Cynisme présidentiel

Mathilde Debord | 09 juin 2022

Mort programmée de l’hôpital : “Ils manquent de lits? Offrons-leur des fauteuils!”

Près de 120 services d’urgence fermés faute de lits opérationnels, des taux d’absentéisme atteignant jusqu’à 90 % dans certains services, la situation n’est pas inédite, mais elle a été jugée suffisamment alarmante pour que le couple présidentiel se déplace au chevet de l’hôpital à la veille de l’été. Pour tenter d’endiguer cette hémorragie, Brigitte Macron a fait une proposition originale en annonçant, ce 31 mai, la création de salles de repos aménagées ainsi que l’achat de fauteuils et de canapés de massage. Difficile de ne pas voir dans cette proposition dramatiquement décalée l’empreinte d’une ancienne première Dame de France.

Brigitte Macron, ils manquent de lits, offons-leur des fauteuils
Brigitte Macron offre aux hôpitaux des fauteuils pour compenser la suppression des lits par Emmanuel Macron | © Marie-Antoinette ©ECP/Secrets d'histoire

« S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche », aurait répondu Marie-Antoinette à ses conseillers l’alertant sur la détresse du peuple de France à la veille de la Révolution. Cette phrase n’a en réalité probablement jamais été prononcée par la Reine, mais elle lui fait obstinément corps tant elle symbolise le fossé séparant à l’époque une noblesse d’État repue de privilèges de ceux qui n’étaient et qui n’avaient rien.

Plus de deux cents ans plus tard, la situation est-elle si différente ? Les cahiers de doléances des Gilets jaunes n’étaient pas sans rappeler les cahiers de doléances de 1789. Les images des dîners clandestins dans les salons dorés du Palais Vivienne, où il suffisait de montrer patte blanche et de débourser quelques centaines d’euros pour échapper aux contraintes des confinements ont rappelé que pas même le décor n’avait véritablement changé.

Démagogie ? Il serait naïf et tellement confortable de le penser. Car cette ligne de fracture socio-économique aussi ancienne que le concept de « société » en rejoint une infiniment plus dramatique qu’il faudra bien tôt ou tard aborder et que la proposition de Brigitte Macron symbolise à elle seule : celle de la santé et de l’accès aux soins.

Une « faillite incontrôlée du fonctionnement des services d’ugences »

La crise de l’hôpital n’est pas nouvelle, c’est même l’un des premiers chantiers auquel Emmanuel Macron a été confronté lors de sa prise de fonction en 2017 où les blouses blanches franciliennes avaient entrepris une marche ralliant plusieurs hôpitaux (la Marche des hospitaliers) ; mais elle s’est aggravée mécaniquement au cours du quinquennat sous l’effet conjoint des décisions délétères prises par son ministre de la Santé ou de celles qui ne l’ont pas été.

Dans une lettre adressée le 20 mai 2022 à la nouvelle ministre de la Santé et de la Prévention, l’association Samu-Urgences de France (SUdF) évoque une situation sans précédent augurant un « véritable désastre sanitaire » dès l’été prochain :

« Ce printemps, la crise de notre système de santé va atteindre son paroxysme à travers la faillite incontrôlée du fonctionnement des services d’urgence qui laisse présager, dès cet été, un véritable désastre sanitaire, sans commune mesure avec les difficultés estivales antérieures habituelles. Tous, soignants, directeurs d’établissements, CH et CHU, confirment que cette crise, est d’une ampleur inégalée, qu’elle n’atteint pas que les structures d’urgence, mais que cette faillite de cette première ligne aura des répercussions désastreuses sur l’ensemble de l’hôpital et du système de santé français. […]
“Vitrine de l’hôpital”, les urgences apparaissent aujourd’hui surtout comme une interface entre la ville et l’hôpital qui concentre les dysfonctionnements de ces deux secteurs. Ces dysfonctionnements se traduisent par une saturation inacceptable des urgences qui a des conséquences dramatiques sur la santé des soignés (on évoque de plus en plus de véritables situations de “maltraitance”, a fortiori lorsque des services doivent fermer par manque de ressources) et… sur celle des soignants, à la fois harassés par la surcharge de travail, désespérés par le sentiment de mal faire leur métier et désemparés par la montée des violences réactionnelles dont ils sont victimes.
 »

Lettre à Madame la Ministre de la Santé et de la Prévention, 20 mai 2022

La carte publiée le 22 mai 2022 par l’Agence France-Presse permet de prendre la mesure de ce désastre :

Carte des services d'urgence en detresse Agence France-Presse, mai 2022

Un « risque imminent de rupture de soin »

Le quotidien régional Ouest-France a recensé le 20 mai 2022 les principaux points d’alerte qui étayent ce constat d’un délabrement historique des services d’urgences ne permettant plus à l’hôpital public d’assurer sa mission réglementaire de 1/ « accueillir en permanence dans la structure des urgences toute personne qui s’y présente en situation d’urgence ou qui lui est adressée, notamment par le Samu » (art. R. 6123-18. Du Code de la santé, décret n° 2006-576 du 22 mai 2006 relatif à la médecine d’urgence) et 2/ permettre à chaque citoyen d’« accéder aux soins urgents en moins de 30 minutes » (Circulaire interministérielle DGOS/R2/DGSCGC no 2015-190 du 5 juin 2015) :

  • Urgences fermées : 120 services sur les 620 qui forment le maillage territorial des urgences (20 %) sont d’ores et déjà contraints ou sur le point de l’être de limiter leur activité en raison d’une pénurie de soignants (médecins, infirmiers, aides-soignants) ou d’un manque de lits d’aval vers lesquels transférer les patients. À titre d’exemple, selon Mediapart, 300 lits sur 2 654 seraient actuellement fermés au CHU de Bordeaux (Gironde), faute de personnel, en sus des 356 lits officiellement fermés depuis 2010. Même situation à Poitiers (Vienne), Montmorillon (Vienne), Moissac (Tarn-et-Garonne), Sarlat (Dordogne), Jonzac (Charente-Maritime), Guingamp (Côtes-d’Armor), etc. ;
  • Accès restreint ou régulé à l’hôpital : 14 hôpitaux universitaires ou régionaux sur 32 (44 %) ont dû restreindre l’accès à leur service d’urgences sur certains créneaux : accès « régulé » la nuit au CHU de Bordeaux (Gironde) ou de Cherbourg (Manche) par le centre 15 qui évalue préalablement la gravité de la situation médicale (Mediapart), suspension de l’activité des urgences à Chinon (Indre-et-Loire) depuis le 18 mai et jusqu’à nouvel ordre faute de personnel (La Nouvelle République) ;
  • Unités mobiles de réanimation fermées dans plusieurs régions : en Picardie, les urgences et le Smur de Senlis ont baissé le rideau depuis le 12 décembre dernier (L’Union.fr) ; même situation dans les Hauts-de-France, à Compiègne et à Creil (fonctionnement aléatoire) ; dans le Centre-Val de Loire, avec la fermeture du Smur de Chinon annoncée jusqu’au 30 mai 2022 (La Nouvelle République) ; en Occitanie, à Bagnol/Cèze et Auch (fermeture du Smur la nuit), ou encore dans le Grand Est, à Alkrich (maintien du Smu en journée seulement) et Saint-Louis, où des fermetures sont également annoncées ;
  • Maternités et urgences pédiatriques fermées : la maternité de Chinon n’est plus en mesure de prendre en charge les accouchements et les urgences obstétricales depuis le 18 mai 2022 et réoriente les patientes vers les hôpitaux de proximité (Tours ou Saumur) pour accoucher (Europe 1).
    La maternité de Nevers (Nièvre) est restée fermée huit jours du 11 au 18 avril 2022, et n’a pu rouvrir que grâce à un accord passé avec la Réserve sanitaire (Le Quotidien du médecin).
    Dans la Sarthe et le Loir, les urgences pédiatriques du Pôle santé, situé à Bailleul, ne sont plus en capacité d’accueillir de petits patients la nuit et ont annoncé leur fermeture jusqu’au 1er septembre après plusieurs mois de fonctionnement erratique (Ouest-France).
    Le Syndicat des gynécologues-obstétriciens de France (Syngof) dénonce ce 31 mai 2022 dans L’Obs une pénurie de médecins (notamment de pédiatres et d’anesthésistes) et de sages-femmes, atteignant « un niveau critique qui met en danger les femmes » et dit s’inquiéter de « fermetures inopinées » de maternités cet été, faisant craindre des accidents.
    Un collectif de professionnels de la périnatalité exerçant en Île-de-France tire à son tour la sonnette d’alerte à travers une tribune publiée dans Le Monde le 2 juin 2022 : « N’attendons pas que des catastrophes surviennent dans nos maternités ».

Un hôpital vidé de ses soignants

Comment a-t-on pu en arriver là ? C’est la question qui est actuellement toutes les lèvres, car si les causes sont pour certaines anciennes, l’ensemble des soignants s’accorde à reconnaître que jamais le système de santé n’a été aussi proche du point de non-retour :

  • difficultés à recruter, par exemple à Laval (Mayenne) où le centre hospitalier dénonce une « pénurie de médecins urgentistes au malgré une recherche active de remplacements et les efforts réalisés par les équipes » (Le Courrier de la Mayenne).
    Même constat au service extra-hospitalier psychiatrique de Montauban, où une infirmière relate : « Aujourd’hui en psychiatrie, nous n’avons plus de médecins pour fonctionner, on ne trouve plus non plus d’infirmiers » (France3 Occitanie) ;
  • démissions en cascade (54 % des motifs de départ), qui s’ajoutent à un sous-effectif chronique lié à ces difficultés de recrutement (France Info). Selon une enquête menée par la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) en octobre et novembre 2021 auprès de 1 100 établissements de santé représentant deux tiers du parc national, 1 245 infirmiers auraient démissionné en un an (Ouest-France) ;
  • arrêts de travail : la maternité de Nevers (Mayenne) a dû fermer ses portes en avril suite au départ en arrêt-maladie de 100 % des 14 sages-femmes du service (Le Monde).
    À Orléans, ce sont plus de 90 % des infirmiers et des aides-soignants des urgences qui étaient en arrêt maladie début avril (TF1).
    À Chinon, un syndicaliste évoque le chiffre de 21 soignants sur 22 en arrêt-maladie, notamment pour burn-out (La Nouvelle République).
    À Saint-Brieuc, 12 % de l’effectif de l’hôpital Yves-Le Foll était arrêté mi-avril, soit 410 agents. À l’échelle du département, ce sont près de 250 infirmiers et d’aides-soignants qui manquent à l’appel. Un syndicaliste alerte sur la situation des établissements : « Les hôpitaux du Groupement hospitalier de territoire (GHT) d’Armor sont au bord de l’agonie » (Ouest-France).

L’étonnante proposition de Brigitte Macron : naïveté ou cynisme ?

Le COVID et l’épuisement qu’il a généré sont-ils la seule explication ? À Saint-Brieuc, les syndicats pointent plus généralement la « politique institutionnelle des directions », les conditions de travail dégradées, l’absence de « respect de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle », à l’origine d’une « perte d’attractivité des métiers du soin », plus spécifiquement au sein de l’hôpital public (Ouest-France). À Bordeaux, les urgentistes dénoncent un système et une organisation devenus maltraitants, incompatibles avec une prise en charge décente des patients :

« Je ne supporte plus les nuits aux urgences, les dizaines de patients non vus, en permanence, qui attendent cinq ou six heures. J’ai quarante-cinq ans, il me faut aujourd’hui des jours pour me remettre de la violence de ces nuits. Je vois que je me fais du mal, il faut que j’arrête. »
« Il y a dix ans, il y avait encore un espoir que les choses s’arrangent. Aujourd’hui, on est face à une absence de perspectives. […] Les gens partent faire autre chose : il y a une demande extrêmement forte de gardes en intérim, payées 1 500, 2 000 ou 2 500 euros les 24 heures. »

Caroline Coq-Chodorge, « Comment le CHU de Bordeaux a broyé ses urgentistes » (Mediapart, 28 mai 2022)

C’est le même constat que dressait un soignant lors du déplacement de Brigitte Macron à l’hôpital Paul Guiraud, à Villejuif (Val-de-Marne), le 31 mais 2022, refusant de faire du COVID la cause du mal dont souffre aujourd’hui l’hôpital, comme le suggérait pourtant la Première Dame venue annoncer une proposition innovante pour améliorer le bien-être des personnels : la création de salles de repos aménagées ainsi que l’achat de fauteuils et de canapés de massage.

https://twitter.com/2022Elections/status/1531882989499494400?s=20&t=COrD8Qrioj494ZWbSzpS4g

Après les applaudissements à 20 heures, le chantage à la vaccination et la propulsion des récalcitrants dans un no man’s land juridique, sans ressources économiques ni même accès aux minima sociaux voici venue l’heure du cocooning de luxe virtuel pour les soignants dont on peine à croire quand ils pourront profiter de ces petits moments de détente financés grâce à la vente du mobilier national au profit de la Fondation de Brigitte Macron.

Le Ségur de la Santé pointé du doigt

Le Ségur de la santé, présenté comme un plan de sauvetage historique de l’hôpital et plus généralement du système de santé a-t-il malgré tout permis de ralentir ce naufrage ? C’est en tout cas ce que la Première Dame a tenté de suggérer en évoquant les efforts consentis par le Gouvernement lors cette vaste concertation ayant débouché le 13 juillet 2020 sur une série de 33 mesures parmi lesquelles :

  • 19 milliards d’euros d’investissement dans le système de santé pour améliorer la prise en charge des patients et le quotidien des soignants ;
  • 8,2 milliards d’euros par an pour revaloriser les métiers des établissements de santé et des Ehpad, et reconnaître l’engagement des soignants au service de la santé des Français ;
  • 15 000 recrutements à l’hôpital public.
  • Ouverture ou réouverture de 4 000 lits « à la demande ».

Parmi les mots d’ordre de ce plan de sauvetage du système de santé figuraient également les objectifs suivants :

  • Accélérer la sortie du « tout T2A » (tarification à l’acte) et privilégier la qualité des soins.
  • Mettre fin au mercenariat de l’intérim médical à l’hôpital public.
  • Former plus de soignants dans les filières paramédicales.
  • Faciliter l’accès aux soins non programmés et à l’exercice coordonné.
  • Combattre les inégalités de santé.

Selon Rémi Besselièvre, président de l’Association de défense du centre hospitalier du Cotentin et de promotion de la santé, sollicité lors du déplacement effectué par Emmanuel Macron à l’hôpital de Cherbourg, le même jour que son épouse, il aurait accouché tout au plus d’une souris, au même type que la suppression du numerus clausus, autre réforme phare du précédent quinquennat :

« La suppression du numerus clausus n’a rien réglé parce que les moyens n’ont pas été donnés aux facultés de médecine et aux hôpitaux accueillant des stagiaires pour pouvoir accueillir ces étudiants, donc ça a été une mesure qui a été complètement inefficace. […] Le concours n’a pas été modifié et on s’aperçoit que le nombre d’étudiants qui passent en deuxième année n’a pas été augmenté. […]
Le Ségur de la santé, c’est une mesure qui a été prise pour les banques puisque, à la demande des banques, le Ségur de la santé a consisté essentiellement à la reprise d’un tiers de la dette des hôpitaux sur dix ans pour permettre aux banques de refinancer les hôpitaux qui étaient surendettés, voire en cessation de paiement.
[…]
Si vous demandez aux personnels des hôpitaux s’ils sont heureux de leur salaire quand ils se comparent aux autres personnels des hôpitaux européens, vous comprendrez qu’ils sont très mécontents actuellement et qu’ils attendent autre chose. On remarque d’ailleurs qu’un certain nombre de médecins, de personnels soignants quittent les hôpitaux parce que les conditions de salaire et les conditions de travail ne sont plus à la hauteur pour les retenir.
 »

Rémi Besselièvre, président de l’Association de défense du centre hospitalier du Cotentin et de promotion de la santé, 31 mai 2022

 20 % des 387 000 lits d’hospitalisation étaient fermés par manque de personnel en octobre 2021 

C’est le même constat que dresse Patrick Pelloux à propos de l’inefficacité du Ségur de la santé : « Il a été sans effet. L’augmentation de salaire de 183 € par mois était insuffisante puisqu’elle ne rattrapait même pas la baisse de pouvoir d’achat des vingt dernières années. Nous sommes toujours le 18e pays de l’OCDE en ce qui concerne le salaire des infirmières. » (Ouest-France)

Moins de deux ans après, à l’aube d’une mission flash confiée au Dr François Braun, le référent santé d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle de 2022 (ça ne s’invente pas) qui a déjà formulé l’antidote au poison qui ronge l’hôpital – la vaccination de masse adossée au pass vaccinal – peut-on convenir que le remède n’était à l’évidence pas à la hauteur de la gravité du mal ?

Le constat était suffisamment cruel à la veille de l’épidémie de COVID-19 pour motiver le Ségur de la santé. Emmanuel Macron avait déjà supprimé 11 900 lits durant les trois premières années de son premier mandat (4 300 lits d’hôpital fermés en 2017, 4 200 en 2018 et 3 400 en 2019). Il en aura en réalité fermé 5 700 de plus en 2020 au plus fort de l’épidémie de COVID-19, soit 17 600 en quatre ans, avec pour conséquence : 20 % des 387 000 lits d’hospitalisation fermés par manque de personnel en octobre 2021 (Le Parisien) selon Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique et du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

La politique de fermeture des lits n’a jamais été remise en cause depuis cinq ans, elle se poursuit même activement

Si les efforts déployés par le couple présidentiel à quelques jours des législatives reflètent une préoccupation évidente, peut-on réellement penser que cette situation et les conséquences dramatiques qu’elles auront probablement pour des milliers de Français inquiète l’exécutif ?

En théorie, oui, puisque Gabriel Attal a annoncé, le 27 octobre 2021, l’ouverture d’une enquête pour tenter de comprendre les raisons d’une telle hémorragie de soignants au lendemain de la déclaration de Jean-François Delfraissy.

En pratique, on peut en douter puisqu’un contrat dit « d’avenir », signé entre l’agence régionale de santé (ARS) Grand Est et les Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS), placés sous sa tutelle, vise à « augmenter leur activité sans embaucher de soignants tout en fermant des lits dans certains services et en réduisant le nombre de postes de personnel non médical jusqu’en 2026 », selon le média Rue89 qui s’est procuré le document, détaillé ici par Mediapart.

Cette information fait tristement écho avec le limogeage le 8 avril 2020 du directeur de l’ARS Grand Est, Christophe Lannelongue, réintégré depuis par le Conseil d’État, provoquée à l’époque par l’annonce du maintien de la suppression de 598 postes et 174 lits d’ici 2025 au CHRU de Nancy, l’un des établissements les plus durement touchés par l’épidémie de COVID 19. Il avait alors estimé qu’« il n’y avait “pas de raison de remettre en cause” ce plan », précisant qu’il aurait « quelques semaines de retard, mais [que] la trajectoire restera[it] la même ».

Olivier Véran, auquel nous avons consacré un article analysant les six mensonges les plus emblématiques de son mandat dans lequel nous pointons l’instrumentalisation de la stratégie vaccinale par le cabinet McKinsey, avait alors assuré le 5 avril 2020 que les programmations de suppression de lits étaient suspendues jusqu’à nouvel ordre puisque la France était désormais en guerre contre un virus.

Comment comprendre dès lors que ces projets soient à nouveau d’actualité, si tant est qu’ils aient cessé de l’être, alors que le Gouvernement se dit préoccupé par l’épidémie dont il est l’un des derniers pays à refuser d’admettre la fin, et n’exclut par sur ce principe un retour du passe sanitaire, maintenu à l’hôpital, à l’automne prochain ?

Le refus de réintégrer des soignants : plus qu’une provocation, une faute morale et une insulte adressée à l’ensemble des Français

Quoi qu’il en soit, la décision de suspendre les soignants – et plus encore, celle de ne les avoir toujours pas réintégrés malgré le consensus scientifique démontrant que les vaccins n’empêchent pas la transmission et le caractère anticonstitutionnel de l’obligation vaccinale au regard du droit européen – se pose aujourd’hui sous un angle différent. La France était le seul pays au monde à avoir fermé des lits pendant la crise du COVID, elle est également un des rares au monde à avoir fait le choix d’exclure les soignants qui refusent de se faire vacciner, tout en exigeant de ceux qui étaient contaminés mais vaccinés de venir travailler.

https://twitter.com/JeanSba92465217/status/1509228654072635407?s=20&t=_Yt0yQt6QpSzLk9vxTDiYw
https://twitter.com/boutaour/status/1510896177297952770?s=20&t=tMAVcvj1PP3CZqsnsu7otQ

La promesse de les réintégrer « quand on ne sera plus en phase aigüe », formulée au lendemain de l’élection, n’aura duré que le temps de donner l’illusion que Jupiter n’était pas Néron, mais qu’il avait l’intérêt de la nation chevillé au corps. C’était le 29 avril 2022 dans les Hautes-Pyrénées :

Une autre philosophie a émergé il y a quelques jours, ou plus exactement, elle a enfin été formulée explicitement : il n’est pas concevable de réintégrer ces hommes et ces femmes qui se sont sacrifiés lorsqu’il s’agissait de sauver leurs concitoyens puisqu’ils ont refusé de se soumettre à l’injonction présidentielle, en dépit d’une incidence de… 63 cas pour 100 000 personnes et d’une virulence comparée désormais à celle d’un rhume.

 Les pouvoirs publics qui veulent créer une situation de chaos pour fermer des structures 

Patrick Pelloux

Le diagnostic formulé il y a quelques jours par le président de l’Association des médecins urgentistes de France, Patrick Pelloux, laisse-t-il d’autre choix à l’exécutif que de réintégrer en urgence les soignants ? Dans un article publié le 19 mai 2022 par le quotidien Ouest-France, il a à nouveau alerté sur la situation de chaos dans laquelle se trouve l’hôpital :

« La situation est catastrophique. Je n’accuse pas les personnels mais les pouvoirs publics qui veulent créer une situation de chaos pour fermer des structures. Il y a un phénomène de “grand renoncement” avec des personnels qui sont totalement désabusés et qui n’adhèrent plus à l’idée collective et fédérative qu’est l’hôpital public. […]
— Comment s’annonce l’été ?
— Cela va être atroce, du jamais vu. Nous allons avoir des décès inopinés et involontaires dans les structures. Cela va être renforcé par l’afflux massif de touristes dans des zones balnéaires où les hôpitaux ne fonctionnent plus, ou seulement avec des médecins intérimaires.
— Faut-il réintégrer les soignants non-vaccinés ?
— Bien sûr. Nous sommes en pleine tempête, il faut que tout le monde vienne sur le bateau. »

Fermetures de services d’urgences à l’hôpital : le cri d’alarme de Patrick Pelloux (Ouest-France, 18 mai 2022)

Incidence du COVID-19 en France, semaine 21, 2022, réseau Sentinelle
Incidence COVID-19 semaine 21, 2022, réseau Sentinelle

On sait aujourd’hui que cette option est officiellement exclue – elle n’a sur ce principe jamais été envisagée, comme le laissait entendre une précédente déclaration d’Emmanuel Macron, datée du 16 mars 2022 – puisque l’obligation vaccinale imposée aux soignants est le seul argument qu’il reste à l’exécutif pour tenter de la généraliser à l’ensemble de la population comme il a promis de le faire le 12 juillet 2021. Mais là n’est pas le sujet puisque, nous dit-on, ces quelques soignants réfractaires (15 000 selon Le Figaro selon une estimation réalisée le 12 octobre 2021) ne sont pas la cause selon Emmanuel Macron de ces fermetures de service d’urgence qui mettent en péril la santé et la vie des Français :

« On parle d’une infinie minorité, et je crois qu’il ne faut pas confondre tous les sujets. Et je crois qu’il ne faut pas confondre tous les sujets, et en toute honnêteté, la réintégration des soignants non vaccinés n’est absolument pas une réponse au problème que nous posons aujourd’hui, elle n’a pas cette magnitude. Qui plus est, vous avez quand même souvent, soyons honnête aussi, des soignants qui ont un rapport au soin et à la déontologie qui est très marginal par rapport au reste de leurs collègues, puisqu’on a aujourd’hui une situation où plus de 95 % des soignants et des administratifs se sont vaccinés parce qu’ils considèrent que c’était leur devoir, que c’était leur responsabilité, c’est leur rapport à la déontologie médicale. Donc voilà, je pense qu’il faut savoir raison garder, c’est un problème totalement différent. »

Emmanuel Macron, 31 mai 2022

La morale sacrificielle a donc définitivement supplanté l’éthique – le respect du consentement éclairé, a fortiori lorsqu’il s’agit d’un essai clinique, tel que l’a rappelé la Commission européenne – et l’épidémiologie. Or admettons que les soignants non vaccinés – dont personne n’est en mesure d’évaluer de manière indépendante le nombre qu’ils représentent aujourd’hui (combien ont accepté de recevoir une troisième dose ou accepteront demain de se soumettre aux futures injections déjà programmées ?) – ne pèsent que de manière marginale dans les effectifs de l’hôpital, refuser de les réintégrer est-il une réponse moralement acceptable à apporter aux Français à la veille d’un été que l’ensemble des médecins de terrain annoncent potentiellement meurtrier ?

Certes, chacun convient que la suspension des soignants n’est pas la cause de l’effondrement du système de santé. Mais est-ce vraiment là le problème ? Combien de Français l’exécutif est-il prêt à sacrifier pour ne pas avoir à admettre que l’exclusion de ces milliers d’hommes et de femmes ne se justifie plus qu’au nom d’une idéologie mortifère, dictée par des enjeux strictement commerciaux ?

La réponse, parfaitement synchronisée, du couple présidentiel à la détresse de l’hôpital nous semble relever dans ce contexte d’un cynisme absolu. Car au-delà de l’apparent décalage de la proposition de la Première Dame, c’est plus fondamentalement une insulte aux soignants et à l’ensemble des Français que nous avons semblé entendre derrière cette ultime provocation.

Le site lepointcritique.fr ne se fixe pour mission que d’informer le public. Il n’a donc en aucun cas vocation à se substituer ni à un avis ni à un diagnostic médical, encore moins à conseiller ses lecteurs sur l'usage ou le non-usage d'un médicament.

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