Coulisses Ukraine

Équipe Le Point Critique | 09 avril 2025

Le partenariat secret entre l’Ukraine et les États-Unis dévoilé par le New York Times

Une enquête du New York Times parue le 29 mars dévoile les coulisses du partenariat militaire secret conclu en 2022 entre Kiev et Washington. L’Ukraine y est présentée comme le « proxy » d’une guerre livrée sur son sol par les Américains, auxquels elle se contente, depuis 2022, de fournir deux éléments clés : les hommes et le prétexte à un affrontement programmé entre l’OTAN et la Russie.

Joe Biden et Volodymyr Zelensky planifiant la guerre en Ukraine sur un échiquier
© Grok

Depuis le début du conflit russo-ukrainien, le soutien américain à l’Ukraine se limite officiellement à l’envoi d’armement militaire, évalué à 66,5 milliards de dollars par le Pentagone. Une enquête du New York Times, publiée il y a quelques jours (voir le récit complet ici) révèle un partenariat secret beaucoup plus étendu, où le rôle des États-Unis a consisté à « guider la stratégie de combat à grande échelle et à canaliser des informations de ciblage précises vers les soldats ukrainiens sur le terrain ». Autrement dit, les Américains ont été depuis trois ans les yeux et le cerveau de Kiev dans un conflit dont les pertes humaines sont estimées, côté occidental, à plus d’un million :

L’Amérique a été mêlée à la guerre de manière beaucoup plus intime et étendue qu’on ne le pensait jusqu’à présent. À certains moments critiques, le partenariat a constitué l’épine dorsale des opérations militaires ukrainiennes qui, selon les estimations américaines, ont tué ou blessé plus de 700 000 soldats russes (l’Ukraine a chiffré le nombre de ses victimes à 435 000). Côte à côte, dans le centre de commandement de Wiesbaden, les officiers américains et ukrainiens ont planifié les contre-offensives de Kiev. Un vaste effort de collecte de renseignements américains a permis d’orienter la stratégie de combat à grande échelle et de transmettre des informations de ciblage précises aux soldats ukrainiens sur le terrain.

Un chef du renseignement européen se souvient avoir été surpris d’apprendre à quel point ses homologues de l’OTAN s’étaient impliqués dans les opérations ukrainiennes. « Ils font désormais partie de la chaîne d’exécution », a-t-il déclaré.

En février dernier, le New York Times avait documenté le rôle joué par la CIA en Ukraine, où l’Agence aurait financé douze bases à proximité de la frontière russe depuis 2014. L’ancien secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, avait de son côté tenu à rectifier, début janvier, la chronologie réelle du soutien apporté par les États-Unis à Kiev. Dès septembre 2021, Washington aurait commencé à armer l’Ukraine en prévision de l’offensive russe, ce qui aurait permis de déjouer l’assaut des forces armées russes sur la capitale ukrainienne dans les premiers jours de l’invasion.

Le quotidien américain explique comment cette collaboration s’est transformée en un partenariat stratégique, fondé sur le renseignement et la planification. Mis en place dès le début du conflit, il aurait évolué dans l’ombre à partir de 2022 pour devenir « l’arme secrète de ce que l’administration Biden a présenté comme son effort pour sauver l’Ukraine et protéger l’ordre menacé de l’après-Seconde Guerre mondiale ».

Le New York Times explique également tout au long de l’article comment l’administration démocrate a louvoyé pour présenter ce soutien comme une simple collaboration et non comme une implication totale des États-Unis dans le conflit, démontrant la sophistication du mensonge occidental sur la légalité de l’intervention de l’OTAN.

Délocalisation du commandement militaire américain en Allemagne

Des renseignements stratégiques incluant les coordonnées des forces terrestres russes ont été fournis depuis la base américaine Lucius D. Clay Kazerne à Wiesbaden, en Allemagne. C’est ici que se serait établi le centre opérationnel du partenariat entre Kiev et Washington, piloté depuis les États-Unis, et dont la vocation officielle était de guider les Ukrainiens pour l’utilisation de leurs missiles longue portée. L’opération, appelée Task Force Dragon, se cantonnait théoriquement à la transmission d’informations stratégiques et à la formation des Ukrainiens « pour les guider dans le déploiement de leur arsenal ». En pratique, elle a consisté, en un pilotage stratégique, avec une recherche active de « cibles » présentées comme de simples « points d’intérêt » afin que les États-Unis ne soient pas considérés légalement comme nation cobelligérante :

Chaque matin, les officiers militaires américains et ukrainiens fixent des priorités de ciblage – unités russes, équipements ou infrastructures. Les agents du renseignement américain et de la coalition ont fouillé des images satellites, des émissions radio et intercepté des communications pour trouver des positions russes. Task Force Dragon a ensuite donné aux Ukrainiens les coordonnées afin qu’ils puissent leur tirer dessus.

Les responsables militaires craignaient qu’il ne soit indûment provocateur d’appeler les cibles « cibles ». Au lieu de cela, ils étaient appelés « points d’intérêt ».

Supervision de l’ensemble des tirs d’artillerie ukrainiens depuis le printemps 2022

Les États-Unis ont joué un rôle clé dans l’évolution du rapport de force sur le terrain. Dès le printemps 2022, après la décision de l’administration Biden de livrer à Kiev des systèmes d’artillerie à haute mobilité (HIMARS) utilisant des roquettes guidées par satellite, la Task Force Dragon a « contrôlé et supervisé pratiquement toutes les frappes HIMARS ». Le New York Times estime que ce soutien a été à l’origine d’importantes pertes humaines côté russe et d’un succès de la contre-offensive ukrainienne – au demeurant très contesté. L’article contredit donc le président Volodomyr Zelensky qui évoquait il y a quelques semaines, dans le bureau Ovale, la solitude de l’Ukraine face à l’armée russe.

Planification d’attaques meurtrières sur le territoire russe, au-delà de la ligne de front

L’enquête du New York Times fait voler en éclats la rhétorique élyséenne en confirmant explicitement la position du Kremlin :

Dès le début, les responsables de l’administration ont cherché à fixer une ligne rouge : l’Amérique ne combattait pas la Russie, elle aidait l’Ukraine. Pourtant, ils craignaient que les mesures prises à cette fin n’incitent M. Poutine à attaquer des cibles de l’OTAN ou à mettre ses menaces nucléaires à exécution. Alors même que l’administration développait une tolérance au risque toujours plus grande pour aider l’Ukraine à faire face à l’évolution de la menace, nombre des mesures potentiellement les plus provocatrices ont été prises en secret.

Comment ? Là encore, Washington avait pleinement conscience d’agir hors du cadre revendiqué par l’OTAN, et a usé d’astuces sémantiques pour maintenir l’illusion de la légalité de son action :

  • Une trentaine de conseillers militaires américains, présentés comme de simples « experts » ont été déployés à Kiev et ont été autorisés à se rendre dans les postes de commandement ukrainiens sur la ligne de front.
  • La marine américaine a guidé les frappes de drones ukrainiens contre des navires de guerre russes situés au-delà des eaux territoriales de la Crimée, notamment dans le port de Sébastopol, après l’annexion de la région par la Russie.
  • Des officiers américains et ukrainiens ont planifié conjointement en janvier 2024 la campagne « Opération Grêle lunaire » utilisant des missiles longue portée et des drones ukrainiens pour attaquer des cibles militaires russes en Crimée.

Participation du Pentagone et de la CIA à des frappes en Russie

L’administration Biden a autorisé au printemps 2024 la création d’une « zone d’opérations » située en territoire russe, à l’intérieur de laquelle les officiers américains basés à Clay Kazerne pouvaient fournir aux Ukrainiens des coordonnées précises.

Elle a ainsi enfreint un tabou historique en autorisant la CIA à fournir des renseignements sur des cibles implantées en territoire russe, en l’occurrence sur un entrepôt de munitions situé à près de 500 km de la frontière ukrainienne, qui a été dévasté en septembre 2024 par une attaque massive de drones.

L’ingérence des Américains, perçus comme « autoritaires et contrôlants », dans la stratégie ukrainienne est décrite par le New York Times comme un facteur décisif de l’échec de la contre-offensive de 2023, conçue et planifiée par les Américains, mais qui s’est heurtée à la rivalité entre les cadres de l’armée ukrainienne. Volodymyr Zelensky a choisi de s’émanciper du plan américain, approuvé par le général Valery Zaluzhny, en soutenant la stratégie de son subordonné, le colonel général Oleksandr Syrsky. La contre-offensive s’est soldée par un fiasco, symbolisé par la perte de la ville de Bakhmut, mais imputé à une interception des plans de l’attaque par la Russie.

L’article est un camouflet pour les Occidentaux, et notamment pour l’Élysée dont l’actuel occupant qualifiait le 6 mars de « mauvais conte » l’analyse du conflit par le nouveau secrétaire d’État américain, Marco Rubio, selon laquelle le conflit russo-ukrainien serait une guerre par procuration entre l’Amérique et la Russie. Emmanuel Macron, qui présentant l’Ukraine comme le simple proxy d’un affrontement entre les États-Unis à la Russie.

Le partenariat a fonctionné dans l’ombre de la peur géopolitique la plus profonde, celle que M. Poutine considère comme une violation de la ligne rouge de l’engagement militaire et qu’il mette à exécution ses menaces nucléaires souvent brandies. L’histoire du partenariat montre à quel point les Américains et leurs alliés se sont parfois rapprochés de cette ligne rouge, comment des événements de plus en plus graves les ont contraints – trop lentement, selon certains – à l’avancer sur un terrain plus périlleux et comment ils ont soigneusement élaboré des protocoles pour rester du côté sûr de cette ligne.

À maintes reprises, l’administration Biden a autorisé des opérations clandestines qu’elle avait auparavant interdites. Des conseillers militaires américains ont été envoyés à Kiev, puis autorisés à se rendre au plus près des combats. Des officiers militaires et de la CIA à Wiesbaden ont aidé à planifier et à soutenir une campagne de frappes ukrainiennes en Crimée annexée par la Russie. Enfin, l’armée, puis la CIA, ont reçu le feu vert pour permettre des frappes ciblées à l’intérieur même de la Russie.

D’une certaine manière, l’Ukraine a été, sur un plan plus large, un remake de la longue histoire des guerres par procuration entre les États-Unis et la Russie – le Viêt Nam dans les années 1960, l’Afghanistan dans les années 1980, la Syrie trois décennies plus tard.

Peut-on être plus clair ?

L’article révèle également que des commandos britanniques lourdement armés, munis de passeports diplomatiques, étaient présents dans la capitale ukrainienne deux mois après le début du conflit. Ce sont eux qui ont escorté les généraux ukrainiens jusqu’à Wiesbaden pour organiser ce partenariat dans la plus parfaite opacité.

Emmanuel Macron pouvait-il ignorer son existence ? Quelle que soit la réponse, elle est de toute manière accablante.

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