Enquête
L’expérience 56023 de Ralph Baric est-elle l’événement à l’origine du COVID ?
Un nouveau document déclassifié accrédite l’hypothèse selon laquelle la pandémie de COVID n’aurait pas été provoquée par une fuite de laboratoire en Chine, à Wuhan, mais par une expérience menée aux États-Unis, à l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill, par le spécialiste mondial des coronavirus, Ralph Baric.

L’hypothèse d’une fuite de laboratoire est désormais la théorie dominante concernant les origines de la pandémie, mais l’expérience qui l’a concrètement provoquée n’a toujours pas été identifiée. Un nouveau document fournit une pièce cruciale en faveur d’une origine non pas chinoise mais américaine de cette catastrophe planétaire, déjà soutenue par un faisceau d’indices. Il a été analysé par le Dr Meryl Nass, experte en bioterrorisme, formée au MIT, dans un article publié jeudi dernier sur son blog.
Ce document est issu du procès-verbal déclassifié d’une réunion du Comité de biosécurité de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill, qui s’est tenue le 6 février 2019, huit mois avant le début officiel de la pandémie. Il a été divulgué dans le cadre demande d’accès à l’information (FOI) à l’initiative de l’association US Right to Know qui enquête depuis juillet 2020 sur les origines du COVID-19. L’ensemble des documents obtenus par l’association peuvent être consultés ici.
L’expérience no 56023 conduite à l’UNC par Ralph Baric a été rapportée en 2019
La page 274 décrit une expérience (56023) proposée par le Ralph Baric, spécialiste mondial des coronavirus et partenaire historique de Peter Daszak, fondateur EcoHealthAlliance. Les recherches de Peter Dazak, conduites au dans les cadre d’une subvention accordée par le NIH à EcoHealthAlliance, ont été identifiées par le Congrès américain comme ayant joué un rôle clé dans la conception du SARS-CoV-2 à l’origine du COVID-19[1].
L’expérience no 56023 portait sur un virus similaire au SRAS (CRG7) mis au point par l’équipe du laboratoire de Ralph Baric à l’université de Caroline du Nord, à Chapel Hill, dont une partie de la séquence (UGGUCGC) a été publiée en 2018 dans Nature[2]. L’étude concerne la conception d’un vaccin à virus atténué contre un coronavirus.

L’objectif de cette expérience était de « faire muter les séquences de [..] dans le but de rétablir la réplication et la virulence de type sauvage dans la souche mutante CRG7 atténuée ». Autrement dit, il s’agissait de déterminer si l’interaction du virus CRG7 avec certaines mutations d’une séquence clé d’un virus, dont le nom a été supprimé du procès-verbal, peut réussir à restaurer l’infectiosité et la virulence initiales du virus CRG7, l’objectif étant de tester la sécurité de l’utilisation du CRG7 comme virus-vaccin atténué.
La séquence UGGUCGC créée par Ralph Baric est présente dans le SARS-CoV-2
Le Dr Nass souligne que la séquence complète du CRG7 n’a jamais été publiée, y compris après le déclenchement de la pandémie, et ce alors que « le SARS-CoV-2 partage avec lui une caractéristique clé que Baric a déclaré en 2018 être “unique” au CRG7 » :
Les motifs de séquence conservée (CS) TRN utilisés dans les antécédents CRG3 et CRG7, CCGGAU et UGGUCGC, respectivement, sont tous deux des motifs de séquence uniques par rapport à toutes les séquences TRN connues du génome du CoV
La caractéristique, ou plus exactement l’objectif de cette séquence (UGGUCGC) lorsqu’elle est insérée dans le virus utilisé dans la conception d’un vaccin, est de réduire sa propension à se recombiner avec d’autres virus et à retrouver la puissance qu’il possède à l’état sauvage.
Selon le Dr Nass, ce motif séquentiel « unique » s’est ensuite rapidement retrouvé dans deux autres virus de chauve-souris, plus précisément dans les deux qui sont génétiquement les plus proches du SARS-CoV-2 et dont l’existence est censée accréditer la thèse d’une origine naturelle de la pandémie, comme l’explique un article de 2021 de Science qui a particulièrement mal vieilli :
- RaTG13[3], le virus découvert en février 2020 par Shi Zhengli, la chercheuse en chef de l’institut de virologie de Wuhan, qui correspond à 96,1 % au SARS-CoV-2 ; et
- BANAL-52[4], découvert par hasard au Laos plus tard en 2020, et qui correspond à 96,8 % au SARS-CoV-2.
Cette chronologie est du moins la version officielle. On sait aujourd’hui que ces virus ont été découverts probablement en 2013 (RaTG13) et 2017 (BANAL-52) :
À l’origine, Shi a affirmé ne pas avoir séquencé RaTG13 avant le début de 2020, date à laquelle elle est allée vérifier ses dossiers après l’émergence du SARS-CoV-2. Mais en fait, comme l’ont documenté Matt Ridley et Alina Chan[5], RaTG13 est l’un des neuf coronavirus découverts dans les années 2013. […]
BANAL-52 n’a pas non plus été découvert pour la première fois en 2020. Comme Jim Haslam l’a montré (avec un coup de chapeau à Billy Bostickson, du groupe DRASTIC), il a très probablement été collecté en 2017 par des chercheurs américains du Naval Medical Research Centre-Asia (NMRC-A) lors d’une expédition financée par la marine, mais non publiée, car l’armée voulait qu’il garde secret.
Cette découverte a vraisemblablement eu lieu lorsque l’équipe du NMRC-A a visité un laboratoire de l’Institut Pasteur à Vientiane, au Laos, géré par un expatrié américain, pour collecter des échantillons de chauves-souris locales. Là encore, nous renvoyons à notre précédent article sur le rôle de l’Institut Pasteur dans les origines de la pandémie.
La découverte des deux virus utilisés par Ralph Baric a été postdatée
D’autres détails peuvent être retrouvés dans l’article du Dr Nass. Elle explique notamment que les mêmes chercheurs laotiens sont retournés en 2020 dans la grotte de Mojiang, et qu’ils ont collecté un nombre similaire d’échantillons de la même espèce de chauve-souris. Or contrairement à leur découverte de 2017, ils ont publié ou ont été autorisés à publier leurs travaux en septembre 2021 :
On peut supposer qu’il s’agit des mêmes virus que ceux recueillis par l’équipe quatre ans plus tôt. […] Si c’est le cas, cela signifie que BANAL-52 – le virus le plus proche du SARS-CoV-2 – n’a pas été découvert par hasard en 2020, quelques mois après le début de la pandémie, mais qu’il a en fait été collecté en 2017 et qu’il aurait probablement été accessible à certains chercheurs, dont M. Baric.
À quelle fin ?
Baric et Daszak ont répondu en 2018 à un appel à projets lancé par l’Agence américaine des projets de recherche avancée de défense (DARPA) dans le cadre du programme de prévention des menaces pathogènes émergentes (Preventing Emerging Pathogenic Threats – PREEMPT).
Baric explique sa stratégie dans la proposition (le fameux projet DEFUSE[6]) soumise par EcoHealth Alliance, où a été retrouvée la séquence du SARS-CoV-2 qui les relie directement à la création du virus : créer un virus composite permettant de développer un vaccin ciblant l’ensemble des virus entrant dans sa composition. En l’occurrence, le projet DEFUSE visait à créer un virus rendu hautement pathogène pour l’homme grâce par l’insertion d’une séquence retrouvée dans le SARS-CoV-2. Les recherches devaient être conduites dans le laboratoire P4 de Wuhan.
Baric a expliqué la raison de cette démarche dans sa candidature DEFUSE de 2018 […]. DEFUSE n’a pas été financé, bien sûr, mais l’expérience 56023 montre que cette déception n’a pas empêché Baric et son collègue de DEFUSE, Vincent Munster, des laboratoires Rocky Mountain Labs du NIH, de poursuivre leurs efforts pour rendre les coronavirus similaires au SRAS plus transmissibles.
Le Dr Nass estime que ce faisceau d’éléments pointe vers une responsabilité écrasante du Dr Baric, et vers une localisation de l’origine de la pandémie dans les tubes fumants de l’UNC :
La conclusion naturelle est bien sûr que le CRG7 a été créé par Baric en utilisant RaTG13 et BANAL-52 (parmi d’autres virus similaires, dont la plupart n’ont probablement pas été publiés) afin d’obtenir cette caractéristique spéciale. Comment aurait-il pu créer la séquence consensus de CRG7 avec ce « motif unique » autrement qu’avec ces virus ?
L’article de Baric publié dans Nature en 2018 ne donne aucun détail sur la manière dont il a créé CRG7 – ce qui n’est peut-être pas surprenant compte tenu de ce que nous savons maintenant sur RaTG13 et BANAL-52, qui ont été cachés à l’époque. Cependant, ce qui est plus surprenant, c’est que depuis la pandémie, Baric n’a toujours pas publié le CRG7 ni expliqué comment lui et ses collègues l’ont fabriqué. Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ? […] La réponse semble évidente : CRG7 est le SARS-CoV-2 ou un antécédent proche de celui-ci (peut-être avant l’ajout du site de clivage de la furine). Comment expliquer autrement le fait qu’il contienne le « motif unique » de Baric ?
Comment le SARS-CoV-2 est-il passé de l’UNC à Wuhan ?
Selon le Dr Nass, il existe d’autres preuves selon lesquelles l’expérience 56023 pourrait être à l’origine de la pandémie. Elle cite notamment un article du Pr Jim Haslam intitulé « Calendrier pour la création et la dissimulation de COVID. Du VIH au VIH H5N1, comment le SRAS1 a conduit au SRAS-CoV-2[7] », qui explique pourquoi il est hautement probable que le SARS-CoV-2 ait été conçu et testé aux États-Unis plutôt qu’en Chine :
En septembre 2020, un article allemand[8] a montré que le SRAS-CoV-2 infecte et transmet les chauves-souris frugivores égyptiennes, que Baric et Munster ont essayé d’infecter en 2018[9]. Le professeur de l’Université du Colorado (CSU), Tony Schountz […], a confirmé que le laboratoire P4 (BSL4) de Vincent Munster dans le Montana possède une colonie de chauves-souris frugivores égyptiennes.
A contrario, le SRAS-CoV-2 ne se transmet pas efficacement chez les chauves-souris chinoises utilisées dans le laboratoire de Wuhan, ce qui « suggère qu’il a été testé chez les premières plutôt que chez les secondes ». Cette explication est par ailleurs cohérente avec la description de l’expérience 56023 dans le PV de l’UNC, qui précise :
Toutes les expériences sur les animaux […] seront réalisées au NIH Rocky Mountain Labs.
L’article du Pr Jim Haslam est une anthologie de 69 pages totalement édifiante. Lorsque vous l’aurez lu, repensez aux cris d’orfraie qui furent poussés, et qui continuent de l’être, lorsque fut signalé pour la première fois que le virus était suspect, justifiant qu’on évalue la piste d’un accident de laboratoire.
Comment le CRG7 de Baric a-t-il pu se retrouver au laboratoire P4 de Wuhan, adossé au marché d’où la pandémie aurait émergé ?
L’appel à projets de la DARPA a été remporté par Vincent Munster (NIH). Munster et Baric collaboraient avec le Dr Danielle Anderson, une scientifique australienne travaillant dans le laboratoire P4 de Wuhan et inscrite sur la liste des collaborateurs du projet DEFUSE, où son rôle devait être de tester sur des chauves-souris les virus créés par Ralph Baric. L’article du Daily Sceptic, qui élabore l’hypothèse selon laquelle Vincent Munster pourrait être « l’homme qui a créé le COVID-19 dans le laboratoire américain de Fauci », précise qu’elle est sortie de l’ombre en 2022 pour soutenir publiquement la thèse d’une origine zoonotique de la pandémie. Elle faisait également partie de la Commission du Lancet sur les origines, présidée par Jeffrey Sachs et dissoute en 2021.
L’implication de la FDA et du NIH
L’étude de Nature où a été divulguée la séquence du CRG7 commune avec le SARS-CoV-2 a été publiée le 29 octobre 2018 mais elle a été soumise à la revue le 31 janvier 2018. Cette chronologie suggère donc que le SARS-CoV-2 a été développé avant janvier 2018.
Deux autres éléments sont problématiques :
- l’adresse d’un des auteurs (Damon J. Deming) est celle de la FDA ;
- l’étude a été menée dans le cadre de quatre subventions accordées par le NIH NIAID à l’UNC : U19-AI107810, R01-AI108197, U54-AI057157 et 5F32AI080148.
La subvention U19-AI107810 a été identifiée dès juillet 2021 par le Congrès américain comme le cadre dans lequel auraient été conduites des expériences de gain de fonction (GoF) ayant conduit à la création du SARS-CoV-2. Elle a été initialement octroyée en 2013 à Ralph Baric pour le projet « Caractérisation de nouveaux gènes codés par des virus à ARN et à ADN » (U19AI107810-01), dont le budget couvre la période du 21 juin 2013 au 31 mai 2014 (année 1). Le projet a bénéficié d’un nouveau financement l’année 2 (U19AI107810-02), avec une date de début de budget pour le 1er juin 2014.
Cette date est accablante pour le Dr Anthony Fauci puisqu’elle correspond au début de la période couverte par la grâce présidentielle accordée préventivement à l’ancien directeur du NIH par l’administration démocrate, qui a utilisé un stylo numérique pour les signer au nom de Jo Biden. Le président n’était physiquement pas présent à la Maison-Blanche, il s’agit donc d’un faux en écriture qui a provoqué l’annulation de cette grâce par son successeur.
L’année est également confondante pour le fils de l’ancien président puisqu’elle est celle où a été conclu le premier contrat entre le Pentagone et la société Metabiota dont il est l’un des actionnaires. Metabiota est suspectée d’avoir conduit des activités biologiques militaires en Ukraine en lien avec le Pentagone, notamment des recherches de coronavirus de chauve-souris, réalisées dans le cadre du projet PREDICT (voir notre précédent article).
Peut-on pour autant conclure de ces éléments que l’expérience 56023 est l’expérience zéro, à l’origine de la pandémie ? La conclusion du Dr Nass est aussi mesurée que possible :
L’expérience 56023 n’est peut-être pas celle qui a déclenché la pandémie. […] Mais elle contient certains ingrédients clés qui suggèrent qu’il pourrait s’agir de l’expérience fatidique – notamment le virus CRG7 de Baric et son « motif unique » qui s’est retrouvé dans le SRAS-CoV-2.
Pour se disculper, Baric doit simplement ouvrir ses livres et nous montrer sur quoi lui et ses collègues travaillaient en 2019 – ce qu’il a refusé de faire jusqu’à présent ; il doit publier la séquence complète du CRG7. Nous attendons.
Que de coïncidences et que d’occasions manquées pour ces experts d’alerter avant qu’un banal accident de laboratoire comme il en arrive fréquemment ne se transforme en pandémie mondiale !
Références
[1] Voir notre précédent article : LePointCritique. L’USAID a-t-elle financé la création du COVID-19 ? 2025 Feb 12. https://lepointcritique.fr/2025/02/12/lusaid-a-t-elle-finance-la-creation-du-covid-19/.
[2] Graham RL, Deming DJ, Deming ME, Yount BL, Baric RS. Evaluation of a recombination-resistant coronavirus as a broadly applicable, rapidly implementable vaccine platform. Commun Biol. 2018 Oct 29;1:179. https://doi.org/10.1038/s42003-018-0175-7.
[3] Zhou P, Yang XL, Wang XG, Hu B, Zhang L, Zhang W, et al. A pneumonia outbreak associated with a new coronavirus of probable bat origin. Nature. 2020 Mar;579(7798):270-273. https://doi.org/10.1038/s41586-020-2012-7.
[4] Temmam S, Vongphayloth K, Baquero E, Munier S, Bonomi M, Regnault B, et al. Bat coronaviruses related to SARS-CoV-2 and infectious for human cells. Nature. 2022 Apr;604(7905):330-336. https://doi.org/10.1038/s41586-022-04532-4.
[5] Ridley M. Wuhan clan: we finally know the identity of the scientists in the lab linked to Covid. The Spectator. 2023 Jun 24. https://www.spectator.co.uk/article/wuhan-clan-we-finally-know-the-identity-of-the-scientists-in-the-lab-linked-to-covid/.
[6] Le projet DEFUSE : https://fr.slideshare.net/slideshow/ecohealth-alliance-projet-defuse-bas-wuhan/250365184/
Le résumé en français par le groupe DRASTIC : https://drasticresearch-org.translate.goog/2021/09/20/1583/?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=wapp.
L’analyse détaillée proposée par le groupe DRASTIC : urlr.me/eGQnVP.
[7] Haslm J. Timeline for the creation & cover-up of Covid: From HIV to H5N1 & how SARS1 led to SARS2. 2023 Aug 6. https://jimhaslam.substack.com/p/timeline-for-the-creation-and-cover.
[8] Schlottau K, Rissmann M, Graaf A, Schön J, Sehl J, Wylezich C, et al. SARS-CoV-2 in fruit bats, ferrets, pigs, and chickens: an experimental transmission study. Lancet Microbe. 2020 Sep;1(5):e218-e225. https://doi.org/10.1016/S2666-5247(20)30089-6.
[9] van Doremalen N, Schäfer A, Menachery VD, Letko M, Bushmaker T, Fischer RJ, […], Baric RS, Munster VJ. SARS-Like Coronavirus WIV1-CoV Does Not Replicate in Egyptian Fruit Bats (Rousettus aegyptiacus). Viruses. 2018 Dec 19;10(12):727. https://doi.org/10.3390/v10120727.