidel a interpellé le nouveau chancelier et son ministre des Finances au Parlement européen, en les exhortant à infléchir leur politique d’armement :
Vous achetez des armes américaines pour l’Ukraine avec l’argent des citoyens allemands. Cessez de jeter leur argent par les fenêtres !
Si rien ne permet d’affirmer que l’AFD pourrait faire l’objet d’une campagne d’élimination physique et non simplement politique ou idéologique, on sait aujourd’hui que la Commission européenne est prête à tout pour interdire aux pays de l’Union d’emprunter la voie de la paix. Cette confirmation a été donnée par la Cour constitutionnelle roumaine. Est-ce à ce genre d’extrémités que l’ancien commissaire européen, Thierry Breton, faisait allusion lorsqu’il affirmait : « On l’a fait en Roumanie, on le fera en Allemagne si nécessaire » ?
En l’occurrence, il s’agissait de faire annuler une élection présidentielle, mais le fait qu’une institution assume employer des méthodes qui sont caractéristiques des régimes situés au-delà de l’extrême droite qu’elle prétend combattre répond en soi à la question.
Note
[1] Pour comprendre les enjeux des élections locales à venir et la puissance de la menace que représente aujourd’hui l’AFDn lire l’analyse de Jeanette Süss, chercheuse de l’Institut français des relations internationales dans les Briefings de l’Ifri de septembre 2024 : https://www.ifri.org/sites/default/files/2024-09/j._suess_briefing_elections_regionales_allemagne_09.2024_0.pdf.