Progressisme

Équipe Le Point Critique | 03 mai 2025

Loi sur la fin de vie, solution finale au vieillissement de la population ?

L’examen du projet de loi sur la fin de vie par la commission des Affaires sociales s'est achevé aujourd’hui. Le nouveau texte définit l’euthanasie comme une mort naturelle et supprime les rares verrous qui garantissaient la liberté de conscience de la personne.

Flacon de pentobarbital de sodium utilisé pour l’euthanasie
© Digicomphoto

La fin de vie est un sujet d’une complexité et d’une subtilité extrêmes, c’est la raison pour laquelle la loi s’est construite lentement, avec une grande prudence. Un premier jalon fut posé en 2016 avec la loi Claeys-Leonetti permettant à chaque citoyen en fin de vie de bénéficier d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque son pronostic vital est engagé à court terme.

Il ne couvrait pas l’ensemble des situations. C’est sous ce prétexte qu’il est revenu en 2024 après une consultation citoyenne organisée par le Conseil économique social et environnemental (CESE).

Le projet de loi, qui portait sur le développement des soins palliatifs et l’introduction d’une « aide à mourir » sous certaines conditions strictes, avait suscité d’intenses débats dans l’Hémicycle, interrompus par la dissolution de l’Assemblée nationale. Les parlementaires avaient fini par s’accorder sur un texte instaurant l’accès à une aide à mourir sous la forme d’un suicide assisté ou d’une euthanasie. Celle-ci pourrait notamment être réalisée par un proche, ce qu’aucune législation au monde ne permet.

En mai dernier, nous avions analysé le projet de loi, en restituant l’indignation des associations soignantes et de certains députés, notamment celle de Pierre Dharréville (NUPES-GDR) qui dénonçait « un basculement anthropologique vertigineux ». Chacun espérait que l’interruption des débats permette de réparer le « désastre législatif » du printemps dernier.

L’examen du texte par la commission des Affaires sociales a repris le 28 avril et s’est achevé aujourd’hui. La nouvelle version sera discutée en séance publique à partir du 12 mai. Elle s’est enrichie de 68 amendements et en a examiné plus de 1 600, dont six ont retenu notre attention.

Amendement visant la création d’un délit d’incitation au suicide assisté ou à l’euthanasie (AS 1110) : rejeté

Article 17
Compléter cet article par l’alinéa suivant :
« Art. L. 1111‑12‑15. – Le fait d’inciter une personne, par pression, manœuvre ou influence indue, à demander une aide à mourir est puni d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende.
« Lorsqu’il est commis à l’encontre d’une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, de sa maladie, de son handicap ou de son état de dépendance, ce délit est puni de deux ans de prison et de 45 000 euros d’amende. »

L’amendement avait été travaillé avec la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SPAF). Il invoque la nécessité imérieuse de protéger l’« exigence d’autonomie » des citoyens. Celle-ci peut être difficile à garantir pour les personnes en situation de grande vulnérabilité (patients atteints de maladies graves, souffrant de douleurs chroniques, isolés socialement ou en état de forte dépendance), susceptibles de subir des pressions, notamment de la part de leur entourage – par exemple des héritiers potentiels.

Le délit d’entrave, consacré par l’article 17, est en revanche maintenu. Il prévoit une amende de 15 000 euros et une peine de prison de un an pour un tiers physique ou moral (association par exemple) qui voudrait dissuader une personne de solliciter l’aide à mourir.

L’amendement était déposé par Frédéric Valletoux (Horizons et Indépendants).

Amendement visant à garantir que la personne ne fait l’objet d’aucune pression (AS 1015 et AS 64) : rejeté

Article 5
Compléter cet article par l’alinéa suivant :
« 6° S’assure que le demandeur ne fait l’objet d’aucune pression, qu’elle soit financière, sociale ou provenant de son entourage. »

L’amendement a été déposé une première fois le 1er avril (AS 64) et à nouveau le 5 avril (AS 1015), les deux versions ont été rejetées. La première invoquait uniquement l’exemple de la loi belge, où une telle mesure est prévue par la législation. Celle du 5 avril souligne les dérives possibles expérimentées en Suisse et en Belgique, lorsque des pressions extérieures (familiales, amicales, sociales…) viennent altérer le libre arbitre de la personne demandeuse. Elle mentionne notamment le cas des personnes qui seraient sous l’influence d’une secte.

Curieusement, cet argument a perdu l’écho qu’il avait en 2024, lorsque le Gouvernement a souhaité légiférer, au prétexte de lutter contre les dérives sectaires, sur les dangers que représenterait la publication d’une étude rapportant les bénéfices contre le COVID de certaines molécules comme l’hydroxychloroquine.

L’amendement était déposé par 8 députés du groupe Droite républicaine : Philippe Juvin, Thibaut Bazin, Corentin Le Fur, Xavier Breton, Hubert Brigand, Nicolas Forissier, Sylvie Bonnet, et Patrick Hetzel.

Un amendement complémentaire (AS 559) déposé par le député Cyrille Isaac-Sibille prévoyait que le médecin saisisse le Procureur de la République préalablement à sa décision en cas de doute sur la libre expression de la volonté du patient. Il a également été rejeté.

Amendement visant à garantir que le discernement de la personne n’est pas altéré(AS 994) : rejeté

Article 9
Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :
« 1° bis – Vérifie que son discernement n’est pas altéré ; »

L’exposé rappelle que le recours à une aide à mourir est un acte irrémédiable pour lequel il est impératif de s’assurer que la liberté du patient est bien respectée et qu’il est parfaitement conscient de sa demande jusqu’au dernier moment.

Nous nous inquiétons l’an dernier de la volonté des parlementaires d’accélérer la procédure de concertation collégiale pluriprofessionnelle de manière vertigineuse, au prétexte de ne pas la « complexifier inutilement », en permettant au médecin d’écourter voire de supprimer le délai requis pour que la personne confirme son souhait de mourir une fois que sa demande a été acceptée.

Nous nous demandons aujourd’hui s’il existe une seule raison favorable aux patients de rejeter un tel amendement.

L’amendement était déposé par 7 députés du groupe Droite républicaine Philippe Juvin, Corentin Le Fur, Xavier Breton, Hubert Brigand, Nicolas Forissier, Sylvie Bonnet, Patrick Hetzel.

Amendement visant à garantir la liberté de conscience des préparateurs de la solution létale (AS 87) : rejeté

Article 8
Compléter cet article par l’alinéa suivant :
« Un pharmacien n’est pas tenu de délivrer une préparation létale, mais il informe, sans délai, l’intéressé de son refus et lui communique immédiatement le nom de praticiens susceptibles de lui délivrer ce produit. »

L’article 8 définit quelles pharmacies seront tenues de préparer la solution létale. L’amendement AS 87 rappelle que les pharmaciens qui seront demain chargés de réaliser cette préparation peuvent estimer que la délivrance de produit létaux est contraire à leurs principes éthiques. L’organisation qu’il propose ne saurait compromettre l’accès à l’aide à mourir que dans deux situations : un nombre élevé de demandes ou une objection massive des professionnels. Est-ce ce qui est anticipé par le législateur français ?

L’association Alliance Vita rappelait en mai 2024 que la loi belge dispose qu’« aucune autre personne n’est tenue de participer à une euthanasie » (article 14 de la loi). Il en est de même pour la législation espagnole, néerlandaise, luxembourgeoise et canadienne sur l’euthanasie et/ou l’aide médicale à mourir et pour l’encadrement de l’exécution de la peine capitale aux États-Unis.

Elle dénonce aujourd’hui « un texte totalement déséquilibré qui lève l’interdit de donner la mort et remet en cause l’approche de solidarité et du véritable soin ».

L’amendement était déposé par 11 députés du groupe Droite républicaine Patrick Hetzel, Philippe Juvin, Josiane Corneloup, Fabien Di Filippo, Xavier Breton, Corentin Le Fur, Hubert Brigand, Olivier Marleix, Anne-Laure Blin, Philippe Gosselin et Justine Gruet.

Amendement consacrant l’euthanasie comme une mort naturelle (AS 895) : adopté

Article 9
Compléter l’alinéa 8 par la phrase suivante :
« Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir conformément aux articles L. 1111‑12‑1 à L. 1111‑12‑14 du présent code. »

L’article 9 décrit la manière dont se déroule l’administration de la substance létale le jour J. L’amendement AS 895, travaillé avec l’Association pour le droit de mourir dans la dignité estime que dès lors que le recours à l’aide à mourir est une conséquence directe de l’affection dont souffre la personne, il devrait être assimilé à une mort naturelle afin de protéger les héritiers :

Il ne serait pas souhaitable que ses héritiers ou ayant droits aient à subir des conséquences sur les engagements contractuels ou actes de la vie courante découlant de son décès, parce que la cause de la mort serait juridiquement considérée comme non naturelle ou comme un suicide, alors qu’il s’agit d’une conséquence de l’affection.

Si elle est adoptée en dernière lecture, la loi autorisera ainsi à modifier les circonstances de la mort, et donc à falsifier les futurs certificats de décès pour protéger les intérêts des héritiers. Il s’agit en ce sens probablement de la modification la plus choquante du projet de loi initial, puisqu’elle fait voler en éclats toute réflexion éthique, en éclipsant l’ensemble des questions concernant le consentement à la mort et le contexte médico-légal du décès. Le problème ne sera plus de savoir si la personne souhaitait réellement mourir ou si elle a été incitée à le faire, puisqu’elle sera juste décédée des suites d’une longue maladie.

Les députés à l’origine d’un tel amendement l’ont-ils rédigé dans l’intérêt de la personne ou dans celui de sa descendance ? Comment ne pas voir dans cette modification du texte une invitation lancée aux familles à précipiter le départ de leur proche au moment où il est le plus fragile ?

La présidente de la SFAP, Claire Fourcade, a commenté cette décision sur son compte X dans des termes d’une justesse désarmante : « Nos députés ont bien du mal à nommer les choses. » Cet embarras est-il l’expression de leur déconnexion ou de leur difficulté à assumer un texte aussi malsain ?

L’amendement était présenté par 6 députés du groupe Écologiste et Social : Danielle Simonnet, Alexis Corbière, Julie Laernoes, Sébastien Peytavie, Sandrine Rousseau et Sophie Taillé-Polian.

Une défaite anthropogique et spirituelle

La députée Mathilde Panot, qui s’est rendue il y a quelques jours en Pologne avec sa collègue Manon Aubry pour distribuer des traitements abortifs aux associations, en toute illégalité, salue aujourd’hui une victoire historique après l’adoption du texte en commission des Affaires sociales : « Il n’y a pas de plus grande liberté que celle d’être maître de soi-même, de son corps jusqu’à la dernière minute de son existence. »

Cette glorification de l’euthanasie, à laquelle s’opposent aujourd’hui des médecins de terrain comme Claire Fourcade (présidente de la SFAP) ou Alexis Burnod (chef du service de soins palliatifs à l’Institut Curie), nous rapproche dangereusement du concept de « mort miséricordieuse » (Gnadentodt), inventé par le régime nazi. Si cette comparaison peut choquer, l’aggravation par rapport au texte initial de la vulnérabilité des personnes qui seront confrontées demain à la question de la fin de vie soulève une question : à qui profite le crime ?

Le 3 février dernier, le Grand Orient de France appelait publiquement le Premier ministre « à ne pas renoncer aux engagements de la précédente législature » sur la fin de vie. Il met en avant la « philosophie humaniste et progressiste » de la loge, à laquelle est attaché le principe « de l’autonomie de l’individu et de sa capacité à décider in fine de son sort, dès lors que sa dignité en dépend ». Soutiendra-t-il le nouveau projet de loi ?

Le JDD confirmait en février dernier le lobbying exercé par la franc-maçonnerie pour faire adopter l’euthanasie, à travers l’engagement de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, qui lui serait historiquement liée. Le Monde consacrait à son tour un article, en avril dernier, au président du CESE, Thierry Beaudet, ancien président de la Mutualité française, ardent défenseur de la loi sur la fin de vie et accessoirement franc-maçon. Il explique dans cet article que « La moitié des dépenses de santé d’une personne concerne les six derniers mois de sa vie. » Est-ce à ce calcul que fait écho le courrier adressé il y a un an par la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN) à l’ensemble des députés pour les inciter à « promouvoir une évolution de la loi qui permette une fin de vie libre et choisie » ?

Des milliards d’euros d’économies à la clé

Ne soyons pas naïfs, le droit à mourir dans la dignité n’est que le prétexte philosophique dont se drape la question de l’euthanasie pour se présenter comme une source de progrès. Sa rentabillité économique a déjà été évaluée par l’Assurance maladie, l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) et la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol). Dans son rapport publié en janvier dernier, le think thank va jusqu’à justifier la modification du critère de « pronostic vital engagé à moyen et court terme », jugé officiellement trop complexe à évaluer dans le projet de loi soumis l’an dernier, par la notion d’« affection grave et incurable en phase avancée ou terminale » :

La possibilité de la mort provoquée modifierait radicalement leur situation, puisque le « choix » de mourir qui désormais leur serait offert plus ou moins tôt dans l’évolution de leur maladie, par certains médecins, pourrait permettre d’économiser des sommes très substantielles.

Peut-on douter de la puissance des arguments économiques associés à la fin de vie dans le contexte actuel ?

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