Quoi qu'il en coûte
Londres signe un accord de 100 ans avec Kiev, incluant une aide de 3,6 milliards de livres par an
Le Premier ministre britannique a signé le 16 janvier dernier un accord de coopération centenaire entre Londres et Kiev, incluant une aide militaire annuelle de plus de 3,6 milliards de livres sterling. Cette décision, qui intervient alors que le pays est confronté à des difficultés budgétaires historiques, interroge sur la loyauté de l’émissaire du World Economic Forum qui dirige actuellement le Royaume-Uni.

Un partenariat d’une durée de 100 ans, c’est le cadeau offert ce jeudi par le Premier ministre britannique Keir Starmer à son homologue ukrainien, lors d’une visite surprise à Kiev. L’objectif de ce pacte est de fournir des garanties de sécurité à l’Ukraine et de la renforcer militairement quelques jours avant l’investiture de Donald Trump et la fin programmée de l’aide américaine. Mais à quel prix et à quelle fin ?
Prolonger la guerre quoi qu’il en coûte
Le traité vise à renforcer la coopération entre Londres et Kiev en matière de défense et de sécurité maritime dans la mer Baltique, la mer Noire et la mer d’Azov. Il inclut également le développement de partenariats scientifiques et technologiques dans le domaine de la santé, de l’agriculture, de l’espace et des drones ainsi que des échanges éducatifs et culturels entre les deux pays. En contrepartie, le Royaume-Uni deviendrait le partenaire privilégié de l’Ukraine pour la fourniture d’énergie, l’extraction de minéraux rares et la production d’acier vert, selon la déclaration publiée par le bureau du 10 Downing Street.
Sur le plan du soutien militaire, les deux chefs d’État sont revenus, lors de leur conférence de presse, sur plusieurs points critiques pour l’espoir d’une issue pacifique au conflit, notamment : la proposition française d’envoi de Casques bleus occidentaux chargés de « surveiller un futur cessez-le-feu », et la livraison d’un nouveau système mobile de défense aérienne conçu au Royaume-Uni et financé par le Danemark.
Concernant le premier point, le Premier ministre britannique n’a pas précisé si Londres déploierait ses propres contingents de soldats sur le sol ukrainien. Il a en revanche confirmé que le Royaume-Uni continuerait de former des troupes ukrainiennes sur le territoire britannique. De son côté, la présidence ukrainienne a fait savoir, par la voix du chef du Bureau de Volodomyr Zelensky, que le Royaume-Uni avait « confirmé la voie irréversible de l’Ukraine vers l’adhésion à l’OTAN » et s’était engagé à accroître les sanctions contre l’économie russe.
Selon l’agence de presse Tass, les documents officiels incluraient également d’autres engagements révélateurs de « nouvelles intentions extrêmement provocatrices » à l’égard de la Russie, comme l’établissement de bases militaires en Ukraine et l’aide à la mise au point d’armes à longue portée :
Nous considérons l’assistance promise dans le développement d’armes à longue portée, la création d’infrastructures militaires, y compris des bases, des installations de stockage d’équipements et d’armes militaires ainsi que les « réserves en cas de guerre » en tant que menace directe contre la Fédération de Russie depuis le territoire de l’Ukraine voisine.
https://tass-ru.translate.goog/politika/22911039?_x_tr_sl=ru&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=wapp&_x_tr_hist=true
Cette nouvelle provocation s’ajoute au casus belli que constituerait pour Moscou la mise en œuvre de l’accord de sécurité maritime, qualifié d’« ingérence flagrante dans les affaires intérieures » de la Russie par la diplomate Maria Zakharova, qui rappelle que la mer d’Azov est devenue en septembre 2022, au terme du droit russe, la « mer intérieure » de la Russie suite au rattachement des oblasts de Donetsk, de Zaporozhye et de Kherson à la Fédération.
Sacrifier le peuple britannique pour protéger l’Ukraine
Selon les autorités ukrainiennes, l’accord prévoirait une assistance militaire annuelle d’au moins 3,6 milliards de dollars, qui s’ajoutent aux 100 millions de livres alloués à Kiev au titre de l’aide humanitaire, et aux 40 millions prévus par le nouveau partenariat pour le redressement économique de l’Ukraine.
L’accord, qui sera soumis au vote du Parlement britannique dans quelques semaines, intervient trois mois après celui du budget annoncé comme « douloureux » par le Premier ministre en raison de la forte dégradation des finances britanniques. En août dernier, il avait tenté de préparer l’opinion à des décisions difficiles, mais indispensables pour « reconstruire les fondations du pays » dont la dette publique (100 % du PIB en août dernier) a atteint un niveau inédit depuis 1960. Hausse des faillites d’entreprise, exode massif des grandes fortunes, croissance en berne… alors que tous les indicateurs économiques sont au rouge, le Royaume-Uni a-t-il les moyens de s’endetter davantage pour reconstruire l’Ukraine ?
Cette question se pose concrètement alors que Rachel Reeves, la ministre des Finances de l’actuel gouvernement, d’obédience travailliste, a supprimé fin 2024 la prime de chauffage pour 10 millions de retraités, avec des conséquences dramatiques pour la santé, voire pour la vie des plus précaires d’entre eux, dont certains ont dû être hospitalisés cet hiver pour une pneumonie.
Si le mot « trahison » peut sembler excessif, une ancienne séquence autorise à poser la question : pour qui travaille réellement le Premier ministre britannique ? La réponse a été donnée par Sir Keir Starmer en personne à la journaliste Emily Maitlis, lors d’une interview donnée le 21 janvier 2023 alors qu’il n’était pas encore Premier ministre :
Journaliste : Permettez-nous donc de vous poser rapidement la question. Vous devez choisir entre Davos et Westminster.
Keir Starmer : Davos.
Pour rappel, le Royaume-Uni a déjà dépensé 12,8 milliards £ en soutien à l’Ukraine depuis le début du conflit, dont 7,8 milliards sous forme d’aide militaire, complétés fin décembre par une nouvelle enveloppe de 225 millions £.
Les citoyens britanniques ont-ils été consultés sur cette question : quels sont les intérêts de leur pays en Ukraine justifiant aujourd’hui un soutien financier et militaire, a fortiori inconditionnel, et peut-être demain l’envoi de troupes ? Celle-ci se pose également en France, où elle n’a encore trouvé aucune réponse concrète en France, hormis une justification morale floue, fondée sur une spéculation quant aux ambitions impérialistes de la Russie, pourtant démenties il y a plus d’un an.