Un président ne devrait pas dire ça

Équipe Le Point Critique | 10 mai 2025

Célébration de la victoire contre le nazisme, Emmanuel Macron compare Poutine à Hitler

La Russie célébrait hier la victoire sur le nazisme, dont elle estime que la guerre en Ukraine serait le prolongement. Emmanuel Macron s’est autorisé en réponse à comparer Vladimir Poutine à Adolf Hitler, personnalisant ainsi un débat largement nourri d’éléments qui accréditent la thèse russe – au moins partiellement.

“Tragédie des nations”, mémorial de l'Holocauste, parc de la Victoire, Moscou
“Tragédie des nations”, mémorial de l'Holocauste, parc de la Victoire, Moscou | © Idrisesen

Emmanuel Macron a signé vendredi, à Nancy, un traité d’amitié et de coopération entre la France et la Pologne. Lors de la conférence de presse, il a été invité à commenter le discours prononcé par Vladimir Poutine à l’occasion des commémorations de la fin de la Seconde Guerre mondiale organisées ce 9 mai à Moscou. L’une des questions portait sur sa justification de la guerre en Ukraine comme la poursuite de celle menée contre le nazisme, qui a coûté la vie à près de 27 millions de Russes :

Nous nous souvenons des leçons de la Seconde Guerre mondiale et n’admettrons jamais que ces événements soient déformés. Nous ne tolérerons jamais les relectures de l’histoire qui s’efforcent de justifier les bourreaux et de calomnier les véritables vainqueurs. 

Si cette « rhétorique » est aujourd’hui largement contestée en Europe, les critiques qui s’efforcent de respecter une certaine objectivité se cristallisent uniquement sur l’exploitation à des fins de propagande que le Kremlin ferait du passé de l’Ukraine, sans remettre en cause la puissance de ses liens historiques avec l’Allemagne nazie, ni les traces qu’ils ont pu laisser au sein de la population et dans les rangs de l’armée ukrainienne.

Le Figaro rappelait ainsi, il y a un trois ans, l’allégeance faite à Hitler par l’ancienne république soviétique dans sa déclaration d’indépendance en 1941 (voir notre Boîte noire en fin d’article), le rôle central des milices néonazies dans le coup d’État de 2014 accusées par Moscou de perpétrer depuis cette date un génocide à l’encontre des populations russophones du Donbass, ou encore la persistance du culte voué par une partie de la population ukrainienne au nationaliste Stefan Bandera, régulièrement dénoncée par l’avocat Arno Klarsfeld :

Le conflit actuel a été l’occasion d’exhumer plusieurs documents qui jettent une lumière particulièrement crue sur ce passé nauséabond marqué par une série d’atrocités, comme le massacre de près de 100 000 civils polonais par l’armée ukrainienne entre 1942 et 1945, à Volhynie et en Galicie, ou celui de plus d’un million de juifs assassinés avec le concours de la population ukrainienne lors de la Shoah dite « par balles », l’une des pages les plus sombres de la période nazie relatée en 2008 par Simone Veil.

Le Monde diplomatique propose aujourd’hui une lecture équilibrée du rapport que l’Ukraine a entretenu avec le nazisme durant la Seconde Guerre mondiale, qui n’occulte pas ce passé embarrassant :

Des Ukrainiens ont certes choisi de collaborer avec les nazis, surtout en Ukraine de l’Ouest, annexée par l’Union soviétique en 1939 en vertu d’un protocole secret du pacte Molotov-Ribbentrop, puis envahie en 1941 par l’Allemagne. […] La plupart des Ukrainiens ont en revanche combattu du côté de la coalition anti-hitlérienne : six millions dans l’Armée rouge à partir de 1941, mais aussi 120 000 conscrits au sein de l’armée polonaise, qui a affronté la Wehrmacht dès septembre 1939, sans compter les milliers de soldats d’origine ukrainienne dans les armées des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni, ainsi que dans la Résistance française.

Emmanuel Macron s’est contenté de renvoyer dos à dos l’impérialisme nazi et celui qui animerait aujourd’hui le président russe en résumant le conflit ukrainien à une question de frontières, ce que dément formellement l’accord de paix proposé dès le printemps 2022, à Istanbul, par la Russie. S’il n’a pas osé aller jusqu’à comparer explicitement Poutine à Hitler, c’est bien l’analogie qu’il a établie :

Le nazisme est un totalitarisme qui avait ses spécificités, le poutinisme est un impérialisme. Et il ne vit maintenant que par l’expansion territoriale, la menace des frontières internationalement reconnues et le désordre international. À ce que je sache, l’Ukraine n’a jamais violé les frontières internationalement reconnues ni exprimé quelque velléité que ce soit d’envahir son voisin. Et donc celui aujourd’hui qui est la cause de la guerre, celui qui entretient la guerre et celui qui menace la paix et, ce faisant, l’ordre international, c’est le président Poutine et personne d’autre.

Trente chefs d’État ne partagent pourtant cette analyse, qui repose sur un syllogisme d’une malhonnêteté confondante. Emmanuel Macron a d’ailleurs fait la démonstration de la perversité de son raisonnement en proposant un récit fallacieux de la construction de l’Europe, accusée aujourd’hui pas un certain nombre d’observateurs d’être la version moderne de l’ancienne URSS, portée par la même pulsion totalitaire et gangrénée par le même fléau de la corruption et de la tyrannie bureaucratique :

Si ma lecture de l’histoire est à peu près juste, Moscou fut une capitale subie, Bruxelles, pour nous tous, c’est une capitale européenne choisie, librement, par nos traités, par nos choix. Ça fait beaucoup de différence, même pour ceux qui ne veulent pas l’assumer. […]

Emmanuel Macron devrait cependant savoir que les Français ont précisément refusé en 2008 que Bruxelles soit leur capitale, et qu’elle l’est devenue au prix d’un viol ou d’une trahison, perpétrés par les deux mentors du chef de l’État, Nicolas Sarkozy et Valéry Giscard d’Estaing. On ne pouvait donc trouver d’argument plus maladroit pour tenter d’effacer la dette historique que les citoyens européens ont de fait envers la Russie, si ce n’est peut-être d’opposer la célébration de la victoire sur le nazisme à celle de la journée de l’Europe :

Aujourd’hui c’est la journée de l’Europe, c’est celle où l’on célèbre les pères fondateurs. […] Je préfère penser à Schumann et à Monnet.

Le président français s’est toutefois gardé de citer les noms de Walter Hallstein ou Richard Nicklaus de Coudenhove-Kalergi, deux figures pourtant éminentes de la construction de l’Europe.

Hallstein fut le premier président de la Commission des Communautés européennes, rebaptisée Commission européenne après le fameux traité de Lisbonne. Wikipédia explique qu’il fut officier de la Wehrmacht sous le IIIe Reich, en précisant qu’il désapprouvait l’idéologie nazie à laquelle il aurait été contraint de collaborer. Wikipédia rappelle également les propos tenus par Richard Coudenhove-Kalergi, à l’issue d’une rencontre avec Mussolini et le philosophe Julius Evola, qui fuit vers l’Allemagne nazie en 1943 lorsque le régime fasciste italien s’est effondré :

La constitution fasciste peut non seulement avoir une valeur italienne et plus généralement une valeur européenne, dans le sens où elle exprime une sage conciliation du principe autoritaire et aristocratique avec ce qu’il peut y avoir de sain dans le principe démocratique

Rappelons pour l’anecdote que lors d’un conseil de défense, où Emmanuel Macron était apparu particulièrement exalté, il disait vouloir « enfourcher le tigre ». L’origine de cette métaphore sibylline a finalement été localisée dans l’un des ouvrages de Julius Evola, Chevaucher le tigre.

Couverture de l'ouvrage de Julius Evola, Chevaucher le tigre

Combien connaissaient cet ouvrage avant qu’Emmanuel Macron n’évoque son existence ?

« Acte de proclamation de l’État ukrainien

1. Par la volonté du peuple ukrainien, l’Organisation des nationalistes ukrainiens, sous la direction de Stepan Bandera, proclame la formation de l’État ukrainien pour lequel sont tombées tant de générations entières des meilleurs fils de l’Ukraine.

L’Organisation des nationalistes ukrainiens, qui, sous la direction de son fondateur et chef Yevhen Konovalets a entrepris, au cours des dix dernières années, une bataille sanglante pour la liberté et contre l’Union soviétique qui veut nous asservir ; cette organisation appelle tous les Ukrainiens à ne pas jeter bas les armes avant que toutes les terres ukrainiennes ne soient réunies pour former un gouvernement ukrainien souverain.

Le gouvernement ukrainien souverain garantit au peuple ukrainien le développement de toutes ses énergies et tous ses besoins.

2. Dans les terres occidentales de l’Ukraine, un gouvernement ukrainien est formé, qui est subordonné au Gouvernement national ukrainien qui sera formé dans la capitale de l’Ukraine – Kiev.

3. L’État ukrainien nouvellement formé travaillera en étroite collaboration avec le national-socialisme de la Grande Allemagne, sous la direction de son chef, Adolf Hitler, qui veut créer un nouvel ordre en Europe et dans le monde et aide les Ukrainiens à se libérer de l’occupation soviétique. L’Armée révolutionnaire populaire ukrainienne, qui a été formée sur les terres ukrainiennes veut continuer à se battre avec l’armée allemande alliée contre l’occupation moscovite pour un État souverain et uni et un nouvel ordre dans le monde entier.

Vive la Souveraineté de l’Ukraine-Unie ! Vive l’Organisation des nationalistes ukrainiens ! Vive le leader de l’Organisation des nationalistes ukrainiens et le peuple ukrainien – Stepan Bandera.

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