Ingérence
USAID, ou la reprise en main d’un soft power déviant
Depuis lundi dernier, L’agence américaine USAID, initialement chargée d’assurer « l’aide humanitaire américaine et le développement économique à l’étranger », est reprise en main par la nouvelle administration du pays. L’audit fulgurant de ses activités par les services du DOGE débouche 50 ans après sa création, sur la suspension immédiate de l’ensemble de ses antennes à travers le monde. Raison invoquée : le non-alignement de l’entité avec les intérêts et objectifs fixées pour le pays.

Le 20 janvier, le président Donald Trump nomme Elon Musk à la tête du Department of Government Efficiency (DOGE) avec pour mission d’organiser « le démantèlement de la bureaucratie gouvernementale, la réduction des réglementations excessives et du gaspillage des dépenses, ainsi que la restructuration des agences fédérales ». L’USAID a été l’une des premières agences auditées par les équipes de ce nouveau département, dont les conclusions provisoires ont d’ores et déjà provoqué un séisme planétaire.
Lundi 3 février, Le chef du nouveau département d’état déclare depuis Wahsington que la situation de l’USAID induite par ses activité est désormais « irrémédiable ».
En nous renseignant sur l’USAID, nous avons compris que nous n’avions pas affaire à une pomme avec un ver dedans, mais à une boule de vers. […] L’USAID est une boule de vers. Il n’y a pas de pomme. Et quand il n’y a pas de pomme, il faut se débarrasser de l’ensemble. C’est pour cela qu’elle doit disparaître. C’est irrémédiable.
Marco Rubio, le nouveau chef de la diplomatie américaine, confirmera quelques heures plus tard, à l’occasion d’une conférence de presse concluant sa visite au Salvador, que le département d’État a définitivement repris le contrôle de l’agence.
Pointant du doigt le refus de l’USAID de se conformer aux directives de son ministère, il rappelle ainsi que les actions menées par l’agence, dont la mission officielle est d’assurer « l’aide humanitaire américaine et le développement économique à l’étranger », doivent être alignées sur les intérêts et objectifs fixés par son administration :
Si vous regardez ambassade par ambassade et mission par mission, vous constaterez que dans bien des cas, l’USAID est impliquée « dans des programmes allant à l’encontre de ce que nous essayons de faire avec notre stratégie nationale. Cela ne peut pas continuer. L’USAID n’est pas une agence indépendante. C’est une entité qui dépense l’argent des contribuables, et comme ses statuts l’indiquent, ils doivent le faire en conformité avec les directives du département d’État, du Conseil de sécurité nationale et du président.
Les employés de toutes les antennes de l’agence, réparties dans plus de 120 pays ont depuis reçu une directive leur interdisant de se rendre au travail, y compris sur le territoire américain, le nouvel administrateur de l’agence estimant que seuls 3 % des effectifs (294 agents sur 14 000) sont nécessaires au fonctionnement de l’USAID.
Plus de 1 000 employés de l’USAID se voient de plus privés d’accès au service informatique de l’entité alors que le compte X de l’agence est désormais suspendu et que son site en est réduit à sa plus simple expression. Seule une page d’accueil présentant un encart explicatif principalement rédigé à l’attention des employés de l’agence, reste aujourd’hui accessible sur le site de l’USAID :
Le vendredi 7 février 2025, à 23 h 59 (EST), tout le personnel recruté directement par l’USAID sera mis en congé administratif dans le monde, à l’exception du personnel désigné responsable des fonctions critiques pour la mission, de la direction principale et des programmes spécialement désignés. Le personnel essentiel qui devrait continuer à travailler sera informé par la direction de l’Agence d’ici le jeudi 6 février à 15 h (HNE).
Pour le personnel de l’USAID actuellement en poste en dehors des États-Unis, l’Agence, en coordination avec les missions et le Département d’État, prépare actuellement un plan, conformément à toutes les exigences et lois applicables, en vertu duquel l’Agence organiserait et paierait le voyage de retour aux États-Unis dans un délai de 30 jours et prévoirait la résiliation des contrats PSC et ISC qui ne sont pas jugés essentiels. […]
FAQ :
Si je suis affecté à l’étranger et mis en congé administratif, dois-je retourner aux États-Unis dans les 30 prochains jours ?
Le personnel de l’USAID à l’étranger conserve la possibilité de rester à son poste, même s’il est mis en congé administratif et ne travaille pas.
Cependant, au-delà de 30 jours, les voyages aller-retour financés et organisés par l’Agence peuvent ne pas être disponibles, à moins qu’une exception individualisée ne soit demandée et accordée.
La nomination d’Elon Musk à la tête du DOGE ainsi que la feuille de route de son administration ont été annoncées le 12 novembre dernier par Donald Trump. Moins d’un mois après son intronisation, la nouvelle administration semble déterminée à tenir les promesses électorales de l’ex-candidat.
Avec un budget annuel de 42,8 milliards de dollars, l’USAID, souvent présentée comme le « premier pourvoyeur d’aide humanitaire dans le monde » se retrouver désormais dans le viseur de la nouvelle administration américaine, qui conteste aujourd’hui la conformité de ses actions avec son mandat fédéral.
Le 3 février au soir, le président Donald Trump décrit ainsi une agence dirigée par une « bande de fous radicaux », devant être évincés de sa gouvernance avant qu’une décision définitive ne soit prise. Il a réitéré ces accusations le 7 février lors d’une interview donnée en marge de la visite du Premier ministre japonais aux États-Unis :
Quand vous regardez l’USAID, tout cela n’est qu’une fraude… Chaque transaction est soit frauduleuse soit ridicule… et nous allons faire le ménage dans tout le gouvernement. Je pense que nous serons très proches d’équilibrer les budgets pour la première fois depuis de nombreuses années.
https://x.com/Trump_Fact_News/status/1887924230953591085
Le 8 février, le juge fédéral Carl Nichols suspend au moins pour un temps la mise du congé administratif du personnel de l’USAID, alors que son démantèlement a avait symboliquement été acté, la veille, par le retrait de son enseigne de la façade de son siège.
En moins de quatre jours, les équipes du DOGE et du département d’État ont d’ores et déjà identifié un nombre sans précédent d’actions et d’opérations semblant très éloignées de la mission première de l’entité fédérale. Parmi les subventions visées, sont notamment ciblées :
- Le « coup d’État du Maïdan » de 2014 en Ukraine ;
- La création en Inde d’une clinique spécialisée pour personnes transgenres ;
- La recherche illégale des sur le gain de fonction en vue de la création d’armes biologiques ;
- La formation à la sensibilisation au transgenrisme en Afghanistan et au Guatemala ;
- L’inclusion LGBTQ+ en Serbie, en Irelande au Pérou et en Colombie ; ou encore
- Le financement des oppositions estudiantines ou l’ingérence dans les élections démocratiques de pays tels quel la Géorgie, la Roumanie, la Moldavie et la Slovaquie.
Le sénateur de Louisiane John Kennedy dresse ainsi sur sa chaîne YouTube un premier recensement des découvertes du nouveau département d’État. Une liste de subventions accordées par l’USAID, à ses yeux si choquante, qu’elle justifie à elle seule la nécessité des actions entreprises.
Je pourrais y passer toute la nuit et beaucoup de mes collègues sont en colère. Ils sont vraiment en colère contre M. Musk. Bon sang, je pense que nous devrions lui décerner une médaille.
La conclusion du sénateur Kennedy ne laisse aucun doute sur la puissance de la lame de fond qui pourrait bien emporter le bras financier d’une entité souterraine que le monde entier s’autorise désormais à appeler « l’État profond américain ».