Crime contre l'humanité
Nouvel assassinat de journalistes à Gaza, dont un reporter emblématique d’Al Jazeera
La chaîne Al Jazeera a confirmé dimanche l’assassinat d’un reporter palestinien et de son équipe par l’armée israélienne, dans la bande de Gaza. Ce meurtre, revendiqué par Tsahal, porte à plus de 200 le nombre de journalistes tués lors de la couverture de ce conflit sanguinaire, dont la dimension génocidaire a été actée par l’ONU.
Al Jazeera a rapporté dimanche le décès de l’un ses correspondants, Anas al-Sharif, assassiné quelques heures plus tôt dans la ville de Gaza, dans le cadre d’une attaque israélienne ciblée contre une tente abritant des journalistes. Il avait 28 ans. Au total, le bombardement a coûté la vie à sept personnes, dont un autre reporter d’Al Jazeera et les trois cameramen de l’équipe.
Peu avant son décès, Anas al-Sharif relatait sur son compte X des tirs de missiles intenses et concentrés dans les parties est et sud de la ville. La vidéo, postée un peu plus tard dans la soirée de dimanche, confirme le bombardement de la zone et témoigne de la détresse du journaliste :
22 h 10 : Dernière minute : Des bombardements israéliens intenses et concentrés utilisant des « ceintures de feu » frappent les zones est et sud de la ville de Gaza.
https://x.com/AnasAlSharif0/status/1954636524643119615
22 h 24 : Bombardements non-stop… Au cours des deux dernières heures, l’agression israélienne contre la ville de Gaza s’est intensifiée.
Une heure avant son dernier message, il lançait un appel désespéré pour alerter la communauté internationale sur l’atrocité de la situation à Gaza. Le 6 avril dernier, il avait également publié son testament, reposté par Al Jazeera ce matin en guise d’hommage posthume :
21 h 54 : À qui de droit,
L’occupation menace désormais ouvertement d’une invasion à grande échelle de Gaza. Depuis 22 mois, la ville est ensanglantée sous les bombardements incessants terrestres, maritimes et aériens.Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et des centaines de milliers blessées. Si cette folie ne cesse pas, Gaza sera réduite en ruines, les voix de son peuple réduites au silence, leurs visages effacés – et l’histoire se souviendra de vous comme des témoins silencieux d’un génocide que vous avez choisi de ne pas arrêter.
Merci de partager ce message et d’identifier tous ceux qui ont le pouvoir de contribuer à mettre fin à ce massacre. Le silence est une complicité.
Al Jazeera Media Network dénonce « une nouvelle attaque flagrante et préméditée contre la liberté de la presse », ciblant spécifiquement son journaliste qu’elle accuse Tsahal d’avoir assassiné sur ordre du gouvernement israélien :
Cette attaque intervient dans le contexte des conséquences catastrophiques de l’assaut israélien en cours contre Gaza, qui a vu le massacre implacable de civils, la famine forcée et l’effacement de communautés entière.
L’ordre d’assassiner Anas Al Charif, l’un des journalistes les plus courageux de Gaza, et ses collègues, est une tentative désespérée de faire taire les voix qui révèlent la prise en charge et l’occupation imminentes de Gaza.
Le correspondant de la chaîne, Hani Mahmoud, qui a rapporté le décès de son collègue, estime de son côté qu’il a été assassiné pour avoir documenté sans relâche la famine et la manutrition qui sévissent dans l’enclave palestinienne, et dont le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, niait l’existence il y a encore quelques jours.
L’armée israélienne a confirmé l’exécution du journaliste qu’elle accuse de diriger une cellule du Hamas et de faciliter les attaques conduites par le groupe terroriste contre sa population et ses soldats. Elle affirmait dans une vidéo publiée en octobre 2024 détenir des documents prouvant qu’il a été rémunéré pour son soutien, ce que dément un observateur de l’ONG EuroMed Droits, la principale organisation de la région euro-méditerranéenne en matière de protection des droits humains et de promotion de la démocratie. Les mêmes réserves ont été exprimées le mois dernier par la rapporteure spéciale des Nations unies sur la liberté d’expression, Irene Khan :
La peur pour la sécurité d’Al-Sharif est fondée car il y a de plus en plus de preuves que des journalistes à Gaza ont été pris pour cible et tués par l’armée israélienne sur la base d’affirmations infondées selon lesquelles ils étaient des terroristes du Hamas.
La republication, le 25 juillet dernier, par le porte-parole de l’armée israélienne, de la vidéo accusant Anas al-Sharif d’être un membre du Hamas avait poussé le Comité pour la protection des journalistes a lancé un appel à destination de la communauté internationale pour qu’elle organise la protection de leur confrère.
Cet assassinat vient compléter la liste historiquement longue des journalistes et des travailleurs des médias assassinés par l’armée israélienne depuis le début du bombardement de la bande Gaza. Elle recense aujourd’hui plus de 200 noms, soit plus que le nombre de journalistes tués durant la Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, la guerre de Corée, la guerre du Vietnam, la guerre d’Irak et la guerre d’Afghanistan cumulées, selon Karim Emile Bitar, Professeur de relations internationales et ancien doyen de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth.