Aveu d'impuissance

Équipe Le Point Critique | 17 juin 2024

« Grenade dégoupillée », la stratégie du chaos ?

Au lendemain de l'humiliation de la majorité présidentielle aux élections européennes, le journal Le Monde révèle les coulisses de la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, au risque – ou dans l'espoir – de plonger le pays dans le chaos. Quand a-t-elle été prise ? Quel sera le coup d’après ? Qui était dans la confidence ?

Gérard Larcher et Emmanuel Macron ensemle à l'Élysée
© Le Monde

Le journal Le Monde relate ce samedi un échange tenu le 10 juin entre Emmanuel Macron et un proche de l’Élysée concernant sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale :

« Ça va, pas trop dures ces journées ? » Le chef de l’État sourit : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent… »

L’annonce de la dissolution du Parlement, une heure à peine après la confirmation du résultat des élections européennes avait provoqué un effet de sidération au sein de la classe politique, à laquelle elle a été présentée comme la seule issue démocratique possible à la paralysie des débats parlementaires. La brutalité de cette annonce devait également permettre de débusquer l’opportunisme des partis en les forçant à improviser des alliances. Lors de la conférence de presse du 12 juin, il a commenté les premiers effets de cette initiative, décrite par Le Monde comme « l’acmé du coup politique » :

Depuis dimanche soir, les masques tombent. Et la bataille des valeurs éclate au grand jour. C’est aussi, je dirais, une épreuve de vérité entre ceux qui choisissent de faire prospérer leur boutique et ceux qui veulent faire prospérer la France.

Conférence de presse d’Emmanuel Macron, 12/06/2024. https://www.youtube.com/watch?v=M1DTofs9lSM&t=336s

Emmanuel Macron devait donner une nouvelle fois cette leçon de politique qui a fait le succès d’En mache ! : gouverner autrement, sans idéologie ni opportunisme avec pour unique boussole la France et l’amour de son peuple.

Le 14 juin pourtant, on apprenait que le président du Sénat, Gérard Larcher, aurait conclu discrètement un accord entre la majorité présidentielle et les Républicains, dans son fief des Hauts-de-Seine, visant à retirer certains candidats LR face à des candidats Renaissance. L’article du JDD précise : « Tous les candidats LR qui sont compatibles avec Macron sont actuellement contactés par le Gouvernement. » Bataille des valeurs ?

Pour ponctuer ce tableau, Le Monde publie ce dimanche une vidéo dans laquelle le journaliste Olivier Faye dévoile les coulisses de ce nouvel épisode d’un parcours basé sur le calcul et sur la déstructuration de l’échiquier politique.

Le chaos pour boussole

La divulgation de cette version officieuse intervient au lendemain des révélations par la presse allemande de la stratégie qu’Emmanuel Macron aurait exposée en off à l’actuelle présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen :

Macron s’attend très certainement à ce que la droite nationale l’emporte lors des nouvelles élections, ou du moins qu’elle continue à gagner du terrain. [Marine Le Pen et son équipe au gouvernement] devront faire leurs preuves. [Cependant] selon le calcul de Macron, ils échoueront à tel point que la probabilité que Marine Le Pen ne devienne pas présidente en 2027 augmentera.

Législatives : « Il s’attend à ce que la droite nationale l’emporte », Ursula von der Leyen révèle la stratégie d’Emmanuel Macron. Valeurs actuelles. 13/06/2024

Le projet de torpiller l’extrême droite en provoquant une dissolution de l’Assemblée nationale est un fantasme ancien dont l’entourage d’Emmanuel Macron ne s’est jamais caché : il avait annoncé en janvier 2023 que « cette option serait actionnée avant 2027 ». Ce qui est surprenant, en revanche, c’est que le chef de l’État « avoue » aujourd’hui avoir érigé le chaos en stratégie de survie politique, ou plus exactement, qu’il le fasse à voix suffisamment haute pour qu’un journal comme Le Monde l’entende et le répète.

Est-ce justement le premier acte d’une nouvelle séquence visant à hystériser la colère des Français pour provoquer un climat insurrectionnel, ou à créer un vide politique dans lequel il puisse tenter de s’enraciner, faute de pouvoir gouverner dans un cadre institutionnel apaisé ?

Il est trop top pour le dire, mais l’indiscrétion du Monde confirme l’ampleur du cynisme du chef de l’État et répond à la question qui cristallise aujourd’hui la colère de l’opposition : pourquoi avoir choisi de dissoudre aussi précipitamment l’Assemblée nationale sans laisser le temps aux partis de s’organiser ?

Emmanuel Macron dit avoir pris acte de l’échec de la majorité présidentielle à contrer la montée de l’extrême droite, et de l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui le débat parlementaire. La dissolution de l’Assemblée nationale est donc officiellement dictée par une double urgence : dissiper un malentendu idéologique et donner à la France un nouveau cap.

Officieusement, la décision aurait commencé à germer dès le lendemain de la dernière élection législative selon Olivier Faye, et aurait été mûrie dans l’ombre par un petit groupe de conseillers influents (Jonathan Guemas, Clément Leonarduzzi, Pierre Charon), porté par l’ancien journaliste Bruno Roger-Petit, devenu porte-parole de l’Élysée en 2017 puis « conseiller mémoire » en 2018.

La décision devait initialement n’intervenir qu’à l’automne prochain lors des débats sur le budget afin d’éviter une nouvelle avalanche de 49.3 et le risque d’une censure du Gouvernement. Emmanuel Macron voulait donc garder la main pour ne pas subir l’humiliation d’être censuré par le Parlement.

Une élection historique, expédiée au pas de course

La classe politique et la presse dénoncent unanimement un pari risqué, y compris la majorité, qui redoute que le piège se retourne contre elle si le front républicain ne se reforme pas ou si une alliance des gauches vient gripper la machine. Peut-on sérieusement le penser, ou bien les institutions assurent-elles au chef de l’État de gagner son pari ?

Selon toute vraisemblance, les élections auront finalement bien lieu : huit recours ont été déposés devant le Conseil constitutionnel, qui dispose d’un mois pour statuer sur la conformité du décret entérinant leur tenue, mais la probabilité qu’elles entraînent un report du scrutin est a priori quasi nulle, selon le think thank Le Club des juristes. La conformité du délai séparant la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue du premier tour avec celui prévu par la Constitution (20 jours) est notamment pointée par l’association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico). Or tout dépend de la date de dissolution que retiendra le Conseil constitutionnel, qui peut être la date de publication (10 juin) ou de signature du décret de dissolution (9 juin).

Autre point d’achoppement : le délai exceptionnellement court (5 jours) pour déposer les listes et déclarer un mandataire financier, qui exclura de fait les petits candidats, selon l’avocat Régis de Castelnau. Il estime sur ce principe que l’agenda voulu par le chef de l’État « galvaude un événement fondamental ». Emmanuel Macron n’a donc voulu prendre aucun risque. Faut-il en déduire que la petite phrase du Monde n’était qu’une réponse improvisée par un président acculé qui ne maîtrise rien ? Quoi qu’il en soit, que se passera-t-il si ces élections anticipées portent le Rassemblement national au pouvoir ?

L’embarras et les contradictions d’Emmanuel Macron

Emmanuel Macron s’est défendu le 12 juin de vouloir exposer la France à ce risque en présentant le « retour au peuple souverain » comme la seule décision républicaine possible pour contrer la menace de l’extrême droite :

Nous venons là déchirer l’hypocrisie et les malentendus qui étaient à l’œuvre. […] C’est ça qui aurait été irresponsable, c’est de se dire « Il y a une colère qui a été exprimée, mais on va faire comme si de rien n’était parce qu’au fond, ça arrange tout le système ».

https://youtu.be/M1DTofs9lSM?t=2189 [37:44]

Régis de Castelnau souligne l’hypocrisie de cette réponse en rappelant notamment que les velléités législatives du futur Gouvernement se heurteront in fine à la toute-puissance du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État, contrôlés par l’actuelle majorité. Emmanuel Macron réfute pourtant toute forme d’irresponsabilité en invoquant le plébiscite des Français et la légitimité constitutionnelle qui l’autorise de plein droit à dissoudre l’Assemblée nationale. Assume-t-il réellement le calcul qu’il revendique en off ?

À l’évidence non, si l’on croit le lapsus commis le 13 juin par le chef de l’État, en marge du sommet du G7. Interpellé par un journaliste de BFMTV sur une photo prise par la photographe officielle d’Emmanuel Macron au moment où il annonce à ses plus fidèles ministres avoir acté de la dissolution, il a spontanément qualifié ses propres choix stratégiques de « cuisine » en s’étonnant que le journaliste utilise ce terme, et en revendiquant au contraire le courage de cette décision historique :

Je n’ai pas l’habitude de commenter les affaires nationales, encore moins les cuisines, surtout quand elles font l’objet de narrations les plus farfelues.
La Constitution est claire. Le président de la République, sur la base de l’article 12, consulte, ce que j’ai fait, le Premier ministre, la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. Il n’y a pas plus sain et plus démocratique que de demander au peuple de voter.
Donc, la décision que j’ai prise est la plus démocratique qui soit, je dirais en elle-même. Et c’est cette confiance dans le peuple français, et maintenant ce qu’il faut, c’est plutôt…
Je suis surpris de vos questions qui parlent de cuisine, de positions, de perceptions. […]
Elle a été prise conformément à la Constitution, avec beaucoup de gravité de ma part, avec et vous l’imaginez bien le sens du moment historique que nous vivons.

Emmanuel Macron, 13/06/2024
https://youtu.be/PPZFcBrgxmw

Dans une autre séquence, il s’est à nouveau insurgé contre cette rumeur, pourtant colportée par ses propres conseillers selon Le Monde, en présentant cette décision comme un choix douloureux et en expliquant avoir interprété les résultats des élections européennes comme un échec personnel :

Je n’ai jamais pris nos compatriotes pour des imbéciles […] Ça m’a pas fait plaisir dimanche, ça fait sept ans que je travaille comme un fou pour que le pays aille mieux, que le pays avance, donc je l’ai pris pour moi, pour cette majorité. Ça m’a pas fait plaisir, évidemment que ça m’a touché.

La veille, pourtant, en conférence de presse (40:41′), il assurait qu’il était absurde de considérer le vote du 9 juin comme un rejet de sa personne puisqu’il n’était pas candidat. Il a également contredit le Macron d’hier qui estimait qu’on ne devait tirer aucune conséquence sur le plan national d’un échec aux élections européennes.

Et après ?

La philosophie de la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale se résume en deux propositions : rester maître du jeu, mais en assumant de plonger la France dans une instabilité dont il estime lui-même qu’elle serait dangereuse pour la France si ces nouvelles élections ne permettent pas de sortir du blocage parlementaire actuel. Or si l’indiscrétion du Monde confirme sa fascination pour le chaos et sa profonde jouissance à exercer le pouvoir de manière schizophrénique, elle soulève trois questions.

À qui profite cette décision, hormis à l’ego du chef de l’État ? Les Français ont-ils quelque chose à gagner à cette parodie de démocratie si l’objectif de dissoudre est de piéger les oppositions ? Le Mozart de la finance a-t-il anticipé la réaction des marchés ?

Depuis quand Emmanuel Macron prépare-t-il cette dissolution ? Le recours, à 23 reprises, à l’usage du 49.3 sous le mandat d’Élisabeth Borne démontre qu’il sait depuis plus d’un an que la France est devenue ingouvernable dans un cadre démocratique apaisé. Pourquoi a-t-il entendu si longtemps ?

Quel est le coup d’après si cette décision aggrave le chaos parlementaire qu’il appelle de ses vœux et qu’il a le pouvoir d’organiser ? Comment Emmanuel Macron envisage-t-il de répondre à l’explosion sociale qu’elle pourrait engendrer si cette grenade explose ainsi qu’il l’a prévu ?

À défaut de démontrer qu’ils conduisent à autre chose qu’une impasse, le cynisme et la duplicité du chef de l’État devraient rappeler cette règle d’or à l’ensemble des parlementaires, qui ont régulièrement refusé depuis deux ans de censurer son action par crainte d’une dissolution : ne jamais céder à un chantage, a fortiori en politique.

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