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Équipe Le Point Critique | 22 juillet 2025

Affaire Epstein, Trump ordonne la levée partielle du secret défense après la publication d’une lettre diffamatoire par le WSJ

Accusé par le Wall Street Journal d’être l’auteur d’une lettre compromettante adressée à Jeffrey Epstein, le président américain poursuit le journal en justice et demande la déclassification d’une partie du dossier judiciaire.

Donald Trump (à gauche) et Jeffrey Epstein (à droite)

Le Wall Street Journal a révélé jeudi l’existence d’une lettre, supposée avoir été adressée en 2003 par Donald Trump à l’homme d’affaires Jeffrey Epstein. Moins de 48 heures après la divulgation de ce document, le président américain annonce avoir intenté une action en justice contre l’ensemble des personnes impliquées dans la publication de l’article, dont il estime le préjudice à 10 milliards de dollars. Il demande par ailleurs que soient déclassifiées les transcriptions des témoignages du grand jury ayant conclu à l’inculpation de Jeffrey Epstein.

Le milliardaire avait été retrouvé pendu en 2019 dans sa cellule du Metropolitan Correctional Center (MCC) de New York, où il était incarcéré dans l’attente de son procès pour des crimes sexuels commis entre 1990 et 2019. Les circonstances de sa mort demeurent troublantes, comme l’explique le reportage de Complément d’enquête diffusé en janvier dernier et comme l’a confirmé récemment le média Wired, qui a découvert une manipulation des bandes d’enregistrement de la cellule d’Epstein, la nuit précédant son suicide.

La lettre du WSJ

Le document auquel le WSJ dit avoir eu accès fait partie d’un album réalisé pour le 50e anniversaire de Jeffrey Epstein et consigné dans le dossier judiciaire comme pièce à conviction. Ce dossier est réputé contenir des millions de documents, dont les enregistrements vidéo des caméras retrouvées dans les différentes propriétés du milliardaire, en particulier celle située sur l’île de Little Saint James rebaptisée depuis l’île du vice ou l’île de la pédophilie.

Selon la description du WSJ, la lettre est composée d’une note de texte dactylographié, encadrée par la silhouette d’une femme nue dessinée au marqueur. La signature est une sorte de gribouillis placé à hauteur du pubis, dont il prétend imiter les poils. Le texte pour le moins sibyllin semble être une conversation imaginaire entre Trump et Epstein :

Voix : Il doit y avoir plus dans la vie que d’avoir tout.
Donald : Oui, mais je ne vous dirai pas ce que c’est.
Jeffrey : Moi non plus, puisque je sais aussi ce que c’est.
Donald : Nous avons certaines choses en commun, Jeffrey.
Jeffrey : Oui, en y réfléchissant bien.
Donald : Les énigmes ne vieillissent jamais, l’as-tu remarqué ?
Jeffrey : En fait, c’était clair pour moi la dernière fois que je t’ai vu.
Donald : Un ami est une chose merveilleuse. Joyeux anniversaire.

La lettre se termine par cette phrase ambiguë suggérant que le président américain aurait été informé des activités pédocriminelles d’Epstein, voire qu’il en serait complice : « Et que chaque jour soit un autre merveilleux secret. »

Le contexte de cette révélation

La publication du WSJ intervient dans un contexte bien particulier. Durant sa campagne, Donald Trump avait promis de révéler la liste des personnalités ayant emprunté le jet privé de Jeffrey Epstein – le fameux Lolita express – pour se rendre à des « soirées caritatives » organisées par le milliardaire, où de très jeunes femmes étaient recrutées pour prodiguer des massages, du moins selon la version officielle.

De nombreux partisans de Donald Trump sont convaincus qu’Epstein a servi d’appât et qu’il a permis à des services de renseignement de collecter des images compromettantes sur de nombreuses personnalités (fonctionnaires, milliardaires, politiciens, membres de la famille royale d’Angleterre). Cette hypothèse se fonde notamment sur les allégations du Foreign Office britannique, selon lesquelles le père de Ghislaine Maxwell, l’associée de Jeffrey Epstein, était un agent du Mossad.

C’est en outre la version soutenue par l’ancien officier des services de renseignement israélien Air Ben Menashe, qui affirme que Jeffrey Epstein a été assassiné car il détenait des images accablantes sur des personnalités de premier plan, dont Bill Clinton et Ehud Barak. C’est également celle que défendait l’une des victimes de Jeffrey Epstein, Virginia Guiffre, disparue il y a quelques mois officiellement à la suite d’un suicide, et qui a toujours soutenu que Donald Trump ne faisait pas partie des clients du milliardaire.

Fin février, Pam Bondi a déclassifié 200 pages de documents transmises par le FBI incluant des carnets de vol, la liste des contacts d’Epstein et une liste de noms de victimes et de numéros de téléphone. Elle avait donné jusqu’au 28 février à l’agence pour qu’elle lui transmette l’ensemble des pièces du dossier. Elle affirmait alors que la fameuse liste était « posée sur [s] on bureau en ce moment même » et qu’elle serait publiée prochainement.

Le ton a changé radicalement le 7 juillet, après la publication d’un mémo par le FBI et le département de la Justice. Le document indique que l’ensemble des pièces a été examiné par les agents fédéraux. Ces recherches auraient permis de découvrir des dizaines de milliers de vidéos et d’images pédopornographiques, mais aucune « liste de clients » compromettante. Le mémo précise :

Il n’y a pas non plus de preuves crédibles qu’Epstein a fait chanter des personnalités dans le cadre de ses actions. Nous n’avons pas découvert d’éléments de preuve susceptibles de fonder une enquête sur des tiers non inculpés.

Au lendemain de la diffusion de ce mémo, Pam Bondi a confirmé que cette liste n’existait pas, provoquant la colère de la base électorale de Donald Trump et le forçant à s’exprimer sur ce dossier, qu’il a qualifié de « canular (scam) inventé par les démocrates ».

Une lettre qui tombe à point nommé

Ce changement radical de ton a été interprété par certains médias comme la preuve que Donald Trump figurait dans la liste des clients d’Epstein, comme l’avait affirmé Elon Musk en juin dernier.

Le WSJ ne formule pas explicitement une telle accusation, mais il nourrit ce narratif en soulignant que le nom du président américain figure dans les registres de vol du Lolita Express. Il rappelle également que Trump et Epstein se sont fréquentés dans les années 1990 et au début des années 2000, et qu’ils partageaient un goût pour les jeunes ou les très jeunes femmes.

Les deux hommes se seraient ensuite brouillés, avant la première condamnation de Jeffrey Epstein, en 2008, pour des faits de proxénétisme commis à l’encontre d’une mineure. Ce divorce serait intervenu en 2003 ou 2004 si l’on en croit les déclarations de Donald Trump, qui assurait en 2019 qu’Epstein ne lui avait pas parlé depuis environ quinze ans.

La lettre divulguée par le WSJ remet-elle en cause cette version ?

Trump dénonce un faux en invoquant le fait qu’il n’a jamais « écrit de dessin » de sa vie, ce que dément le média MSNBC en exhumant un article du New York Times montrant un croquis réalisé en 2005 par le président américain. Celui-ci s’étonne par ailleurs que les démocrates n’aient jamais utilisé les fichiers de l’affaire Epstein qu’ils avaient pourtant en leur possession depuis le début du mandat de Joe Biden. C’est notamment le cas de cette lettre, dont le WSJ précise qu’elle a été examinée par le ministère de la Justice il y a plusieurs années.

Le timing de son exhumation est parfait, mais il l’est peut-être un peu trop.

Le président américain a fait de la transparence sur l’affaire Epstein un curseur de sa campagne. On comprend donc difficilement pourquoi il aurait pris de tels risques et pourquoi il s’aventurerait aujourd’hui à demander la levée du secret judiciaire entourant le témoignage des victimes s’il était aussi compromis que le suggère le WSJ.

Coup du sort ou coup de maître ?

Les accusations du WSJ sont-elles un contre-feu allumé par le clan démocrate, dont la principale figure est aujourd’hui accusée d’avoir fomenté la rumeur d’une ingérence de la Russie dans l’élection présidentielle de 2016, qui a porté au pouvoir Donald Trump ?

C’est ce que suggère The Gateway Pundit dans son édition du 18 juillet. Selon le média, l’un des deux auteurs de l’article du WSJ, Joe Palazzolo, aurait travaillé précédemment pour le journal Main Justice, dont l’éditrice en chef est également l’épouse du fondateur de la firme de recherche stratégique et d’intelligence Fusion GPS. Celle-ci a joué un rôle central en 2016 dans la fabrication d’un rapport, financé par les équipes de campagne d’Hilary Clinton et rédigé par un ancien agent du MI6, Christopher Steele, alléguant des liens entre Donald Trump et la Russie.

Peut-on, dans ce contexte, voir dans la lettre du WSJ une explication du revirement de Donald Trump concernant la déclassification du dossier Epstein où son nom serait mentionné ?

Cette évidence, massivement relayée par les médias qui décrivent un président fragilisé, empêtré dans une affaire aux conséquences potentiellement dévastatrices pour son mandat, survit difficilement à l’analyse. Si Donald Trump n’est pas impliqué dans ce dossier, la publication du WSJ lui aura au contraire donné une occasion inespérée de se réconcilier avec sa base électorale en forçant le ministère de la Justice à déclassifier une partie des éléments judiciaires, tout en ménageant les intérêts de ceux qui l’auraient poussé à se contredire.

Spéculations

Si le président américain n’a rien à cacher, la raison de son revirement brutal reste une énigme que seule la théorie d’une conspiration à grande échelle exercée par des services de renseignement permettrait d’expliquer, mais il ne s’agit que de spéculations.

Après l’enterrement de l’affaire par le ministère de la Justice et du FBI, les chances que cette question soit un jour résolue sont désormais limitées. La réponse pourrait venir du sénateur républicain Thomas Massie, qui vient de déposer une proposition de loi visant à rendre accessible l’ensemble dossiers de l’affaire Epstein, ou de Ghilaine Maxwell elle-même. Incarcérée en 2022 dans une prison de Floride, où elle purge une peine de 20 ans de prison, elle réaffirmait il y a quelques jours être prête à témoigner devant le Congrès américain. On peut donc supposer qu’elle n’est pas suicidaire.

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