Ironie de l'histoire

Équipe Le Point Critique | 03 mai 2025

La Russie, grande absente de la célébration de la victoire contre le nazisme à Londres

Le 9 mai prochain, les nations occidentales et la Russie célébreront séparément la victoire de l'Europe contre le nazisme, 80 ans après avoir combattu côte à côte. Par un retournement historique de l’histoire, ce sont les anciens alliés de l’Allemagne, représentés par le président Volodymyr Zelensky, qui défileront à Londres.

Garde des anciens combattants britanniques, Mémorial national de guerre, Whitehall, Londres, Angleterre
© Bpperry

Londres vient d’officialiser la participation des forces armées ukrainiennes au défilé militaire du 9 mai, organisé pour le 80e anniversaire de la Journée de la victoire en Europe (Victory of Europe Day). Cette date historique marque le jour où les Alliés ont officiellement accepté la reddition de l’Allemagne nazie en 1945.

Un embarrassant retournement historique

La capitale britannique souhaite ainsi rendre hommage aux jeunes Ukrainiens que le Royaume-Uni forme depuis 2022 dans le cadre de l’opération Interflex, rapporte The Telegraph. Les corps d’armée qui ont combattu héroïquement la Wehrmacht (Royal Navy, de Royal Marines, et la Royal Air Force) marcheront donc aux côtés des descendants d’anciens collaborateurs nazis.

Pour rappel en effet, c’est dans une allégeance au régime nazi que l’Ukraine est officiellement née en 1941, et c’est à son nom qu’est attaché le plus grand massacre de juifs perpétré durant la Seconde Guerre mondiale, à Babi Yar, dans la banlieue de Kiev :

En juillet 1941, ce gouvernement édicte une déclaration d’indépendance dans laquelle il décrète ce qui suit :
« Le nouvel État d’Ukraine, se fondant sur la pleine souveraineté de son pouvoir, s’inscrit volontairement dans les rangs du nouvel ordre européen qui est fondé par le chef de l’armée allemande et du peuple allemand lui-même : Adolf Hitler, son chef, a commencé la lutte pour l’instauration de ce nouvel ordre. »

Selon le ministère anglais de la Défense, qui a profité de cette annonce pour rappeler le cadre légal à l’intérieur lequel les Occidentaux zigzaguent depuis 2022 afin de ne pas être considérés comme des nations cobelligérantes, « Cette réunion symbolisera le soutien mondial à la lutte continue de l’Ukraine pour la liberté contre “l’invasion illégale et non provoquée par la Russie” ». Ce ne sera donc pas au titre de sa contribution à la victoire contre le nazisme que l’Ukraine sera présente, ce qui est une forme d’aveu concernant son rôle durant la Seconde Guerre mondiale, puisqu’il n’y avait à l’époque que deux options : combattre ou soutenir le régime nazi.

Des vétérans seront également présents, en tant que spectateurs. The Telegraph a choisi de mettre en valeur l’un d’entre eux, qui rappelle les « sacrifices » endurés par l’ensemble des alliés entre 1939 et 1945 :

Des gens du monde entier ont uni leurs forces il y a 80 ans pour défendre la liberté – nous devons nous souvenir de tous leurs sacrifices.

https://www.telegraph.co.uk/news/2025/05/03/ukrainian-armed-forces-join-uk-ve-day-parade/

La volonté d’effacer la Russie, un symptôme ?

L’article omet toutefois une information essentielle : la Russie ne sera pas présente bien qu’elle soit celle qui ait ouvert la porte des camps de concentration et payé le plus lourd tribut (entre 20 et 27 millions de morts selon les estimations, vs 541 000 côté français) pour arracher l’Occident à l’emprise nazie.

On peut comprendre en effet qu’il soit compliqué, pour les nations qui ont fait le choix de soutenir militairement l’Ukraine depuis 2022, d’accueillir aujourd’hui la Russie au nom de leur ancienne fraternité d’armes. Mais cette incongruité historique n’est pas juste un problème d’embarras diplomatique inextricable.

La Russie ne sera pas seulement absente. Elle sera effacée, son rôle décisif dans la victoire contre le nazisme étant présenté aujourd’hui comme une distorsion opportuniste de l’histoire, l’idée que l’Occident puisse avoir une dette morale envers son nouvel ennemi n’étant pas compatible avec la théorie d’une « menace existentielle » qui exclut par principe toute paix avec la Russie. En ce sens, la manière outrancière dont les alliés ont choisi de traiter le Kremlin ne fait que confirmer sa lecture du conflit : celle d’une lutte à mort, où la guerre a été planifiée de longue date et vise le démantèlement de la Russie.

Winston Churchill, dont Zelensky est aujourd’hui présenté comme l’héritier héroïque, l’avait pourtant formulé sans la moindre ambiguïté, noir sur blanc, dans une lettre adressée à Staline en 1945, alors que la Wehrmacht s’effondrait sous les coups de l’armée soviétique, selon le média RT :

Qui a détruit l’Allemagne nazie ? C’est l’armée russe qui a arraché les tripes de la machine militaire allemande et elle tient actuellement sur son front la plus grande partie de l’ennemi.

https://x.com/i/status/1919061328603250738
Le rôle déterminant de l’armée russe dans la victoire contre le nazisme selon Winston Churchill

Moscou n’est pas pour autant isolée. Une vingtaine de chefs d’État seront présents dans la capitale pour participer aux festivités du 9-Mai organisées par la Fédération de Russie, dont les présidents chinois, brésilien, vénézuélien, cubain, vietnamien, nord-coréen, burkinabè, biélorusse, serbe, hongrois. La responsable de la politique étrangère de l’Union européenne, Kaja Kallas, a menacé de représailles le Premier slovaque ainsi que l’ensemble des pays candidats à une entrée dans l’Union s’ils se rendaient en Russie à cette occasion.

Les menaces de Volodymyr Zelensky

Le ton est monté d’un cran vendredi, avec l’étonnante réponse de Volodymyr Zelensky à la proposition formulée par son homologue russe, de respecter une trêve de trois jours afin de sanctuariser la Journée du 9-Mai. Le président ukrainien a décliné l’invitation, en précisant qu’il « ne pourra pas garantir “la sécurité” des dirigeants internationaux » qui choisiraient de se rendre à Moscou :

On ne sait pas ce que la Russie fera à cette date. Elle pourrait prendre différentes mesures, comme des incendies, des explosions, et ensuite nous accuser. […]
Personne n’aidera Poutine à jouer à ce genre de jeu pour donner une douce atmosphère à sa sortie d’isolement, le 9 mai, et mettre à l’aise et en sécurité les dirigeants, les amis et les partenaires de Poutine qui viendront sur la place Rouge, pour une raison ou une autre. […]
C’est impossible de s’entendre sur quelque chose en trois, cinq ou sept jours […] Il est impossible de trouver un plan pour établir les prochaines étapes pour terminer la guerre. Cela ne semble pas sérieux.

https://www.cnews.fr/monde/2025-05-03/en-direct-guerre-en-ukraine-moscou-accuse-volodymyr-zelensky-de-proferer-une

Faut-il y voir une menace ?

Il est difficile d’y voir autre chose puisque la sécurité de Moscou ne relève pas des compétences de l’Ukraine, estime la chef de la diplomatie russe, Maria Zakharova. La provocation est d’autant plus inquiétante qu’un bombardement de Moscou ciblant des chefs d’État étrangers – dont au moins trois d’entre eux ont le pouvoir de déclencher une réponse nucléaire –, ferait basculer le conflit dans une dimension inédite et discréditerait définitivement la rhétorique des Occidentaux concernant leurs efforts pour établir une « paix juste et durable ». L’ambiguïté malsaine de cette déclaration, qu’aucun des alliés de Kiev n’a à notre connaissance cherché à clarifier, a été au contraire levée par le chef de cabinet de Volodymyr Zelensky, Andrii Yermak, avec la publication d’une image du président ukrainien surplombant la Place rouge en feu, accompagnée de cette légende : « Peint magnifiquement ».

Les alliés de l’Ukraine pourraient-ils autoriser le président Zelensky à passer de la parole aux actes ?

Mi-avril le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, dont la biographie Wikipédia indique que le grand-père maternel a été membre des SA (ex-SS) puis du parti nazi et que le père a servi dans la Wehrmacht sous les ordres d’Hitler, avait laissé entendre que son gouvernement était prêt à livrer des missiles Taurus longue portée à l’armée ukrainienne en désignant le pont de Crimée comme une cible légitime.

Pour l’heure, alors que les alliés s’efforcent de réécrire l’histoire et de faire du président russe le nouvel Hitler, l’armée anglaise peine à convaincre ses hommes qu’ils doivent se préparer à mourir pour l’Ukraine. Selon The Telegraph, plus de 15 000 soldats auraient quitté l’armée britannique en octobre dernier. Le magazine Opex 360 évoquait en novembre dernier un déficit de 300 hommes par mois. The Times avait estimé sur cette base que l’armée britannique compterait moins de 70 000 hommes en 2026, un chiffre contesté par le ministère de la Défense pour qui l’effectif de la British Army ne devait pas descendre en dessous des 73 000 hommes. Il est en réalité d’ores et déjà inférieur à 70 000 hommes, selon les chiffres communiqués début mars par Le Figaro.

Il semble que les soldats britanniques aient compris que l’histoire racontée par leur hiérarchie n’ait ni factuellement juste ni moralement soutenable.

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