Dilemme identitaire
Zelensky entérine le rattachement des anciennes Républiques ukrainiennes à la Fédération de Russie
Le Parlement ukrainien a adopté ce mercredi une loi visant à déchoir le leur nationalité les citoyens des Républiques ukrainiennes intégrées en 2022 à la Fédération de Russie. Cette décision entérine de fait la nouvelle cartographie revendiquée par le Kremlin, pourtant activement contestée par le régime Kiev et par une partie de la communauté internationale.

L’Ukraine fait face aujourd’hui à une crise démographique majeure liée à des pertes humaines massives et à l’exode de millions de citoyens provoqué par le conflit avec la Russie. Ils seraient près de 6 millions à avoir fui la guerre et trouvé refuge à l’étranger. Certains d’entre eux ont été naturalisés et ont dû renoncer à leur nationalité d’origine, la législation ukrainienne interdisant le statut de binational.
La loi adoptée le 18 juin par la Rada, le Parlement ukrainien, permettra désormais aux ressortissants ukrainiens issus de la diaspora d’accéder à plusieurs nationalités, et donc de conserver ou de réclamer leur nationalité, sans avoir à attendre un éventuel retour dans leur pays. Cette mesure a été présentée par Oleksiy Chernyshov, le ministre de l’Unité nationale, comme « une étape importante pour maintenir et rétablir les liens avec des millions d’Ukrainiens à travers le monde ».
La loi vise également à simplifier la procédure pour les enfants nés de parents ukrainiens en exil et à permettre aux étrangers d’acquérir la citoyenneté ukrainienne, par le mariage ou à l’issue d’un test de connaissance de la langue, de l’histoire et de la constitution ukrainiennes. Sont notamment ciblés les volontaires qui combattent aujourd’hui sur le front, dont la naturalisation sera facilitée.
Politico rapporte que cette nouvelle disposition, supposée résorber en partie l’actuelle crise démographique, ne s’appliquera pas aux citoyens russes ou issus « de pays qui ne reconnaissent pas l’intégrité territoriale de l’Ukraine ». Le journal omet toutefois de préciser que cette exclusion s’accompagne d’une déchéance de nationalité pour un certain nombre de ressortissants ukrainiens.
Les « motifs de perte » incluent notamment l’acquisition volontaire de la citoyenneté ou la détention d’un passeport provenant d’un État reconnu par la Rada d’Ukraine comme un État agresseur ou un État occupant, ou le fait d’avoir effectué son service militaire dans l’armée russe.
Ces restrictions impliquent donc la déchéance de nationalité pour les citoyens des régions de Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporijjia qui ont été intégrées en 2022 à la Fédération de Russie, auxquels le Kremlin a fixé un ultimatum le 21 mars dernier. Ils ont pour obligation de demander la citoyenneté russe et de régulariser leur situation d’ici le 10 septembre 2025, sous peine de devoir quitter le territoire et de voir leurs biens confisqués :
1. Il est établi que : a) les citoyens ukrainiens se trouvant en Fédération de Russie sans motif légal de séjour (résidence) en Fédération de Russie sont tenus de quitter eux-mêmes la Fédération de Russie ou de régulariser leur situation juridique en Fédération de Russie avant le 10 septembre 2025 inclus, conformément au décret du président de la Fédération de Russie du 30 décembre 2024 n° 1126 « Sur les mesures temporaires visant à régulariser la situation juridique de certaines catégories de citoyens étrangers ou d’apatrides en Fédération de Russie dans le cadre de l’application du régime d’expulsion » ;
Compte tenu de l’écart entre la date d’entrée en vigueur de la loi ukrainienne et l’échéance fixée par Moscou, les citoyens résidant dans les Républiques fraîchement intégrées à la Fédération de Russie et détenteurs d’un passeport russe sont donc aujourd’hui activement invités à formaliser leur demande de naturalisation. Ce faisant, Kiev confirme que ces ressortissants, dont le prédécesseur de Volodymyr Zelensky, Petro Porochenko, voulait confiner les enfants dans des caves, ne sont pas dignes de conserver la nationalité ukrainienne, jugée incompatible avec la citoyenneté russe.
Quel est le sens d’une telle décision, qui entérinera de fait le rattachement à la Fédération de Russie de ces territoires activement revendiqués par Kiev, puisqu’elle en exclura définitivement les citoyens ukrainiens, dont certains se trouvent aujourd’hui piégés, ou écartelés entre deux injonctions contradictoires ?
Dans l’éventualité d’un accord de paix et de la tenue de futures élections, interdites actuellement au titre de la loi martiale, un des premiers effets de la loi du 18 juin sera de priver du droit de vote les citoyens les plus hostiles à la reconduction de Volodymir Zelensky. Le second effet sera de renforcer la diaspora dans les pays de la coalition occidentale, qui porte à bout de bras l’actuel président, et qui auront en charge d’organiser les élections. Est-ce sur cette nouvelle donne que compte Zelensky pour se maintenir en place ?
Une chose est sûre, il sera compliqué demain de revendiquer l’identité ukrainienne de ces nouveaux territoires après en avoir chassé les habitants, au motif qu’ils auraient adopté la nationalité russe, pour certains par contrainte et non par choix.