Flash-back
Les États-Unis avouent avoir commencé à armer l’Ukraine dès 2021
La guerre en Ukraine a-t-elle été planifiée par l'OTAN ? Cette hypothèse a été relancée de manière inédite il y a deux jours par la Maison-Blanche, qui a reconnu officiellement avoir « discrètement » commencé à fournir des missiles à l’Ukraine dès septembre 2021 en prévision du conflit.
Les États-Unis n’ont officiellement commencé à livrer des armes à l’Ukraine qu’après le 24 février 2022 et le début de l’offensive russe, qui a fourni un cadre légal à ce soutien à travers l’article 51 de la Charte des Nations unies. Une nouvelle version fait aujourd’hui surface dans le New York Times où le Secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, a admis que le Pentagone avait en réalité commencé à armer l’Ukraine dès septembre 2021, en prévision de l’offensive russe :
Donc, tout d’abord, si vous regardez la trajectoire du conflit, parce que nous l’avons vu venir, nous avons pu nous assurer que non seulement nous étions préparés, mais aussi que nos alliés et partenaires étaient prêts, ainsi que l’Ukraine. Nous avons veillé à ce que, bien avant que l’agression russe – qui a commencé en février – ne se produise, dès septembre puis de nouveau en décembre, nous ayons discrètement acheminé de nombreuses armes à l’Ukraine pour qu’elle dispose des moyens nécessaires pour se défendre. Des armes comme les Stingers et les Javelins, qui se sont avérées essentielles pour empêcher la Russie de prendre Kiev, de submerger le pays, de l’effacer de la carte, et même pour repousser les Russes.
Blinken A. The Interview: Antony Blinken Insists He and Biden Made the Right Calls. New York Times. 2025 Jan 04. https://www.nytimes.com/2025/01/04/magazine/antony-blinken-interview.html
Le magasine Forbes évoque au contraire une erreur d’anticipation, et cite le traumatisme de l’Afghanistan (2 milliards de dollars investis en pure perte en 20 ans) pour justifier que les États-Unis n’aient fourni qu’une aide indirecte à l’Ukraine, principalement sous la forme de livraison de blindés et d’envoi d’instructeurs, lorsque les Russes ont tenté d’encercler Kiev en 2022.
Un aveu et un mensonge
On comprend donc pourquoi, au moment de passer le relais à l’administration Trump et d’évaluer l’ampleur des pertes humaines (600 000 hommes dans le camp ukrainien selon plusieurs sources convergentes), le secrétaire d’État américain a choisi de démentir la version officielle au profit d’un narratif selon lequel les États-Unis auraient sauvé leur allié de la folie impériale de l’ogre russe. Mais il le fait au prix d’un second mensonge, puisqu’on sait depuis plus d’un an que l’accord de paix rédigé par la Russie en mars 2022 prévoyait son retrait de la capitale ukrainienne. Les armes américaines livrées en 2021 à Kiev n’ont donc pas joué le rôle stratégique qu’Anthony Blinken leur attribue dans cette interview.
Sur le fond, cette déclaration n’est pas à proprement parler un scoop puisqu’elle ne fait que confirmer un secret de polichinelle. Elle l’est en revanche sur la forme tant elle souligne la duperie et le cynisme d’Anthony Blinken qui dénonçait il y a deux ans une planification du conflit par la Russie à laquelle l’armement de l’Ukraine se voulait une réponse. De son côté, la Russie soutient depuis le début avoir dû intervenir pour protéger les populations russophones du Donbass, à leur demande, cette intervention ayant été précipitée par l’imminence d’une offensive ukraino-occidentale dans ce territoire.
Sommes-nous pour autant condamnés à « choisir » à l’aveugle entre deux discours de propagande (prévenir une agression russe ou une offensive otano-kiévienne) ou dispose-t-on d’éléments factuels permettant de les départir ?
A minima, l’accord de paix soumis à Istanbul en mars 2022, et torpillé à la dernière minute par l’ancien Premier ministre anglais Boris Johnson démontre que l’intervention de la Russie ne sert pas d’obscures ambitions impérialistes dont elle n’a démographiquement pas les moyens, mais uniquement un besoin élémentaire de sécurité. C’est du moins la conclusion qu’en tire Le Monde diplomatique. Sa crédibilité est-elle suffisante pour convaincre les plus sceptiques ?
Validation des motivations de la Russie par le Pentagone
Le département d’État américain a publié le 23 février 2023 un rapport dans lequel il déconstruit la rhétorique russe servant à justifier son intervention en Ukraine. Il dénonce une théorie du complot fragmentée en une série de fakenews, notamment celle d’une discrimination perpétrée à l’encontre de la population russophone du Donbass depuis 2014. Ce génocide, a minima culturel, est pourtant largement documenté aujourd’hui. On dispose en particulier d’un extrait vidéo du discours prononcé par l’ancien président ukrainien, Petro Porochenko, le 23 octobre 2014, et abondamment relayé par la presse indépendante (notamment par la journaliste Anne-Laure Bonnel, auteur d’un documentaire d’exception sur le Donbass) dans lequel il déclare à propos des populations du Donbass :
Nous aurons du travail et eux, non.
Poroshenko. « Children will sit in cellars, ours will go to school. Sputnik News, 2014 Nov 14. https://newcoldwar.org/poroshenko-donbas-children-will-sit-cellars-will-go-school/
Nous aurons des retraites et eux, non.
Nous aurons des aides pour les retraités et les enfants, eux non.
Nos enfants iront à l’école et à la garderie, les leurs resteront dans les caves.
Parce qu’ils ne savent rien faire.
Et c’est comme ça, et précisément comme ça, que nous gagnerons cette guerre !
Le bilan humain est aujourd’hui estimé à 13 000 morts, 30 000 blessés et un million de réfugiés. Peut-on parler d’un simple « génocide culturel » ?
L’autre « fakenews » pourfendue par Kiev et Washington concerne la présence de dizaines de laboratoires biologiques américains disséminés sur le sol ukrainien (voir notre précédent article), dont l’existence a été confirmée sous serment par l’ancienne sous-secrétaire d’État américaine, Victoria Nuland, ainsi que par l’ambassade des États-Unis en Ukraine. Plus récemment, certains ont cru voir une confirmation indirecte de cette thèse dans la revendication, par le régime de Kiev, de l’assassinat du général russe en charge de ce dossier, le 17 décembre dernier.
Enfin, il est difficile d’écouter le satisfecit d’Anthony Blinken, dont l’administration semble s’être contentée de suivre les recommandations de la Rand Corporation préconisant de pousser la Russie à la guerre afin de l’affaiblir et à terme la démembrer (p. 15-16), sans repenser aux aveux d’Angela Merkel et de François Hollande, qui ont chacun avoué publiquement avoir torpillé les accords de Minsk pour permettre à l’Ukraine de s’armer en prévision d’un affrontement avec Moscou. Ceux de François Hollande, piégé par un tandem de blogueurs russes, surclassent tous les niveaux de preuve imaginables :