Complotisme à géométrie variable

Équipe Le Point Critique | 24 décembre 2025

La directrice du renseignement américain accuse l’UE et l’OTAN de chercher à provoquer un conflit avec la Russie

Samedi, lors d'un discours historique prononcé quelques jours après les déclarations bellicistes du Royaume-Uni et de l'OTAN, la directrice du renseignement américain a dénoncé les efforts de l'Alliance atlantique et de l'Union européenne, en particulier de la France, pour tenter de faire échouer le processus de paix en Ukraine. 

Tulsi Gabbard, conférence Turning Point, 20/12/2025

L’ancien lieutenant-colonel de l’armée de terre de réserve des États-Unis, nommée en janvier dernier par Donald Trump à la tête des renseignements américains, s’exprimait depuis Phoenix, lors de la conférence Turning Point USA, au lendemain de la parution d’un article par Reuters, dans lequel l’agence affirme que le projet de la Russie est de s’emparer de l’ensemble de l’Ukraine et de reconquérir les territoires de l’ancienne URSS. La patronne du renseignement a démenti catégoriquement cette information en expliquant que la Russie n’avait les moyens ni de conquérir et d’occuper l’Ukraine, ni a fortiori d’envahir l’Europe, et en accusant les Occidentaux de promouvoir ce narratif afin de bloquer le processus de paix :

Les bellicistes de l’État profond et leurs médias de propagande tentent une fois de plus de saper les efforts du président Trump pour instaurer la paix en Ukraine – et en Europe – en prétendant de façon mensongère que les services de renseignement américains partagent et soutiennent le point de vue de l’UE et de l’OTAN selon lequel la Russie cherche à envahir et conquérir l’Europe (afin de rallier des soutiens à leur politique belliciste). En réalité, les services de renseignement américains estiment que la Russie n’a même pas les moyens de conquérir et d’occuper l’Ukraine, et encore moins d’envahir et d’occuper l’Europe.

https://youtu.be/TBQjq1VGuc4?t=976

Cette déclaration historique, intégralement retranscrite sur le site du Bureau du renseignement, a été relayée sur le compte X officiel de Tulsi Gabbard où l’ancienne militaire a dénoncé la collusion entre les pays de l’OTAN et de l’UE et l’agence de presse britannique, accusée de « fomenter l’hystérie et la peur au sein de la population » afin qu’elle soutienne l’escalade vers une guerre contre la Russie, présentée comme inéluctable :

Non, c’est un mensonge et Reuters propage sciemment de la propagande au nom des bellicistes qui veulent saper les efforts inlassables du président Trump pour mettre fin à cette guerre sanglante qui a fait plus d’un million de victimes des deux côtés.

Vous propagez dangereusement ce récit mensonger pour bloquer les efforts de paix du président Trump et fomentez l’hystérie et la peur au sein de la population afin de l’amener à soutenir l’escalade de la guerre, ce qui est précisément ce que souhaitent l’OTAN et l’UE pour entraîner l’armée américaine directement dans une guerre contre la Russie.

En réalité, les services de renseignement américains ont informé les décideurs politiques, notamment le membre démocrate de la commission HPSCI cité par Reuters, que, selon eux, la Russie cherche à éviter un conflit majeur avec l’OTAN. Ils estiment également que, comme l’ont démontré les dernières années, les performances de la Russie sur le champ de bataille indiquent qu’elle n’a actuellement pas la capacité de conquérir et d’occuper l’ensemble de l’Ukraine, et encore moins l’Europe.

https://x.com/DNIGabbard/status/2002484806978834862?s=20

Selon Reuters, qui affirme se fonder sur six rapports concordants, les services de renseignements américains auraient alerté des membres du Congrès du projet de la Russie supposé se concrétiser par une attaque du continent européen à l’horizon 2027. Les auteurs soulignent que cette projection, démentie par de nombreux analystes, est conforme aux « points de vue des dirigeants et des agences d’espionnage européens » et à l’analyse historique du renseignement américain, suggérant que le président Trump mènerait actuellement des pourparlers de paix avec la Russie sur la base d’une hypothèse erronée et éminemment dangereuse.

« L’intelligence a toujours été que Poutine en veut plus », a déclaré Mike Quigley, membre démocrate de la commission du renseignement de la Chambre des représentants, dans une interview accordée à Reuters. « Les Européens en sont convaincus. Les Polonais en sont absolument convaincus. Les pays baltes pensent qu’ils sont les premiers. »

Comment interpréter le fait que la directrice du renseignement démente catégoriquement une telle information supposée émaner de ses propres services ? Reuters ne répond pas à cette question. L’article se contente d’évoquer la déclaration de Tulsi Gabbard, sans prendre la peine d’expliquer cette contradiction. L’article ne pointe ni vers son tweet ni vers la conférence dans laquelle elle accable l’agence, mais on devine que cette déclaration pose problème aux auteurs.

L’article a été publié le 19 décembre, comme l’atteste son URL et le tweet de l’un des auteurs, mais il a été mis à jour a posteriori. Or, contrairement aux usages et à l’éthique journalistiques, il apparaît comme ayant été créé le 22 décembre, c’est-à-dire après le démenti de la cheffe des renseignements américains. Plus surprenant, le site Wayback Machine, qui héberge la plus vaste base d’archives de pages Internet, bloque les utilisateurs souhaitant consulter l’état de l’article aux dates du 19 au 21 décembre.

Le renseignement américain est-il fracturé entre des fonctionnaires qui évaluent objectivement les données (lesquelles ?) et une direction qui s’accroche au mirage d’une paix impossible, en refusant de voir le dessein impérialiste de Vladimir Poutine, comme le suggère les auteurs de l’article ? Chacun est libre de se faire sa propre opinion, mais il est important de se rappeler qu’en 2019, Reuters, dirigé à l’époque par l’ancien directeur de Pfizer, a perçu une subvention de 5 millions de dollars de la part de Pentagone, dans le cadre du COVID, pour organiser une opération d’ingénierie sociale intitulée Tromperie à grande échelle.

Les efforts de Tulsi Gabbard pour calmer les ardeurs des Occidentaux ne semblent pour l’instant pas avoir porté leurs fruits. Hier, le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, a une nouvelle fois menacé la Russie qu’en cas de nouvelle agression de l’Ukraine, la réponse serait dévastatrice.

Comment peut-on prétendre se soucier de la paix et n’avoir en même temps que la guerre comme unique obsession ?

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