Le bouc-émissaire russe
Menace existentielle russe, la grande illusion
Emmanuel Macron s’est lancé récemment dans une opération de communication pour tenter de convaincre les Français de la réalité de la menace russe, brutalement aggravée par l’accélération du processus de paix. Le 5 mars, lors de son adresse à la nation, il a produit un condensé des contradictions et des contre-vérités sur lesquelles repose ce narratif.

Mercredi, le chef de l’État a expliqué solennement à la nation comment la guerre en Ulraine avait commencé et pourquoi nous devons aujourd’hui être inquiets. Il a dépeint notre nouvel ennemi commun : la Russie. En ligne de mire, une possible entrée en guerre avec la première puissance nucléaire au monde, en prévision de laquelle une loi de programmation militaire a été votée il y a deux ans. Lors de son allocution, il nous a offert un pot-pourri des contradictions et des fausses informations sur lesquelles repose ce narratif, qui s’est conclu par un éloge de la vérité, de la liberté d’expression et par un appel à l’engagement de tous pour sauver la patrie.
Les contorsions de l’Élysée pour démontrer l’existence d’une menace russe
Le 20 février, Emmanuel Macron expliquait sur TikTok pourquoi la Russie est un ennemi en carton-pâte. Selon le président français, elle devait annexer l’Ukraine en trois semaines, elle n’a réussi en trois ans qu’à s’accaparer une bande de terre large de moins de 200 km, et a dû reculer sous les assauts de la résistance ukrainienne. La guerre est donc un échec qui démontre que Moscou n’a pas les moyens de ses ambitions.
Dans la même séquence, le chef de l’État explique que la Russie a accru son armement ces dernières années en produisant « un effort de guerre considérable », qui lui donne aujourd’hui un ascendant sur l’ensemble de ses voisins. Sa proximité géographique – en l’occurrence, 3 580 km et au moins deux frontières européennes à franchir en plus de celles de l’Ukraine – en ferait donc une « menace en soi » pour la France et pour l’ensemble de l’Europe. Pour autant, Emmanuel Macron estime que la Russie n’a pas aujourd’hui la capacité militaire « d’aller beaucoup plus loin », ce qui est un problème lorsqu’on veut conquérir un continent.
L’ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, a commenté cette contradiction dans des termes limpides :
De là à dire que les Russes sont aux frontières de la France, pardon, ils ne sont même pas capables d’écraser les Ukrainiens. Alors considérer qu’ils seraient capables d’écraser l’ensemble du bloc occidental, ça n’existe pas, cette histoire. La menace russe, elle existe à travers l’arme atomique, notamment l’arme atomique de champ de bataille, mais aller dire que les Russes peuvent arriver même aux frontières de l’Allemagne, tout ça est faux. Et c’est excessivement inquiétant, comme s’il voulait dramatiser à des fins quasiment de politique nationale, c’est le sentiment que ça donne.
https://twitter.com/camille_moscow/status/1897422741743022299
Hervé Morin a toutefois repris à bon compte l’argument d’Emmanuel Macron concernant la faiblesse de l’armée russe. Il passe sous silence un épisode essentiel du conflit, relaté par l’ancien secrétaire d’État américain, Anthony Blinken. Le 4 janvier dernier, il expliquait dans le New York Times que les États-Unis ont commencé à armer l’Ukraine dès 2021 :
Nous avons veillé à ce que, bien avant que l’agression russe – qui a commencé en février – ne se produise, dès septembre puis de nouveau en décembre, nous ayons discrètement acheminé de nombreuses armes à l’Ukraine pour qu’elle dispose des moyens nécessaires pour se défendre. Des armes comme les Stingers et les Javelins, qui se sont avérées essentielles pour empêcher la Russie de prendre Kiev, de submerger le pays, de l’effacer de la carte, et même pour repousser les Russes.
Blinken A. The Interview: Antony Blinken Insists He and Biden Made the Right Calls. New York Times. 2025 Jan 04. https://www.nytimes.com/2025/01/04/magazine/antony-blinken-interview.html
Mais peu importe, l’essentiel est de comprendre qu’un président n’est pas honnête lorsqu’il demande à la population de prendre conscience de la force de son ennemi dont il se moque en même temps de la faiblesse.
Le mensonge concernant les accords de Minsk
Emmanuel Macron a justifié une nouvelle fois son refus d’un cessez-le-feu immédiat en évoquant la violation des accords de Minsk par la Russie. Cette thèse, contredite en mars 2022 par Le Figaro, qui confirme que l’Ukraine n’a jamais respecté ni accepté ces accords, est la clé de voûte de la rhétorique occidentale, déployée la semaine dernière par Zelensky dans le bureau Ovale : la Russie prépare la guerre depuis 2014, elle cherche aujourd’hui à reproduire le même scénario en feignant de vouloir la paix.
Revendication par Hollande et Merkel de la trahison occidentale
François Hollande et Angela Merkel se sont pourtant tous les deux félicités dans la presse, le 7 décembre 2022 dans le Zeit et le 28 décembre 2022 dans le Kyiv Independent, de n’avoir signé ces accords que pour permettre à l’Ukraine de s’armer et de gagner du temps en prévision d’un conflit avec la Russie. Hollande l’a rappelé une nouvelle fois l’année dernière, dans un échange avec un blogueur russe qu’il a confondu avec l’ancien président ukrainien, Petro Porochenko :
Il y avait l’idée que c’était Poutine qui avait voulu gagner du temps. Non, c’était nous qui voulions gagner du temps pour permettre à l’Ukraine de se rétablir, de renforcer ses moyens militaires. Il n’y a pas de négociations, il ne faut pas que des leaders européens évoquent le mot « négociations » tant que vous êtes dans cet état d’esprit et tant que vous avez la capacité de vous battre jusqu’au dernier.
https://twitter.com/Galadriell__/status/1643866916220547072
Porochentko l’a confirmé à son tour dans une interview où il évoque les accords de Minsk :
Ces documents ont donné à l’Ukraine huit ans pour lever une armée, pour préparer l’économie et pour former une coalition mondiale pro-Ukraine et anti-Poutine.
https://twitter.com/camille_moscow/status/1897565850053312522
Confirmation américaine du refus de l’Ukraine de respecter les accords
Fin décembre 2022, l’ancien ambassadeur des États-Unis en Union soviétique, Jack Matlock, estimait de son côté que « la guerre aurait pu être évitée – elle l’aurait probablement été – si l’Ukraine avait été disposée à respecter l’accord de Minsk, à reconnaître le Donbass comme une entité autonome au sein de l’Ukraine, à éviter les conseillers militaires de l’OTAN et à s’engager à ne pas entrer dans l’OTAN ». Le journal Les Crises, qui relate ces propos, précise :
Le 15 novembre, s’adressant au sommet du G20 à Bali par le biais d’une vidéo, Zelensky a rejeté tout retour à l’accord de Minsk. « Nous ne permettrons pas à la Russie d’attendre, de renforcer ses forces, puis de commencer une nouvelle série de terreurs et de déstabilisation mondiale. Il n’y aura pas de Minsk 3, que la Russie violera immédiatement après l’accord. »
Mais les propos de Zelensky à Bali, bien que diplomatiquement bien choisis pour son auditoire, ne reflétaient pas fidèlement l’Histoire. Ce n’est pas la Russie qui a utilisé le temps prévu par l’accord pour renforcer ses forces avant de violer l’accord. C’est l’Ukraine.
En 2019, Zelensky a été élu en grande partie parce que son programme visant à faire la paix avec la Russie et à signer l’accord de Minsk II lui a valu le vote russophone dans le sud et l’est. Mais pour tenir sa promesse, Zelensky devait avoir le soutien des États-Unis, ce qu’il n’a pas obtenu. Abandonné et sous pression, Zelensky a refusé d’appliquer l’accord. Les États-Unis n’ont pas par la suite réussi à le ramener sur la voie de la diplomatie.
Snider T. La mort des accords de Minsk, seul point d’accord entre Poutine et Zelensky. 28 décembre 2022.
Annonce en 2019 par Zelensky d’une opération militaire dans le Donbass
On se souvient aussi du rire nerveux de Zelensky en 2019 lors d’une conférence de presse où Vladimir Poutine demandait publiquement que les accords de Minsk soient respectés, et de ses déclarations en octobre de la même année, lorsqu’il annonçait que l’Ukraine reprendrait par la force les territoires russophones du Donbas :
Nous irons en guerre. Notre armée est prête.
https://www.les-crises.fr/la-mort-des-accords-de-minsk-seul-point-d-accord-en-poutine-et-zelensky
Nous ferons la guerre au Donass.
Nous sommes prêts pour une action militaire directe sur les territoires occupés.
Nous reprendrons par la guerre et avec l’armée nos territoires.
Le rôle personnel d’Emmanuel Macron dans le déclenchement du conflit ?
Le président français a en quelque sorte « fini le boulot » de son prédécesseur.
La provocation téléphonique quatre jours avant le début du conflit
Le 20 février 2022, lors d’un échange téléphonique entre la cellule diplomatique de l’Élysée et le Kremlin, Vladimir Poutine fait part à Emmanuel Macron du refus de Zelensky d’appliquer les accords de Minsk, qu’il accuse le président français de vouloir réviser. Il lui demande d’intervenir afin que les propositions de paix émanant des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk soient enfin prises en compte. Emmanuel Macron explique en retour à son homologue que ces propositions n’ont aucune valeur juridique, seuls les textes proposés par le gouvernement ukrainien n’étant couverts par les accords :
Je ne sais pas où ton juriste a appris le droit, moi. Je regarde juste les textes et j’essaie de les appliquer. Et je ne sais pas quel juriste pourra te dire que dans un pays souverain les textes de loi sont proposés par des groupes séparatistes et pas par les autorités démocratiquement élues. […] On s’en fout des propositions des séparatistes !
Extrait du documentaire Immersion dans la cellule diplomatique de l’Élysée (Guy Lagache, 2022)
Le 8 février 2022, au lendemain de sa rencontre à Moscou avec Vladimir Poutine, il déclarait pourtant depuis Kiev que les accords de Minsk « sont la meilleure protection de l’intégrité territoriale de l’Ukraine [et qu’ils] tracent le chemin vers la paix ».
Leur désaveu ironique moins de deux semaines plus tard est-il l’élément déclencheur qui a poussé Vladimir Poutine à reconnaître officiellement, le 21 février 2022, les deux républiques séparatistes du Donbass ?
Cette décision, qui a consisté à appliquer unilatéralement les accords de Minsk dont les deux points clés étaient la fin des hostilités et l’octroi d’un nouveau statut aux territoires de l’est de l’Ukraine, est intervenue le lendemain de l’appel entre l’Élysée et le Kremlin. Trois jours plus tard, soit le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine.
Emmanuel Macron assure aujourd’hui avoir tout fait pour sauver les accords de Minsk, mais ce n’est pas exactement ce que montrent les images.
L’ancien colonel de l’armée suisse, Jacques Baud, évoque une autre chronologie, mais dans laquelle l’intervention d’Emmanuel Macron a pu jouer le rôle d’étincelle. Il mentionne notamment deux dates :
- le 24 mars 2021, et la promulgation par Zelensky d’un décret visant à reconquérir la Crimée. S’en suivra un renforcement de l’armée ukrainienne dans la région du Donbass et de la Crimée, concomitant avec le déploiement massif des armées de l’OTAN sur le continent européen, en particulier les Balkans, dans le cadre d’une manœuvre militaire d’envergue (DEFENDER-Europe 21) ;
- le 16 février 2022, où « une augmentation extrême des violations du cessez-le-feu par l’armée ukrainienne » est observée le long de la ligne de cessez-le-feu. La mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans le Donbass avait signalé dès le 12 février une intensification des attaques ukrainiennes et des explosions dans les régions de Donetsk et de Lougansk.
Le soutien français d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN
Le président français s’est à nouveau exprimé le 6 mars, à l’issue du conseil européen sur la défense planifié au lendemain de la rencontre Trump-Zelensky, dont on subodore qu’elle a été reprogrammée à la demande d’Emmanuel Macron en vue de cette nouvelle séquence. Il s’est vivement opposé à l’analyse du secrétaire d’État des États-Unis, Marco Rubio, selon laquelle le conflit russo-ukrainien serait une guerre par procuration entre l’Amérique et la Russie :
Je crois que c’est impropre. Je crois d’abord que cette guerre a été déclenchée de manière unilatérale par la Russie. Il n’y avait aucune volonté ni de l’OTAN, ni de quelque allié, ni des Européens de menacer la sécurité de la Russie à travers l’Ukraine. Et je peux vous le dire, et aucun de mes prédécesseurs d’ailleurs ne dirait le contraire, nous avons toujours veillé à cela. Et lorsque des propositions sont venues par exemple pour étendre l’OTAN, c’est la France et l’Allemagne qui l’ont rejeté en 2008 à Bucarest. Et ça n’a plus été ensuite réenvisagé. Et donc est-ce que ces dernières années, il y avait une forme de de pression, de tension, de projet, comme j’entends parfois, d’extension, qui aurait justifié une réaction russe, c’est faux. Ceci est un conte, un mauvais conte. Il n’y a qu’un agresseur, il est russe.
https://youtu.be/8NICkmUOD_g?t=1674
Quinze minutes plus tôt, Emmanuel Macron rappelait pourtant le soutien apporté aujourd’hui par la France à une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, au moment probablement le plus critique de l’histoire compte tenu des risques majeurs d’escalade du conflit que produirait un tel élargissement de l’Alliance. Peut-on donc honnêtement prétendre que cette adhésion est une garantie de sécurité pour l’Ukraine, comme l’affirme le chef de l’État ?
La meilleure garantie de sécurité, c’est l’adhésion à l’OTAN. Nous la soutenons.
Son analyse concernant le poids de cette question dans la situation actuelle a en outre été démentie par Donald Trump, le président américain imputant le déclenchement du conflit à une promesse d’adhésion formulée en off par Joe Biden. Le président a surtout été contredit quelques jours plutôt par Volodymyr Zelensky qui a présenté cette adhésion comme sa véritable « mission ».
L’impasse sur les bases américaines présentes en Ukraine depuis plus de dix ans
Concernant l’implication des États-Unis dans le conflit et la pression exercée à la frontière russo-ukrainienne, Emmnanuel Macron peut difficilement l’ignorer. C’est en réalité un secret de Polichinelle : on sait aujourd’hui que l’OTAN, notamment le Canada, forme des troupes en Ukraine depuis au moins 2015. Le New York Times révélait il y a un an l’existence de 12 bases de la CIA implantées le long de la frontière russo-ukrainienne. L’article évoque une guerre d’espionnage, basé sur un partenariat de plus de dix ans entre les renseignements américains et ukrainiens.
George Soros et Raphaël Glücksmann se sont par ailleurs tous les deux gargarisés – le premier dans la presse, le second auprès des étudiants de Sciences Po – d’avoir fomenté l’Euro Maïdan, la « révolution de couleur » financée par les Américains. L’économiste Jeffrey Sachs (Université de Columbia) explique qu’il a été personnellement emmené à Kiev pour constater comment « les États-Unis ont payé les manifestants » pour qu’ils renversent le gouvernement de l’époque, jugé trop proche du Kremlin.
Le fantasme concernant les ambitions impérialistes russes
Lors du conseil européen sur la défense, le chef de l’État a formalisé ce qu’il estime être le projet de la Russie, à savoir l’annexion de l’Ukraine et la conquête de l’Europe (« Qui peut donc croire, dans ce contexte, que la Russie d’aujourd’hui s’arrêtera à l’Ukraine ? »), en qualifiant le chef du Kremlin d’« impérialiste révisionniste ». Cette interprétation est-elle pertinente et dispose-t-on d’éléments objectifs pour apprécier la sincérité de la Russie ?
Le torpillage de l’accord d’Istanbul par les Occidentaux
L’hypothèse d’un dessein impérialiste russe est contredite par les accords d’Istanbul, soumis par Moscou au tout début du conflit, et que Kiev était sur le point de signer au printemps 2022. L’ambassadeur ukrainien Valerii Chalyi, qui a participé aux pourparlers de paix avec la Russie au printemps 2022, et le Wall Street Journal l’ont confirmé respectivement en décembre 2023 et en janvier 2024.
Le texte, évoqué en novembre 2023 par le représentant de la délégation ukrainienne et publié fin avril 2024 par Die Welt, prévoyait un retrait immédiat de l’armée russe des territoires occupés depuis le début du conflit et un cessez-le-feu définitif moyennant quatre engagements de l’Ukraine : sa neutralité permanente, son renoncement à rejoindre l’OTAN, la réduction de son arsenal militaire et l’évacuation des troupes étrangères présentes sur son territoire. L’épineuse question des garanties devait être laissée à l’appréciation des membres du Conseil sécurité de l’ONU, auxquels carte blanche était donnée pour en définir les contours. La porte pour une adhésion à l’Union européenne était également ouverte.
Le journal Les Crises a publié une analyse détaillée de cet accord en mai 2024, dans laquelle il explique comment il a été saboté par les Occidentaux, Boris Johnson ayant intimé l’ordre à l’Ukraine de ne rien signer avec Moscou et de continuer à se battre. Le Monde diplomatique confirme cette analyse, en précisant deux choses : les massacres de Boutcha n’ont pas mis un terme aux négociations, comme l’affirme la version officielle rapportée par le WSJ, mais surtout, le texte confirme la sincérité de la Russie lorsqu’elle affirme vouloir uniquement sécuriser ses frontières.
L’argument démographique au cœur de la doctrine nucléaire russe
L’anthropologue Emmanuel Todd explique de son côté que la Russie n’a pas les ressources humaines nécessaires pour affronter la coalition des pays de l’OTAN, et qu’elle le sait parfaitement. C’est cette infériorité démographique, verbalisée dans la nouvelle doctrine militaire russe, qui justifie qu’elle s’autorise à recourir à des frappes nucléaires tactiques si elle estime que sa nation et son territoire sont menacés. En ce sens, les velléités expansionnistes aujourd’hui attribuées à la Russie relèvent tout au plus du fantasme, probablement surjoué afin de provoquer un conflit dont les avantages qu’en retirerait l’OTAN ont été théorisés notamment dans le rapport de la Rand Corporation :
Une agression ou une attaque de l’Ouest par la Russie est tout à fait exclue. La doctrine militaire russe est purement défensive. Et j’espère que nos gouvernements sont au courant ou à jour sur la doctrine militaire russe. […] Quand on est confronté à une doctrine qui est d’une telle clarté et qui est tellement évidemment défensive, toutes ces visions d’une Russie qui voudrait envahir l’Europe… on se demande si on est gouverné par des gens qui sont sérieux, qui savent lirent, qui travaillent, qui regardent des données. […] Pour dire que la Russie va envahir le monde, il faut être dérangé.
Paronaïa ou aveu ?
Le vice-président du Conseil des ministres d’Italie, Matteo Salvini, évoque aujourd’hui la folie d’Emmanuel Macron. Si la « menace existentielle » russe est un fantasme occidental, cette hypothèse repose en effet sur une bouffée délirante ou un accès de paranoïa qui ne peut que conduire à une aggravation du conflit, dans la mesure la stratégie de l’Élysée préconise de franchir l’ensemble des lignes rouges tracées par la Russie. Dans le meilleur des cas, elle assure un pourrissement du conflit, le chef de l’État estimant qu’aucune des garanties que la Russie exige, en contrepartie d’un cessez-le-feu, n’est acceptable pour l’Ukraine.
À moins que la menace existentielle dépeinte par Emmanuel Macron ne concerne ni la France ni les Européens, mais ceux qui la dirigent et qui tentent de manipuler leur destin. La chercheuse en droit Karine Bechet-Golovko explique pourquoi Emmanuel Macron, et plus généralement « les élites globalistes ne peuvent se permettre la paix avec la Russie » :
En tant que représentant des élites globalistes, Macron a fait clairement comprendre que les conditions auxquelles la Russie pourrait accepter de signer un accord de paix ne sont pas acceptables pour elles. […]
Stratégiquement, alors que la Russie cherche une normalisation des relations avec l’Occident, Macron fait clairement comprendre que la « Russie de Poutine » ne pourra jamais être acceptée. Elle est l’ennemi et elle ne pourra être acceptée que lorsqu’elle ne sera plus ennemie, lorsqu’elle sera « pacifiée », dit-il. Autrement dit, lorsqu’elle aura capitulé.
Bechet-Golovko K. Macron : les élites globalistes ne peuvent se permettre la paix avec la Russie. 6 mars 2025.
Selon son analyse, la stratégie de Donald Trump ne serait qu’une tentative de rationalisation de la globalisation américano-centrée visant à la rendre plus efficace et apaisée, sans la remettre fondamentalement en cause. A minima, on peut au moins s’accorder sur le fait qu’Emmanuel Macron, autoproclamé médiateur d’une paix qu’il s’évertue à rendre impossible, n’aura réussi dans cette séquence qu’à alimenter la thèse du Kremlin.