Point de rupture
Orechnik, le Léviathan russe
La Russie a dévoilé il y a dix jours son nouveau missile balistique hypersonique. Il a été présenté par la Russie comme une arme conventionnelle révolutionnaire, ce que contestent les Occidentaux. L’analyse de ses caractéristiques techniques confirme qu’il s’agit au contraire d’une avancée technologique et d’un bouleversement stratégique majeurs.
Vladimir Poutine a présenté le 21 novembre, dans son discours à la nation, le nouveau système russe de missiles balistiques hypersoniques à moyenne portée « Oreshnik », au lendemain de son premier tir expérimental qui a réduit en poussières le site industriel ukrainien de Yuzhmash, à Dnipropetrovsk (voir notre précédent article). Il l’a décrit plus précisément le 22 novembre en conférence de presse et le 28 novembre lors d’un déplacement au Kazakhstan :
Ce n’est pas une arme atomique, mais c’est comparable.
Les États-majors occidentaux ont relativisé cet événement en présentant Orechnik comme une variante d’un système de missiles ancien. Le sous-amiral Jean-Louis Vichot expliquait pourtant en début de semaine sur le plateau de LCI : « La France ne dispose pas de système antimissile, elle n’a donc aucun moyen d’arrêter un missile nucléaire. » Faut-il pour autant redouter l’utilisation d’une telle arme qui peut être utilisée avec une charge conventionnelle, comme ce fut le cas le 21 novembre ?
L’avocat Régis de Castelnau explique sur son blog la signification de ce tir expérimental :
Maintenant que la poussière de l’usine Yuzhmash de Dnipropetrovsk vaporisée s’est dispersée, les gens rationnels comprennent l’importance historique de l’événement et le bouleversement stratégique qu’il implique. La Russie vient de rajouter un barreau à l’échelle de l’escalade conduisant au nucléaire. Barreau qu’elle est la seule à pouvoir utiliser.
de Castenau R. L’Occident n’a pas de casse-noisettes pour Oreshnik. Vu du droit. 28/11/2024. https://www.vududroit.com/2024/11/de-loccident-na-pas-de-casse-noisettes-pour-oreshnik/
Il s’appuie sur l’analyse du journaliste scientifique Mike Adams publiée le 26 novembre sur le réseau X :
L’Otan est finie. L’Occident n’a aucune idée de ce qui vient de les frapper. Le système d’arme Oreshnik de la Russie est un échec et mat pour l’Otan et les États-Unis. Tous les porte-avions américains peuvent être détruits en quelques minutes. Toutes les bases militaires américaines, tous les bunkers souterrains, tous les sites de lancement de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), les chantiers navals, etc., peuvent être détruits avec de l’énergie cinétique non nucléaire via l’Oreshnik [y compris la Maison-Blanche]. Il n’existe aucun traité actif (à ma connaissance) interdisant ce système d’arme, et il ne détruit pas les infrastructures environnantes ni les masses de civils. C’est une arme chirurgicale dévastatrice et imparable qui fait tomber du ciel des éclairs métalliques comme le marteau de Thor ou les comètes de Dieu. Personne n’a de défense contre elle, et la portée de ces armes, une fois montées sur des propulseurs intercontinentaux, est mondiale. L’Occident doit maintenant soit reculer, soit passer au nucléaire. Ils choisiront probablement de passer au nucléaire par désespoir, soyez prévenus. La Russie vient de changer le cours de la guerre et d’atteindre la domination mondiale.
L’ingénieur Emmanuel Clémence a détaillé sur son compte X les spécificités techniques d’Orechnik. Elles permettent de comprendre pourquoi la Russie a désormais « une décennie d’avance sur tous les pays de l’Otan » :
• Vitesse incroyable, peu de flammes, explosions très faibles, mais des tremblements de terre massifs.
• Attaques par 6 grappes de 6 projectiles, ressemblant aux chatons de noisetier, appelés en russe « Oreshnik ».
• Portée théorique : 2 500 à 5 000 km, couvrant une grande partie de l’Europe.
• Portée pratique : 1 000 à 2 000 km.
• Vitesse : hypersonique (Mach 10 à 11), rendant son interception très difficile.
• Charge utile : 3,5 t de munitions, 6 ogives principales MARVs (véhicules de rentrée manœuvrables quasi impossibles à cibler), 6 sous-munitions par ogive, autour de 100 kg à Mach 10, soit 450 MJ d’énergie cinétique, ou l’équivalent de 1,2 t de TNT chacune.
• Effets tactiques : 36 charges inertes de 100 kg à Mach 10 (vitesse du son).
• Puissance explosive équivalente à la cargaison d’un B52 saturé (77 bombes Mk 84 d’1 t), capacité de dizaines à centaines de kilotonnes TNT en cas d’ogives nucléaires.
• Température des éléments percutants : 4 000 °C.
• Impact militaire : pénétration souterraine probable de type « bunker-booster », avec une capacité de destruction énorme en cas d’ogives nucléaires (dizaines à centaines de kt TNT).
• Efficacité : saturation des défenses ennemies grâce à des trajectoires imprévisibles et sa vitesse hypersonique.
• Cibles possibles : abris blindés, porte-avions et son groupe naval…
La conclusion d’Emmanuel Clémence :
Oreshnik n’est pas qu’une arme. C’est un système de démonstration de force militaire et technologique, un défi des systèmes de défense sol-air des capacités occidentales.
https://x.com/eclemence/status/1862144738268164489
Résultat géostratégique : les défenses occidentales sont quasi nulles face à ce type de menace, n’ayant ni les finances, ni les technologies, ni les capacités industrielles de se doter de systèmes de défense.