Dystopie
La loi de programmation militaire pour les nuls
Des citoyens se mobilisent un peu partout en Europe depuis presque dix mois pour protester contre l’envoi d’armes en Ukraine et contre le soutien financier inconditionnel de l’Union européenne au régime de Kiev. Un clip allemand dénonçant cette politique mortifère inonde aujourd’hui les réseaux sociaux et met en scène ce qui pourrait arriver demain si la loi de programmation militaire, votée il y a quelques semaines en France, venait à entrer en application.
Les Allemands protestent depuis le mois d’octobre pour réclamer la fin de la politique de soutien financier et militaire à l’Ukraine imposée par l’OTAN. La presse française n’en parle pas, et pour cause, elle fait corps sans la moindre réserve avec cette stratégie décidée à huis clos entre chefs d’État. Volodymyr Zelensky exige ? Ses homologues européens, aux côtés desquels on lui a promis qu’il siégerait bientôt, dégainent le carnet de chèques avant même toute consultation du Parlement. Le principe a été acté, la dette accumulée par les États est le prix à payer pour « sauver la démocratie ». Fin de la discussion.
De nombreux citoyens allemands désapprouvent ce choix et l’ont exprimé presque quotidiennement depuis octobre 2022, par des marches aux flambeaux ou des manifestations de grande ampleur. Ils l’expriment aujourd’hui à travers un clip qui dénonce l’explosion de la dette allemande et l’inévitable paupérisation qui en découlera pour leur nation, mais qui trouve un écho particulier dans le contexte politique français, au lendemain du vote controversé de la nouvelle loi de programmation militaire. Un article notamment a soulevé de profondes inquiétudes a minima sur les réseaux sociaux. Il s’agit de l’article 23 qui confère au président de la République l’autorité de réquisitionner sur simple décret toute personne et tout bien dans un « contexte de menace réelle ou prévisible » qu’il aura lui-même unilatéralement défini comme tel :
« Art. L. 2212-1. — En cas de menace, actuelle ou prévisible, pesant sur les activités essentielles à la vie de la Nation, la protection de la population, l’intégrité du territoire, la permanence des institutions de la République ou de nature à justifier la mise en œuvre des engagements internationaux de l’État en matière de défense, la réquisition de toute personne, physique ou morale, et de tous biens et services nécessaires pour y parer peut être décidée par décret en conseil des ministres. Ce décret précise les territoires concernés et, le cas échéant, l’autorité administrative ou militaire habilitée à procéder à ces mesures. »
Projet de loi no 1033 relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Après six ans de trahison, de garanties promises volubilement dans les médias à la seule fin de prévenir qu’elles ne seraient pas respectées pour mettre en tension la société avant de la poignarder, si possible dans son sommeil, difficile en effet d’être optimiste quant aux arrière-pensées qui ont pu motiver ce texte.
Soumis en urgence dans un contexte quasi insurrectionnel, où les yeux étaient braqués sur l’incendie des banlieues, il a été finalement adopté sans la moindre résistance au Sénat le 13 juillet 2023, au lendemain du dernier sommet de l’OTAN (Vilnius, 11-12 juillet 2023) et de la décision d’Emmanuel Macron de franchir une énième ligne rouge en annonçant avoir commencé à livrer des missiles longue portée à Kiev (5’ 30’’) « afin de lui donner une capacité de frappe dans la profondeur [pour] atteindre les infrastructures clés de l’adversaire ». Accessoirement, il a rappelé le rôle de premier plan que la France joue depuis le début du conflit dans l’escalade vers la guerre, et a confirmé que l’OTAN vient d’enclencher la procédure d’adhésion à l’Ukraine, et s’apprête à accueillir deux nouveaux alliés, la Finlande et la Suède.
En résumé, Emmanuel Macron veut la guerre, quoi qu’il en coûte. Il ira au bout de cette promesse dont il n’a toujours pas réussi, après plus de 500 jours, à verbaliser la logique, à savoir les raisons qui le poussent à entraîner le pays sur cette voie et l’intérêt de la nation à suivre aveuglément cette boussole.
Que doit-on dans ce contexte redouter d’une loi qui lui confère le pouvoir népotique de décider unilatéralement, sans en référer au Parlement ou au Sénat, de ce que serait une « menace pesant sur la protection de la population » (militaire ? Sanitaire ?) ou sur « la permanence des institutions de la République », mais surtout – et cela est inédit – de réquisitionner les citoyens et de saisir leurs biens afin de répondre à une telle menace ?
Aucun parlementaire n’a protesté contre cette violence institutionnelle, qualifiée par Olivier Frot, diplômé de Saint-Cyr et docteur en droit, de « coup d’État masqué ». Aucun amendement n’a été rédigé pour tenter de prévenir le risque d’incendie que recèle en puissance ce texte. Les Allemands au contraire ont compris la gravité du jeu qui se joue aujourd’hui dans les coulisses de l’OTAN.
Le clip qui circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux est en somme une projection dystopique de ce qui pourrait arriver si Emmanuel Macron décidait de faire usage des pouvoirs inédits qu’il a choisi de s’octroyer pour enjamber demain les institutions, sans n’avoir de comptes à rendre personne, du moins en France. Bien qu’il soit en allemand sous-titré en russe, il nous a semblé inutile de traduire les dialogues que tout un chacun peut comprendre.
Une allégorie de la célèbre prophétie du World Economic Forum « Vous n’aurez rien et vous serez heureux », en quelque sorte, ou plus exactement, de ce rêve orwellien parfaitement assumé (ou presque, puisque la page qui décrivait ce nouvel Éden a été supprimée). Ne subsiste que le clip, daté de 2018.