Rétropédalage
Vaccination contre le chikungunya, la France exclut les plus de 65 ans après un décès
L’île de la Réunion est confrontée à une épidémie de chikungunya depuis le début de l’année. Moins de deux mois après avoir recommandé la vaccination pour les personnes de plus de 65 ans, le ministère de la Santé a décidé de les exclure du dispositif après la survenue de trois événements indésirables graves, dont un décès. Nous revenons sur la mise en garde d’une scientifique, en mars 2025, qui alertait sur ce scénario.

La vaccination contre le chikungunya a été officiellement recommandée à La Réunion et Mayotte le 5 mars dernier[1] pour les 65 ans et plus et les adultes de moins de 65 ans à risque n’ayant jamais contracté la maladie, mais la campagne n’a officiellement démarré que le 7 avril.
Le 26 avril, soit moins de trois semaines plus tard, les autorités sanitaires ont finalement décidé d’exclure les personnes de plus de 65 ans[2], après la découverte de trois événements indésirables (EIG) graves, dont un décès.
Aucune mesure similaire n’a été prise pour les personnes à risque âgées de 18 à 64 ans, ce que réclament aujourd’hui certains professionnels de santé, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) et le président de l’Ordre des pharmaciens de La Réunion ayant appelé leurs confrères à ne plus vacciner aucun patient pour le moment.
Létalités comparées du vaccin et du virus
Le vaccin n’est proposé gratuitement qu’aux personnes ciblées par la recommandation, son coût étant en moyenne de 180 € pour celles qui ne sont pas éligibles au dispositif. L’île, où 36 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, ne dénombrait ainsi que 3 000 patients vaccinés à la date du 24 avril, ce qui implique un taux de létalité vaccinale de 0,03 %.
À titre de comparaison, le virus aurait causé la mort de 9 personnes à La Réunion depuis le classement du territoire en situation épidémique le 13 janvier. Il n’est en revanche pour l’heure associé à aucun décès à Mayotte. Selon Santé publique France, 9 autres décès sont en cours d’investigation à La Réunion. Plus de 39 000 cas ont par ailleurs été recensés sur l’île, ce qui représente un taux de létalité compris entre 0,023 % et 0,046 %.
Le rétropédalage de la HAS
Le vaccin utilisé est le vaccin Ixchiq, du laboratoire Valvena. Il est le seul à bénéficier à ce jour d’une autorisation de mise sur le marché (AMM). Dans son avis du 25 avril[3], la HAS évoque des « incertitudes » sur sa sécurité, l’amenant à réévaluer sa balance bénéfices/risques. Elle écrivait pourtant 5 mars que les données de sécurité disponibles sont « suffisantes pour émettre une recommandation à des populations à risque de formes graves et/ou chroniques, pour lesquelles le bénéfice attendu est important ».
La lecture détaillée de la recommandation révèle toutefois d’importantes réserves qui ne sont pas reflétées dans la communication gouvernementale. L’avis du 5 mars précise qu’il est urgent de « conduire des études en vie réelle permettant de documenter l’efficacité et la sécurité du vaccin Ixchiq en population générale ». Dans l’avis de remboursement émis le 19 mars[4], l’agence estimait que le vaccin Ixchiq apporte une « amélioration du service médical rendu mineure » compte tenu de :
- l’absence de données d’efficacité contre les infections, les formes symptomatiques, les hospitalisations et les décès ;
- les incertitudes concernant la durée de protection vaccinale.
Le dossier d’AMM[5] rappelle la nécessité d’obtenir sur ce principe des données d’efficacité, notamment chez les patients sujets à un chikungunya chronique (p. 260), considérés comme les plus à risque, mais paradoxalement exclus des essais cliniques (p. 56).
Deux études sont prévues (VLA1553-402 et VLA1553-404) afin d’évaluer l’efficacité et la sécurité du vaccin, mais la faisabilité de l’étude VLA1553-402 au Brésil est présentée comme incertaine dans le dossier d’AMM (p. 154). Il n’existe pas non plus de donnée concernant les « patients fragiles présentant des troubles cliniques aigus ou progressifs, instables ou non contrôlés, par exemple des troubles cardiovasculaires, respiratoires, neurologiques, psychiatriques ou rhumatologiques » (p. 251), qui sont pourtant la cible prioritaire de la recommandation de la HAS.
Ces décès étaient-ils prévisibles ?
Oui, selon le Dr Hélène Banoun, pharmacien biologiste, anciennement chargée de recherche à l’institut français de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Le 5 mars, elle alertait sur le fait que le vaccin Ixchiq est susceptible de favoriser les formes graves de la maladie par le phénomène de facilitation/aggravation due aux anticorps (ADE) si le taux d’anticorps produits n’est pas suffisant. Ce phénomène a été largement décrit pour le vaccin Dengvaxia contre la dengue mais également pour les vaccins anti-COVID. Ainsi, un patient vacciné est susceptible de développer une forme grave ou fatale de la maladie même en l’absence de comorbidités.
Elle rappelle que la co-infection par le virus de la dengue, qui sévit actuellement à La Réunion, peut aggraver la maladie (Taraphdar et al.)[6]. Le vaccin Ixchiq étant un vaccin à virus vivant atténué, il est en effet théoriquement capable de se réactiver en virus pathogène et de se recombiner avec des virus sauvages circulants.
Le dossier d’évaluation sur la base duquel l’AMM a été accordée au Ixchick mentionne un taux 20 fois plus élevé d’effets indésirables de type « chickungunya-like » chez les participants vaccinés, ce qui suggère que les patients vaccinés ont exprimé la maladie. Il est classé dans le dossier d’AMM parmi les problèmes de sécurité, soulevés par le vaccin, comme « risque important identifié » (p. 251).
Autres risques identifiés lors des essais cliniques
Les auteurs de l’étude[7] sur la base de laquelle le vaccin Ixchiq sont tous des employés de Valneva, le laboratoire qui fabrique le vaccin. La déclaration de liens d’intérêts a le mérite d’être honnête, elle précise qu’ils détiennent tous des stock options de la société…
L’essai a exclu les personnes qui avaient déjà contacté le Chikungunya ou qui présentaient des troubles articulaires d’origine immunologique, évocateurs d’une possible infection en cours, rendant impossible l’évaluation du phénomène ADE.
L’efficacité du vaccin a été évaluée seulement en mesurant le taux d’anticorps et non son efficacité à protéger de la maladie. L’essai incluait 3 093 participants dans le groupe « vaccinés » : 358 n’ont pas terminé l’essai (12 %), et donc n’ont jamais été étudiés (voir la figure 1 de l’étude). Dix patients initialement inclus n’ont finalement pas été vaccinés.
Des EIG ont été observés chez 1,5 % des participants, dont deux ont été attribués au vaccin, mais des effets indésirables non attendus ont été observés chez 30 % des participants vaccinés dans les trois mois suivant l’injection contre 24 % des patients du groupe « placebo », ce qui représente un taux d’effets secondaires supérieur de 25 % dans le groupe vacciné ; 9,8 % de ces effets indésirables ont été attribués au vaccin. Un décès a été déclaré dans l’étude.
Parmi les effets indésirables de fréquence supérieure à 0,2 %, sont répertoriés les effets suivants :
- infections ;
- empoisonnement ;
- désordres psychiatriques ;
- désordres cardiaques.
Aucune donnée de sécurité à long terme ou en cas de co-administration avec d’autres vaccins n’est par ailleurs disponible.
Existe-t-il des traitements alternatifs au vaccin ?
Le dossier d’AMM rappelle qu’il n’existe aucun traitement approuvé, ce qui est une condition sine qua non pour autoriser un vaccin sans donner d’efficacité et de sécurité minimales. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) mentionne dans sa fiche de 2016 « un certain nombre » de traitements ayant montré une efficacité in vitro : ribavirine, interféron, chloroquine… Ils n’ont à notre connaissance fait l’objet d’aucun essai clinique.
Les autorités de santé recommandent en revanche depuis 2008 de ne pas utiliser de chlorure de magnésium, dont la prise inconsidérée entraînerait des diarrhées. Cette mise en garde fait référence à un événement survenu pendant l’épidémie de chikungunya de 2006, où une élue locale, Marie Billi, est intervenue personnellement pour signaler à la population réunionienne l’efficacité potentielle de cette molécule, dont elle avait expérimenté les effets sur plusieurs virus.
Elle relate cette séquence dans une interview où elle explique que la prise du traitement s’accompagne généralement d’une résolution des symptômes en 12 à 48 heures. Elle évoque également les menaces reçues de la part du ministre de la Santé de l’époque, Xavier Bertrand.
Son message a été posté le 2 mars (semaine 9) puis a été massivement relayé sur l’île, où l’incidence de la maladie a été pratiquement divisée par deux la semaine 10. Fin juin, soit 15 mois après l’apparition des premiers cas et moins de 3 mois après son intervention, l’épidémie était considérée comme tarie.
Un ressaisissement de la pharmacovigilance ?
On peut choisir de voir le verre à moitié plein, et se réjouir de la rapidité de la décision des autorités, puisque l’avis de la HAS a été émis le jour même du décès du patient réunionnais et après la confirmation de seulement 9 cas d’EIG dans le monde, dont 6 aux États-Unis. On peut a contrario le voir à moitié vide et regretter que de telles mesures n’aient pas été prises concernant le COVID, où le système de pharmacovigilance américain recense à lui seul 38 541 décès et 220 494 événements indésirables graves associés au COVID, potentiellement sous-notifié d’un facteur 100, soit 78 % des décès et 70 % des EIG enregistrés après un vaccin en 35 ans.
Le phénomène ADE suspecté avant l’homologation du vaccin Comirnaty est en effet aujourd’hui largement documenté, les propres données cliniques de Pfizer, qui n’ont pu être publiées qu’en 2021 après un combat judiciaire épique, révélant une immunosuppression dans les 7 jours suivant la première injection. Or non seulement les autorités sanitaires n’en ont tenu compte à aucun moment, mais elles ont intégré ce risque dans la définition du statut vaccinal, puisque les personnes primoinjectées n’ont été considérées comme vaccinées qu’à l’issue d’une période de 14 jours.
C’est dans cette sordide manipulation que se trouve l’origine du concept de « pandémie de non-vaccinés » et de la dissimulation de la probable noria de décès postvaccinaux.
Références
[1] HAS. Épidémie de chikungunya : quelle stratégie vaccinale à La Réunion et à Mayotte ? 2025 Mar 5. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3594168/fr/epidemie-de-chikungunya-quelle-strategie-vaccinale-a-la-reunion-et-a-mayotte.
[2] Ministère en charge de la santé. Les autorités sanitaires retirent les personnes de 65 ans et plus des cibles de la campagne de vaccination contre le chikungunya avec le vaccin IXCHIQ à La Réunion et à Mayotte. 2025 Apr 26. https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/les-autorites-sanitaires-retirent-les-personnes-de-65-ans-et-plus-des-cibles-de.
[3] HAS. Avis no 2025.0022/DC/SESPEV du 25 avril 2025 du collège de la Haute Autorité de santé portant réévaluation de la recommandation relative au vaccin IXCHIQ suite à des signalements de pharmacovigilance. 2025 Apr 25. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2025-04/avis_25_avril_2025_reevaluation_ixchiq.pdf.
[4] HAS. Vaccin contre le chikungunya, vivant, atténué IXCHIQ. 2025 Mar 19. https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-21219_IXCHIQ_PIC_INS_AvisDef_CT21219.pdf.
[5] EMA. Assessment report. Ixchiq Common name: Chikungunya vaccine (live). Procedure No. EMEA/H/C/005797/0000 2024 May 30. https://www.ema.europa.eu/en/documents/assessment-report/ixchiq-epar-public-assessment-report_en.pdf.
[6] Taraphdar D, Singh B, Pattanayak S, Kiran A, Kokavalla P, Alam MF, et al. Comodulation of dengue and chikungunya virus infection during a coinfection scenario in human cell lines. Front Cell Infect Microbiol. 2022 Apr 28;12:821061. https://doi.org/10.3389/fcimb.2022.821061.
[7] Schneider M, Narciso-Abraham M, Hadl S, McMahon R, Toepfer S, Fuchs U, et al. Safety and immunogenicity of a single-shot live-attenuated chikungunya vaccine: a double-blind, multicentre, randomised, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet. 2023 Jun 24;401(10394):2138-2147. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(23)00641-4.