Un autre regard
Un média américain contredit le récit occidental de la guerre en Ukraine
« Malheureusement, Trump a raison sur l’Ukraine. » Un professeur américain réduit en cendres, dans les colonnes du journal The Hill, la rhétorique occidentale concernant les origines du conflit russo-ukrainien.

Le soutien occidental à l’Ukraine repose sur un consensus si puissant qu’il n’est plus permis de le contester en Europe : le conflit russo-ukrainien a été provoqué unilatéralement par la Russie dont les ambitions impérialistes menacent aujourd’hui le continent européen. Cette chronologie est rappelée par Emmanuel Macron à chaque prise de parole pour justifier la légalité de l’engagement de la France dans le conflit. Elle l’a été lors de son allocution le 5 mars, où il s’agissait de formater le consentement des Français à l’effort de guerre programmé depuis deux ans, et à nouveau le lendemain, en clôture du sommet européen sur la défense :
Je crois d’abord que cette guerre a été déclenchée de manière unilatérale par la Russie. Il n’y avait aucune volonté ni de l’OTAN, ni de quelque allié, ni des Européens de menacer la sécurité de la Russie à travers l’Ukraine. Et je peux vous le dire, et aucun de mes prédécesseurs d’ailleurs ne dirait le contraire, nous avons toujours veillé à cela. Et lorsque des propositions sont venues par exemple pour étendre l’OTAN, c’est la France et l’Allemagne qui l’ont rejeté en 2008 à Bucarest. Et ça n’a plus été ensuite réenvisagé. Et donc est-ce que ces dernières années, il y avait une forme de de pression, de tension, de projet, comme j’entends parfois, d’extension, qui aurait justifié une réaction russe, c’est faux. Ceci est un conte, un mauvais conte. Il n’y a qu’un agresseur, il est russe.
Jamais une évidence n’a suscité un besoin aussi fort de justifier les faits qu’elle est supposée refléter. Ce paradoxe n’est jamais souligné, pourtant il suffirait presque à invalider le récit dont Emmanuel Macron s’efforce de convaincre les Français pour qu’ils consentent docilement, comme il y a cinq ans, à un nouveau sacrifice.
Le journal The Hill publie aujourd’hui l’analyse d’Alan J. Kuperman, docteur en sciences politiques (MIT), professeur à l’École des affaires publiques de Johnson (LBJ School of Public Affairs, Université du Texas, Austin), concernant ce mensonge originel. Elle confirme notre analyse, détaillée dans un précédent article :
Je suis rarement d’accord avec le président Trump, mais ses dernières déclarations controversées sur l’Ukraine sont en grande partie vraies. Elles semblent absurdes uniquement parce que le public occidental a été nourri d’un régime régulier de désinformation sur l’Ukraine pendant plus d’une décennie. Il est temps de rétablir la vérité sur trois points essentiels qui expliquent pourquoi les Ukrainiens et l’ancien président Joe Biden – et pas seulement le président russe Vladimir Poutine – portent une responsabilité importante dans le déclenchement et la perpétuation de la guerre en Ukraine.
Kuperman AJ. Sadly, Trump is right on Ukraine. The Hill. 2025 Mar 18. https://thehill.com/opinion/5198022-ukraine-conflict-disinformation/.
Le coup d’État de Maïdan fomenté par l’Occident avec le soutien de milices néonazies
Selon le Pr Kuperman, les manifestations survenues en Ukraine en 2013-2014 dans le cadre de l’Euromaïdan ont été orchestrées par les États-Unis et l’Union européenne dans le but de renverser le gouvernement prorusse en place. Des militants d’extrême droite ont été utilisés afin d’attiser les violences, provoquant la chute de l’ancien président et poussant Moscou à intervenir en Crimée et dans le Donbass pour protéger les populations russophones ciblées par le nouveau régime.
Un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), rendu le 13 mars dernier, vient de confirmer cette version. Il dénonce le refus de l’administration ukrainienne d’enquêter sur les raisons pour lesquelles rien n’a été fait en 2014 pour empêcher le massacre d’Odessa, les pompiers ayant été empêchés d’intervenir pour sauver des flammes des manifestants russes dont 42 ont péri brûlés vifs dans la tristement célèbre Maison des syndicats :
Premièrement, comme l’ont récemment démontré[1] des preuves médico-légales accablantes[2], et comme l’a même confirmé un tribunal de Kiev[3], ce sont des militants ukrainiens d’extrême droite qui ont déclenché les violences en 2014 qui ont provoqué l’invasion initiale par la Russie du sud-est du pays, y compris de la Crimée. À l’époque, l’Ukraine avait un président pro-russe, Viktor Yanukovych, qui avait remporté des élections libres et équitables[4] en 2010 avec un fort soutien de la part des Russes ethniques du sud-est du pays.
En 2013, il a décidé de poursuivre la coopération économique avec la Russie plutôt qu’avec l’Europe[5] comme prévu précédemment. Les militants pro-occidentaux ont réagi en occupant de manière essentiellement pacifique la place Maidan de la capitale et les bureaux du gouvernement, jusqu’à ce que le président finisse par offrir des concessions substantielles à la mi-février 2014, après quoi ils se sont pour la plupart retirés[6].
À ce moment-là, cependant, des militants d’extrême droite[7] surplombant la place ont commencé à tirer sur la police ukrainienne et sur les manifestants restants. La police a riposté en tirant sur les militants, qui ont alors prétendu à tort que la police avait tué les manifestants non armés. Outrés par ce prétendu massacre gouvernemental, les Ukrainiens sont descendus dans la capitale et ont démis de ses fonctions le président[8], qui s’est réfugié en Russie pour se protéger.
Poutine a réagi en déployant des troupes en Crimée et des armes dans le sud-est de la région du Donbas, au nom des Russes ethniques qui estimaient que leur président avait été renversé de manière non démocratique. Si cette histoire ne justifie pas l’invasion de la Russie, elle explique qu’elle n’a pas été « non provoquée ».
Kuperman AJ. Sadly, Trump is right on Ukraine. The Hill. 2025 Mar 18. https://thehill.com/opinion/5198022-ukraine-conflict-disinformation/.
La violation des accords de Minsk par l’Ukraine
Washington fait pression depuis les années 1990 pour étendre l’OTAN jusqu’aux portes de la Russie, contrairement aux engagements pris à la fin de la guerre froide. En cherchant à obtenir à tout prix une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et une aide militaire de la part de l’Alliance, Zelensky ne fait que raviver les tensions avec la Russie et piétiner de facto les accords de paix signés dans le cadre du protocole de Minsk. Selon d’Alan J. Kuperman et conformément aux déclarations d’Angela Merkel et de François Hollande, c’est bien l’Ukraine qui a violé les accords de Minsk :
Deuxièmement, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a contribué à une guerre plus large en violant les accords de paix avec la Russie et en cherchant à obtenir l’aide militaire et l’adhésion à l’OTAN. Les accords, connus sous le nom de Minsk 1 et 2, avaient été négociés sous la direction de son prédécesseur, le président Petro Porochenko, en 2014 et 2015, pour mettre fin aux combats dans le sud-est et protéger les troupes menacées.
L’Ukraine devait garantir au Donbas une autonomie politique limitée pour la fin de l’année 2015, ce que Poutine estimait suffisant pour empêcher l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN ou de servir de base militaire à cette organisation. Malheureusement, l’Ukraine a refusé[9] pendant sept ans de respecter cet engagement.
Zelensky a même fait campagne en 2019[10] sur la promesse de mettre enfin en œuvre les accords pour empêcher une nouvelle guerre. Mais après avoir été élu, il est revenu sur sa promesse, apparemment moins préoccupé par le risque de guerre que par l’idée de paraître faible[11] face à la Russie.Au lieu de cela, Zelensky a augmenté les importations d’armes en provenance des pays de l’OTAN, ce qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour Poutine. Le 21 février 2022, la Russie a donc reconnu l’indépendance du Donbas, y a déployé des troupes pour le « maintien de la paix » et a exigé[12] de M. Zelensky qu’il renonce à sa demande d’assistance militaire et d’adhésion à l’OTAN.
Face au nouveau refus de Zelensky, Poutine a massivement étendu son offensive militaire[13] le 24 février. Intentionnellement ou non, Zelensky avait provoqué l’agression russe, ce qui n’excuse évidemment pas les crimes de guerre commis par Moscou par la suite.
Kuperman AJ. Sadly, Trump is right on Ukraine. The Hill. 2025 Mar 18. https://thehill.com/opinion/5198022-ukraine-conflict-disinformation/.
Le jeu criminel de l’administration Biden
Joe Biden avait le pouvoir de contraindre Zelensky à respecter les accords de Minsk, il l’a encouragé à s’entêter dans sa folie guerrière en le berçant d’illusions sur une hypothétique adhésion de l’Ukraine à l’OTAN à laquelle il n’était in fine pas favorable :
Troisièmement, Joe Biden a lui aussi contribué de manière cruciale à l’escalade et à la perpétuation des combats. Fin 2021, lorsque Poutine a mobilisé des forces à la frontière de l’Ukraine et exigé la mise en œuvre des accords de Minsk, il semblait évident que si Zelensky ne cédait pas, la Russie envahirait le pays pour au moins former un pont terrestre entre le Donbas et la Crimée.
Étant donné que l’Ukraine dépendait déjà de l’aide militaire américaine, si le président Biden avait insisté pour que Zelensky se conforme à la demande de Poutine, cela se serait produit. Au lieu de cela, M. Biden a lamentablement laissé la décision à M. Zelensky et s’est engagé à ce que, en cas d’invasion russe, les États-Unis réagissent « de manière rapide et décisive »[14], ce que M. Zelensky a interprété comme un feu vert pour défier M. Poutine.
Si Trump avait été président, il n’aurait probablement pas donné un tel blanc-seing, de sorte que Zelensky n’aurait eu d’autre choix que de mettre en œuvre les accords de Minsk pour éviter la guerre. Même si Zelensky avait refusé et provoqué l’invasion de la Russie, Trump lui aurait refusé un droit de veto sur les négociations de paix, que Biden a imprudemment accordé en déclarant[15] : « Il n’y a rien sur l’Ukraine sans l’Ukraine. »
Cette promesse a tragiquement enhardi l’Ukraine à prolonger la guerre dans l’attente d’une aide militaire américaine décisive, que Biden a ensuite refusé de fournir par crainte d’une escalade nucléaire. M. Biden a ainsi suscité de faux espoirs[16] en Ukraine, perpétuant inutilement une guerre qui a fait des centaines de milliers de morts et de blessés rien qu’au cours des deux dernières années, durant lesquelles les lignes de front se sont déplacées de moins de 1 %.
Kuperman AJ. Sadly, Trump is right on Ukraine. The Hill. 2025 Mar 18. https://thehill.com/opinion/5198022-ukraine-conflict-disinformation/.
La conclusion du Pr Kuperman est conforme à ce qui se murmure dans les chancelleries du monde entier non alignées sur les intérêts de l’OTAN :
Les grandes lignes d’un accord visant à mettre fin aux combats sont évidentes, même si les détails restent à négocier, comme Trump et Poutine ont commencé à le faire aujourd’hui lors d’un appel téléphonique. La Russie continuera d’occuper la Crimée et d’autres parties du sud-est, tandis que le reste de l’Ukraine ne rejoindra pas l’OTAN mais obtiendra des garanties de sécurité de la part de certains pays occidentaux. Ce qui est triste, c’est qu’un tel plan aurait pu être réalisé il y a au moins deux ans si le président Biden avait conditionné l’aide militaire à la négociation d’un cessez-le-feu par Zelensky.
Plus tragique encore, quel que soit l’accord de paix qui émergera après la guerre, il sera pire pour l’Ukraine que les accords de Minsk que Zelensky a stupidement abandonnés en raison de ses ambitions politiques et de son attente naïve d’un soutien américain sans faille.
Kuperman AJ. Sadly, Trump is right on Ukraine. The Hill. 2025 Mar 18. https://thehill.com/opinion/5198022-ukraine-conflict-disinformation/.
Cette version des faits est si facilement vérifiable que l’on comprend pourquoi la fin du conflit, qui devrait permettre l’apaisement des esprits, le retour du droit et de la vérité historique, est inenvisageable pour ceux qui s’évertuent à la réécrire. L’enjeu n’est toutefois plus de justifier moralement un soutien à l’Ukraine, mais de précipiter la France dans une spirale d’endettement qui conduira à sa dissolution dans un magma de nations sous perfusion européenne. Comment les Français jugeront-ils demain les responsables politiques qui cautionnent ce mensonge et accompagnent la folie de leur président, dont le monde entier a compris qu’il œuvrait pour la guerre et non pas pour la paix ? C’est l’enjeu historique du moment que nous vivons. Il se résume pour l’instant à une séquence médiatique (certains n’y voient qu’une énième gesticulation pour tenter d’exister sur la scène internationale), mais la loi de programmation militaire 2024-2030 permettra demain un retour brutal à la réalité si Emmanuel Macron décide qu’il y va de sa survie politique de la mettre en application.
Références
[1] Katchanovski I. The “snipers’ massacre” on the Maidan in Ukraine. Cogent Social Sciences. 2023 Oct 16;9:2. https://ssrn.com/abstract=4628852.
[2] Katchanovski I. The Maidan massacre in Ukraine: The mass killing that changed the world. New York: Palgrave McMillan; 2024. https://doi.org/10.1007/978-3-031-67121-0.
[3] Katchanovski I. Buried trial verdict confirms false-flag Maidan massacre in Ukraine. Canadian Dimension. 2024 Feb 20. https://canadiandimension.com/articles/view/buried-trial-verdict-confirms-false-flag-maidan-massacre-in-ukraine-2024.
[4] Pan PP. International observers say Ukrainian election was free and fair. The Washington Post. 2010 feb 9. https://www.oscepa.org/en/news-a-media/press-releases/press-2010/international-observers-say-ukrainian-election-was-free-and-fair.
[5] Traynor I, Grytsenko O. Ukraine suspends talks on EU trade pact as Putin wins tug of war. The Guardian. 2013 Nov 21. https://www.theguardian.com/world/2013/nov/21/ukraine-suspends-preparations-eu-trade-pact.
[6] Balmforth R. Protesters in Ukraine end two-month occupation of Kiev’s city hall. The Wahington Post. 2014 Feb 16. https://www.washingtonpost.com/world/europe/protesters-in-ukraine-end-two-month-occupation-of-kievs-city-hall/2014/02/16/02f90bc8-974a-11e3-9616-d367fa6ea99b_story.html.
[7] Katchanovski I. The Maidan massacre in Ukraine: The mass killing that changed the world. New York: Palgrave McMillan; 2024. https://doi.org/10.1007/978-3-031-67121-0.
[8] Rubie K. Ukraine leader flees capital as clashes continue. PBS News. 2014 Feb22. https://www.pbs.org/newshour/world/yanukovych-cries-coup-ukraine.
[9] Duncan A. The Minsk Conundrum: Western policy and Russia’s war in Eastern Ukraine. Chatham House. 2020Dec 17. https://www.chathamhouse.org/2020/05/minsk-conundrum-western-policy-and-russias-war-eastern-ukraine-0/minsk-implementation.
[10] Harding L. Ukraine’s leader stood on platform of peace, but finds himself on brink of war. The Guardian. 2022 Feb 20. https://www.theguardian.com/world/2022/feb/20/ukraines-leader-stood-on-platform-of-peace-but-finds-himself-on-brink-war.
[11] BBC. Ukraine conflict: Anger as Zelensky agrees vote deal in east. 2019 Oct 2. https://www.bbc.com/news/world-europe-49903996.
[12] Sachenkov V. Putin weighs his next move after recognizing Ukraine rebels. The Associated Press. 2022 Feb 22. https://www.yahoo.com/news/putin-weighs-next-move-recognizing-195013328.html.
[13] Al Jazeera. ‘No other option’: Excerpts of Putin’s speech declaring war. 2022 Feb 24. https://www.aljazeera.com/news/2022/2/24/putins-speech-declaring-war-on-ukraine-translated-excerpts.
[14] Bentrand N, Wright J, Judd D, Chance M. Biden tells Ukraine’s Zelensky that US would respond ‘swiftly and decisively’ to any further Russian aggression. CNN. 2022 Feb 13. https://edition.cnn.com/2022/02/13/politics/biden-zelensky-call/index.html.
[15] Sabbagh D, Lorenzo T. CIA director meets Russian counterpart as US denies secret peace talks. The Gardian. 2022 Nov 14. https://www.theguardian.com/world/2022/nov/14/cia-director-meets-russian-counterpart-as-us-denies-secret-peace-talks-ukraine.
[16] Kuperman JA. False hope abroad. The Washington Post. 1998 Jun 13. https://www.washingtonpost.com/archive/opinions/1998/06/14/false-hope-abroad/bedc75b3-eb71-47ee-9f4e-bf3e614b08cf/.