Répétition générale

Équipe Le Point Critique | 14 mars 2025

Coup d’État en Roumanie, un signal d’alerte pour la France ?

La candidature de Călin Georgescu à l’élection présidentielle roumaine a été rejetée définitivement ce mardi par la Cour constitutionnelle. L’annonce a été faite par son président à l’issue du vote. Six jours plus tôt, celui-ci avait rencontré l’ambassadeur de France en Roumanie, alimentant les soupçons d’ingérence européenne dans l’élection.

Câlin Georgescu mars 2025

Le 11 mars dernier, la Cour constitutionnelle roumaine a définitivement exclu de la course à l’élection présidentielle le candidat souverainiste Călin Georgescu, arrivé en tête du premier tour en novembre 2024. Cette décision, tragique pour la démocratie, constitue le énième rebondissement d’une opération de censure amorcée il y a plusieurs mois, où le nom de la France se murmurait sur les réseaux sociaux et où il est aujourd’hui prononcé à voix haute par Călin Georgescu.

Éléments de contexte

L’opération a débuté le 6 décembre 2024, avec l’annulation du scrutin par la Cour constitutionnelle sur la base de soupçons d’ingérence russe, Moscou étant accusée d’avoir financé des influenceurs sur le réseau TikTok pour promouvoir la candidature de Călin Georgescu.

Bien qu’il soit actif depuis 40 ans sur la scène politique roumaine et internationale, Il a été dépeint comme un illustre inconnu par l’ensemble de la presse, notamment Le Monde, qui le présente comme « un admirateur de Vladimir Poutine et un contempteur de l’OTAN et de l’Union européenne » pour expliquer le caractère problématique de sa candidature.

Décembre 2024 : premier coup d’État

La décision d’annuler le premier scrutin est intervenue au lendemain de la publication d’un sondage créditant Călin Georgescu de 58 % des voix, suivie, trois jours plus tard, de la déclassification d’un rapport des renseignements roumains. Y sont invoquées la création de faux comptes ainsi qu’une « utilisation de l’intelligence artificielle » suggérant l’intervention possible d’un État.

Une enquête indépendante basée sur des données fiscales a confirmé cette hypothèse trois semaines plus tard. Mais contre toute attente, elle établit l’ingérence non pas de la Russie, mais du gouvernement roumain, qui aurait cherché à gonfler le score de Călin Georgescu au détriment de la candidate Elena Lasconia (groupe Renew), considérée comme la véritable menace. Il ressort en outre de l’enquête que cette intervention n’a probablement pas été déterminante au regard du nombre limité de comptes concernés.

Autre particularité de l’affaire roumaine, qui est soulignée dans le rapport de la commission de Venise du 27 janvier, la Cour constitutionnelle avait validé les élections le 2 décembre, avant de réviser sa décision le 6 décembre, en s’appuyant sur le rapport des renseignements roumains.

La suite est une mise en scène grotesque.

Mars 2025 : second coup d’État

Le 26 février, la police roumaine interpelle Călin Georgescu alors qu’il s’apprête à déposer sa candidature pour la nouvelle élection, reprogrammée début mai. Libéré quelques heures plus tard, il est mis en examen pour six chefs d’accusation et placé sous contrôle judiciaire strict, incluant l’interdiction de s’exprimer sur les réseaux sociaux, et donc de faire campagne.

Sa candidature a toutefois pu être déposée, avant d’être rejetée dimanche par le Bureau électoral central (BEC) suite à une avalanche de plaintes. Selon le BEC, Câlin Georgescu ne satisferait pas aux exigences démocratiques, car il aurait enfreint « les règles démocratiques d’un suffrage honnête et impartial » en provoquant l’annulation des élections de novembre dernier. Pourtant, son nom n’est pas cité dans l’arrêt rendu le 6 décembre, qui se contente d’incriminer une violation de la loi électorale ayant faussé la sincérité du scrutin.

La Cour constitutionnelle a été saisie le lendemain par l’avocate de Câlin Georgescu, qui dénonce une violation de la Constitution roumaine remettant en cause le droit fondamental de tout citoyen à pouvoir être élu. Le recours a été rejeté mardi soir à l’unanimité, avant l’expiration du délai dont disposait la cour pour se prononcer. L’argument invoqué serait la volonté de la Cour d’anticiper une nouvelle annulation du scrutin. Peut-on être plus clair ?

Bien que cette décision soit historique en Europe, elle n’a surpris personne compte tenu des enjeux qui entourent l’élection. Le Monde en a convenu, mais n’en a tiré aucune conclusion ni aucune indignation : le projet de Câlin Georgescu de faire de son pays une sorte de « Suisse de l’est » n’était sans doute pas compatible avec celui, déjà très avancé, d’implanter aux portes de la Russie, en territoire roumain, la plus grosse base aérienne de l’OTAN.

Suspicions d’ingérence européenne

L’hypothèse que nous émettions il y a quelques semaines, d’une ingérence de Bruxelles médiatisée par le réseau d’influence du milliardaire Gerorge Soros, est renforcée par de nouvelles informations.

La piste George Soros

Selon un communiqué officiel, l’une des plaintes adressées au BEC pour faire interdire la candidature de Câlin Georgescu a été soumise par le Pr Remus Pricopie, recteur de l’École nationale d’études politiques et administratives (SNSPA). La requête s’appuie en apparence sur des arguments impartiaux de droit, mais l’enquête menée par le média Brainless Partisans suggère des motivations beaucoup plus obscures.

Ainsi, le 23 janvier 2020, le milliardaire George Soros a annoncé depuis le Forum économique mondial qu’il allait investir un milliard de dollars dans un projet de réseau d’universités fondé par l’université centrale européenne (CEU), l’Open Society University Network (OSUN). L’OSUN explique sur son site que ses programmes sont développés conjointement avec les Open Society Foundations, présentées comme le principal partenaire philanthropique d’OSUN. La liste des universités partenaires de l’OSUN inclut la SNSPA, qui est également partenaire de la CEU au sein de l’université européenne des sciences sociales (CIVICA).

Plus inquiétant, selon Capital.ro, la SNSPA a recruté en 2020 l’ancien directeur adjoint des services de renseignements roumains (ISR), Florian Coldea. Il a ainsi officié jusqu’en septembre 2024 en tant que professeur au Département des relations internationales et de l’intégration européenne. Le site de la SNSPA mentionne par ailleurs une présentation publique organisée en juillet dernier par Remus Pricopie, dans les locaux de l’université, lors de laquelle il a fait la promotion du livre Superpolitique, publié en juin dernier par George Cristian Maior, dont Pricopie serait un proche.

La fiche auteur d’Amazon présente Maior comme l’homme qui « a coordonné les négociations d’adhésion de la Roumanie à l’OTAN entre 2000 et 2004, avant d’être nommé directeur du service de renseignement roumain ». Les liens de Pricopie avec l’administration américaine sont par ailleurs anciens et extrêmement nourris, comme en atteste son curriculum vitae officiel.

La journaliste Iosefin Pascal rapporte également les pressions exercées par la fondation Avaaz pour tenter de disqualifier Câlin Georgescu. Officiellement engagée dans la défense des droits humains et de l’écologie, l’ONG « citoyenne » mène sous ce prétexte une guerre ouverte contre Donald Trump, et plus généralement contre l’ensemble des partis conservateurs européens (Pologne, Espagne, Italie, Allemagne, France). Elle aurait notamment contraint Facebook à censurer des centaines de pages de contenus et à clôturer des dizaines de comptes en amont des élections européennes de 2019.

L’ONG affirme être « financée à 100 % par ses membres » et ne dépendre d’aucun « grand donateur, fondation, ou groupe d’intérêts », mais deux observatoires (Influence Watch et NGO Monitor) la présentent comme l’un des satellites du réseau d’ONG de George Soros, en raison notamment de ses liens organiques avec le groupe activiste Moveon.org.

L’intervention de l’Élysée ?

Fin février, Iosefin Pascal relatait des contacts rapprochés entre la candidate proeuropéenne Elena Lasconia (groupe Renew), et le gouvernement français, auquel elle aurait demandé d’intervenir dans l’élection, ce qu’Emmanuel Macron a fait en lui affichant publiquement son soutien. Lors d’un plateau télévisé surréaliste, où Elena Lasconia a diffusé un entretien vidéo avec le président français publié sur son compte X, elle lui a exprimé ses remerciements chaleureux ainsi que son engagement à protéger en retour les intérêts économiques de la France en Roumanie. Nous avions l’arme du crime, il nous manquait simplement le mobile…

Iosefin Pascal affirme aujourd’hui que des agents du renseignement extérieur français (DGSE) sont actuellement présents sur le sol roumain, et évoque une rencontre, le 5 mars dernier, entre l’ambassadeur de France en Roumanie, Nicolas Warnery, et le président de la Cour constitutionnelle, Marian Enache.

La première information est invérifiable, mais la seconde est parfaitement documentée. Le site juridique Juridice.ro détaille le contenu des échanges qui se sont tenus lors de cette rencontre qui a porté sur « la défense de l’état de droit, de la démocratie et des valeurs constitutionnelles occidentales ». Le président de la Cour constitutionnelle a livré à cette occasion les arguments au nom desquels la candidature de Călin Georgescu a probablement été jugée incompatible avec sa participation à l’élection :

En dehors de l’état de droit, la démocratie devient anarchique, arbitraire et ne concerne plus les exigences des valeurs et principes constitutionnels de type occidental, fondement de tout régime démocratique. La pénétration du populisme dans les décisions ou décisions d’une cour constitutionnelle est directement proportionnelle à l’affaiblissement de la démocratie d’un État. Les décisions des tribunaux constitutionnels protègent et garantissent la suprématie de la Constitution, qui est le point d’ancrage du maintien d’un État dans les coordonnées fondamentales de la démocratie. Il est nécessaire de publier, au niveau de la nation et des États de l’Union européenne, un ensemble de règles juridiques pour la discipline, la transparence et le contrôle démocratique des nouveaux systèmes et dispositifs d’information afin de prévenir les violations des droits et des libertés. En l’absence de ces règlements, les risques potentiels de l’intelligence artificielle peuvent avoir un impact majeur pour la stabilité du gouvernement, la protection de la souveraineté et de la sécurité des États, ainsi que dans le domaine des droits de l’homme.

Iosefin Pascal a détaillé mercredi, au micro de Clémence Houdiakova (Tocsin), les interventions de la France au cœur de l’État roumain, notamment celles de l’ancien commissaire européen Thierry Breton. Il a récemment revendiqué la paternité de l’annulation de l’élection roumaine en menaçant de reproduire ce procédé dans d’autres pays (« Nous le ferons ») avant d’invoquer un malentendu.

Le nouvel ordre européen

L’éviction de Câlin Georgescu, qui a remercié ironiquement la France pour son ingérence dans le suffrage roumain, n’était semble-t-il que la première étape d’une opération de verrouillage total de la démocratie, qui se structure aujourd’hui en Europe grâce à la création d’outils juridiques permettant de la légaliser au nom de la démocratie et de la liberté d’expression.

Lundi, le parti du gouvernement (Union Save Romania) représenté par Elena Lasconi a déposé une proposition de loi visant à « lutter contre la diffusion de contenus illicites, de discours haineux et d’informations manipulées sur les médias sociaux », calquée sur le modèle de la loi européenne sur les services numériques (DSA), mais qui se veut beaucoup plus répressive  :

La proposition roumaine prévoit des mesures plus strictes et plus concrètes que le DSA :

• La proposition roumaine limite la diffusion de contenus potentiellement préjudiciables à 150 utilisateurs, alors que le DSA n’exige des plateformes qu’une atténuation des risques systémiques.

• La proposition impose un retrait plus rapide des contenus illégaux, dans un délai de 15 minutes. Le DSA se contente d’exiger des plateformes qu’elles agissent « avec diligence », sans fixer de délai.

https://cms-lawnow.com/en/ealerts/2025/03/romania-proposes-stricter-rules-against-harmful-content-on-social-media?format=pdf&v=14

Si cette ingérence de l’Union européenne dans une élection nationale est confirmée, le plus inquiétant est peut-être le refus exprimé par deux fois, à une écrasante majorité, par les parlementaires européens, d’inscrire au débat la question des élections roumaines lors de la séance plénière de lundi. Parmi eux, citons les députés Jean-François Bellamy, Raphaël Glücksman, Nathalie Boyer ou Manon Aubry. Une sorte de blanc-seing donné à la majorité pour qu’elle les muselle demain lors d’un vote national ?

L’alibi parfait pour annuler les élections de 2027 ?

La réponse ne s’est pas fait attendre. Une menace à peine voilée a été formulée le lendemain dans la presse, avec cette annonce cousue de fil blanc : l’exécutif redoute une ingérence de la Russie dans l’élection présidentielle de 2027, qu’il ne pourra pas contrer en raison de l’immaturité législative du DSA. L’information a été relayée le 11 mars sur France Info par l’éditorialiste Renaud Dély, dont chacun pourra apprécier l’honnêteté intellectuelle et l’indépendance journalistique :

Plus récemment, la présidentielle roumaine fait figure de cas d’école. Recalé par la commission électorale, le candidat d’extrême droite Calin Georgescu a fait appel lundi pour participer au nouveau scrutin après l’annulation de celui de novembre. Cet inconnu qui n’avait pas fait campagne – ni réunions publiques, ni interviews – était arrivé en tête du premier tour à la surprise générale, porté par l’intervention massive d’influenceurs financés par le Kremlin pour manipuler l’application TikTok.

On ne doute pas de la créativité dont saura faire preuve l’exécutif, dont le pouvoir de nuisance à l’égard de la démocratie a été récemment remarqué au plus haut niveau des instances européennes, lors de la rédaction règlement sur l’intelligence artificielle (IA Act) où la France est intervenue de manière agressive :

La France considère qu’il est très important de préserver la possibilité de rechercher une personne sur la base de critères objectifs exprimant une croyance religieuse ou une opinion politique, tels que le port d’un insigne ou d’un accessoire, lorsque cette personne est impliquée dans l’extrémisme violent ou présente un risque terroriste.

Tout est donc déjà sous contrôle pour l’élection de 2027, jusqu’au scénario qui semble déjà écrit. Les jalons ont été posés le 5 mars, avec l’adresse du chef de l’État aux Français pour tenter de les convaincre de la réalité de la menace russe.

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