Échec d'une politique sanitaire

J.Y. Drustan | 04 mars 2022

Évaluation scientifique d’une idéologie sanitaire

Le 8 février 2022, le Dr Alice Desbiolles, épidémiologiste et médecin de santé publique était auditionnée par les sénateurs dans le cadre d'une mission d’enquête sur l’adéquation du passeport vaccinal à l’évolution de l’épidémie de COVID-19. Ses conclusions sont sans appel : durant ces deux dernières années, aucune décision concernant la réponse sanitaire ou la stratégie vaccinale n’a relevé de l’Evidence-Based Medicine.

Dr Alice Desbiolles, Une évaluation scientifique de la politique sanitaire COVID0-19 du gouvernement

Lors de son audition devant la Commission des affaires sociales du Sénat, le Dr Desbiolles démontre méthodiquement les lacunes et l’exploitation orientée des données de santé publique fournies par les agences gouvernementales ainsi que la faiblesse des postulats et des choix méthodologiques sur lesquels s’est appuyée la gestion de la crise. Elle pointe plus généralement la totale absence d’éthique et de fondement scientifique des décisions qui ont présidé à la stratégie vaccinale et à l’adoption de mesures coercitives contre-productives, voire dangereuses.

Comme elle le précise en introduction, son analyse des choix sanitaires du Gouvernement est le fruit d’une réflexion pluridisciplinaire, menée en collaboration avec un groupe de médecins, d’ingénieurs, de polytechniciens, d’immunologistes et d’épidémiologistes, dont François Alla, professeur de santé publique à l’université de Bordeaux. Autre point notable, elle déclare avant de détailler son propos n’avoir aucun lien d’intérêt de nature à biaiser son témoignage.

Ce regard porté par le médecin de santé publique à partir d’une grille de lecture scientifique rigoureuse, sur la manière dont les décisions sanitaires ont été prises depuis deux ans, contraste à ce point avec ces dernières que nous avons choisies d’en retranscrire le fil le plus fidèlement possible.

Indicateurs et outils de projection utilisés pour la gestion de crise sanitaire, l’enjeu des donnes de santé.

Le début de l’audition porte sur deux questions préalablement posées par la commission : les indicateurs utilisés par le Gouvernement durant la pandémie étaient-ils pertinents ? Les outils qui ont servi à piloter la réponse sanitaire étaient-ils adaptés ?

Le Dr Desbiolles commence par souligner un point essentiel : si les décisions de santé publique doivent répondre à l’urgence sanitaire, elles doivent également tenir compte d’un ensemble d’indicateurs non spécifiques à la problématique du COVID, ayant trait à la santé physique, mentale, sociale ainsi qu’aux conséquences de la réponse sanitaire sur la qualité de vie des enfants.

Concernant la qualité des indicateurs de suivi de la crise sanitaire, elle procède alors à un état des lieux des données rendues accessibles durant la pandémie ainsi qu’à la manière dont elles ont été exploitées par les agences et les autorités. S’il se veut bienveillant, ce premier constat s’avère cependant sans appel.

Le Dr Desbiolles relève d’abord le point positif qu’a représenté la mise à disposition en open data des données sanitaires de Santé publique France et de la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees), à travers notamment des rapports hebdomadaires (voire quotidiens pour certains) mettant à disposition « des données consolidées et de qualité ».

Elle constate notamment :

  • Le faible niveau de « transparence à l’égard du public » concernant la communication de ce ces données ;
  • L’existence de données manquantes ou non publiées alors qu’elles sont disponibles en open data, dont :
    • le nombre d’admissions en réanimation « pour » et « avec » COVID,
    • les mêmes donnés concernant spécifiquement les enfants,
    • le poids des comorbidités par tranche d’âge et statut vaccinal,
    • les données concernant les patients intubés (et quel type d’intubation) ;
  • La présence d’indicateurs erronés tels qu’ils ont pu être mis en évidence à travers les données de Santé publique France où 30 % des hospitalisations dites « COVID » étaient en réalité des hospitalisations « AVEC » et non « POUR » COVID, ce chiffre s’élevant à près de 50 % pour les 20-39 ans ;
  • L’erreur de conception de l’indicateur du niveau de tension des services de réanimation présenté sur l’application « TousAntiCovid » qui rapporte le nombre cumulé de patients en réanimation, soins critiques et soins continus à celui des seuls lits de réanimation, surévaluant de facto le niveau de tension analysé ;
  • Des écarts aux protocoles des données de santé avec :
    • une globalisation des données d’admission en réanimation, via le regroupement des 15-44 ans et des 45-64 ans dans une même catégorie, conduisant à surévaluer le risque d’admission chez les adultes de moins de 45 ans,
    • la suppression du critère de surpoids lors du dernier point épidémiologique de Santé publique France, avec pour conséquence : une augmentation de la part des patients « sans comorbidité » dans les statistiques d’admission en réanimation. Compte tenu de l’influence de cette comorbidité dans le risque COVID, ce choix constitue, selon le Dr Desbiolles, « un biais majeur dans l’interprétation des données ».
  • L’absence de communication des données relatives aux admissions en réanimation (notamment le nombre d’enfants « admis pour » et « avec » COVID) et aux décès COVID chez l’enfant lors des points épidémiologiques de Santé publique France, interdisant l’évaluation claire de cet indicateur ;
  • Une présentation orientée et partiale des données ne respectant pas l’objectivité nécessaire à la présentation de données de santé publique. La conclusion du dernier bulletin épidémiologique de Santé publique France, par exemple, souligne (en gras) « l’augmentation de la part des patients ne présentant pas de comorbidité » en omettant de rappeler que plus de 80 % de ces mêmes patients en réanimation ont au moins 1 comorbidité ;
  • Le recours systématique aux modélisations pour justifier l’implémentation des décisions ou a posteriori pour arguer de leur efficacité, alors que les modélisations présentent un niveau de preuve extrêmement faible, insuffisante pour étayer des politiques de santé publique au regard de leur impact, comme l’a expliqué la Haute Autorité de santé dans une publication de 2013 ;
  • L’absence d’évaluation du bénéfice vaccinal pour les 11-18 ans ;
  • L’absence d’évaluations rétrospectives de ces modélisations qui auraient permis de mesurer leur pertinence et de leur proximité avec le réel.

Alors que Chantal Desseyne, rapporteur de la Commission, remercie vivement l’épidémiologiste pour « sa franchise et son langage très direct », nous comprenons assez rapidement que la mise au jour d’une telle opacité, voire de l’ineptie des données publiées, commence à faire douter les sénateurs de la pertinence des mesures imposées par le ministre de la Santé, dont les autorités sanitaires n’auront eu de cesse de faire l’éloge pendant deux ans.

L’absence totale de fondement scientifique de la gestion de crise sanitaire

Répondant à la demande de précision de la sénatrice quant à « l’existence – ou non – de données probantes qui auraient pu présider à la transformation du passeport sanitaire en passeport vaccinal », le Dr Desbiolles informe d’abord la Commission de l’importance de recourir à la médecine basée sur les preuves (Evidence-Based Medicine) pour la mise en œuvre de mesures de santé publique.

Elle commence alors par dénoncer l’utilisation exclusive des modélisations comme outil d’anticipation des courbes épidémiques, ayant abouti à l’adoption du passeport sanitaire le 6 juillet 2021.

Le Dr Desbiolles relève ainsi que la modélisation de l’Institut Pasteur de juin 2021, mise en avant pour justifier une telle mesure était en réalité basée « sur l’hypothèse que les vaccins réduisaient le risque d’hospitalisation de 95 %, le risque d’infection de 80 % et le risque de transmission en cas d’infection de 50 % » (Avis du Conseil scientifique du 6 juillet 2021), hypothèse ne reposant, de facto, sur aucun fondement scientifique, puisque les essais cliniques initiaux présentés par le laboratoire n’ont en réalité jamais porté sur ces aspects :

« Les essais cliniques initiaux n’ont jamais porté sur le risque d’hospitalisation, la capacité du vaccin à bloquer ou non la transmission ou même à diminuer le risque de formes grave ou de décès, mais ils se sont exclusivement focalisés sur le nombre d’infections symptomatiques confirmées par test PCR positif. »

Le Dr Desbiolles souligne ensuite l’infondé scientifique du recours à ces modélisations en citant notamment un document de la HAS de 2013. Elle souligne en effet que, si les éléments attendus dans la gradation des preuves scientifiques établies en médecine peuvent inclure « des essais comparatifs randomisés de fortes puissance, des méta analyses d’essais comparatifs randomisés ou des analyses de décisions fondées sur des études extrêmement bien menées » cette liste présentée l’agence française n’inclue absolument pas les « modélisations », beaucoup trop sujettes aux biais pour permettre de les intégrer aux prises de décisions de santé publiques.

Elle cite en appui les travaux de deux ingénieurs de l’École polytechnique (Langevin et Stark) ayant permis de mettre en lumière, après avoir confronté ces modélisations avec la réalité, un biais en faveur d’une surestimation des morts et cas graves attendus dans 10 modélisations utilisées sur 11. Elle relève par ailleurs que l’apparition de très nombreux clusters après la mise en œuvre de cette mesure constitue une preuve factuelle de l’échec de la stratégie du passeport sanitaire. CQDF.

Le Dr Desbiolles précise enfin qu’aucune évaluation rétrospective de ces modélisations n’a jamais été fournie par une quelconque autorité scientifique afin de confirmer ou non la pertinence des mesures adoptées en leur nom, qu’il s’agisse du passeport sanitaire ou vaccinal, mais également du confinement ou du port du masque.
Or une telle évaluation est indispensable lorsque des décisions sont prises sur une telle base.

A contrario, elle évoque la publication récente d’une méta-analyse réalisée sur 24 études par des chercheurs de l’université John Hopkins et portant sur 53 pays et ayant démontré l’absence d’efficacité des mesures de confinement imposées par le Gouvernement.

Concernant la stratégie vaccinale, également établie sur la base de telles modélisations et des données proposées par les agences sanitaires, elle précise finalement qu’en l’état actuel de la science, le niveau de preuve scientifique n’est suffisant que pour :

  • Proposer la vaccination à des catégories bien identifiées à haut risque de COVID grave pour leur protection individuelle.
  • Conclure à l’acquisition d’une protection durable et forte contre la COVID sévère suite à une infection naturelle.

Si A. Desbiolles confirme bien un impact positif de la vaccination en termes de prévention des formes graves et de la mortalité « chez les personnes à risque » dans les données observationnelles (en vie réelle), elle insiste sur le caractère essentiel de la notion de « personnes à risque » et souligne qu’a contrario, il n’est pas pertinent d’interpréter cet impact de manière globale et d’en déduire un bénéfice vaccinal pour l’ensemble de la population.

Plus généralement, elle reviendra tout au long de son audition sur la vacuité scientifique totale des arguments invoqués par le Gouvernement en appui de chacune des mesures sanitaires prises durant la pandémie, mesures rappelons-le largement appelées de ses vœux par Emmanuel Macron, d’abord le 12 juillet 2021, au lendemain de l’Avis orienté du Conseil scientifique, puis le 4 janvier 2022, lorsqu’il assumait vouloir « emmerder les Français » qui ne se plieraient pas à des décisions aujourd’hui reconnues comme totalement ineptes.

La question de l’expertise scientifique et de la communication de santé publique

Un autre point remarquable de l’audition est ce qu’elle révèle du rôle joué par le Conseil scientifique non seulement sur l’élaboration des décisions sanitaires, mais sur leur approbation par les parlementaires, et plus précisément de l’influence qu’a pu avoir une parole dite « experte » sur leurs différents votes.

De façon récurrente au cours de son audition, le Dr Alice Desbiolles est questionnée par des sénateurs, à l’évidence destabilisés par une analyse en totale opposition avec la pensée unique proposée jusqu’ici par Olivier Véran et le Conseil scientifique, sur la crédibilité des experts ainsi que leur liberté à contribuer au débat contradictoire scientifique.

Interrogée notamment par le sénateur René-Paul Savary sur les propos tenus par le Pr François Alla, le 24 janvier 2022 dans un article du Quotidien du Médecin, dans lequel il estimait que « l’aide à la décision des agences telles Santé publique France s’est transformée en “service après-vente” de décisions déjà prises », l’épidémiologiste confirme alors le discrédit systématique de la parole des experts indépendants par un conseil sanitaire, « créé ad hoc » et selon ses propres termes par cooptation, ayant « shunté toutes les autres instances pourtant réglementées par le code de la santé publique » et ne tolérant aucun débat scientifique contradictoire.

Et de renvoyer à ce titre les sénateurs à l’Avis du Conseil scientifique du 19 janvier 2022, notamment à la section concernant l’amélioration de sa communication et l’information (page 7) :

« Ni l’impératif de la liberté d’expression et de démocratie ni les principes de controverses scientifiques ne sont facilement compatibles avec la médiatisation d’opinions non documentées formulées par des personnes se prévalant d’une légitimité scientifique auprès du public ».

Traduction : si le débat scientifique n’a jamais été organisé, c’est parce que la liberté d’expression, pourtant fondamentale dans une démocratie, est présuposé « nuisible » à la prise de décision en matière de santé publique. Circulez, il n’y a rien à voir !

Le Dr Desbiolle poursuit sa démonstration en citant à nouveau le Pr Alla afin de mettre en évidence un point essentiel : si l’impression a pu être donnée qu’il n’y avait qu’une seule voix scientifique homogène et consensuelle dans cette crise, ce n’est bien évidemment pas le cas. Elle explique en effet :

« On assiste aujourd’hui à un processus de décrédibilisation de toute voix discordante, c’est devenu très dur pour un expert de dire “je ne suis pas tout à fait d’accord avec les politiques”. Les gens sont tétanisés ils ont peur de passer pour des antivax ou des complotistes. »

Au-delà du problème éthique que pose une telle configuration du débat scientifique, la réaction du sénateur René-Paul Savary à propos des chiffres transmis aux sénateurs en amont du vote concernant le passeport vaccinal permet de mesurer les conséquences qu’elle a pu avoir concrètement sur la décision politique :

« Nous, on nous a dit à plusieurs reprises que ce vaccin était efficace à 40 % sur la transmission, on nous a cité des chiffres, fondés sur des études, on nous a dit qu’il était efficace à plus de 90 %, quand on a toutes ses doses, sur les formes graves. Alors ce n’étaient pas des études fiables ? Ce sont des études que vous contestez ? »

En réponse, le Dr Desbiolles explique que lors des études initiales (dites « à fort niveau de preuve ») produites par les laboratoires et ayant conduit à la mise sur le marché des vaccins, le critère de la contagiosité n’a jamais été évalué, et que l’on ne peut donc en aucun cas user de cet argument pour juger de l’efficacité de ces vaccins : « C’est écrit noir sur blanc ».

In fine, ce qu’interroge alors le Dr Desbiolles est plus fondamentalement la crédibilité et l’autorité de la parole scientifique ayant appuyé l’ensemble des décisions sanitaires du Gouvernement depuis deux ans. On comprend donc qu’une remise en cause aussi radicale du discours officiel provoque un certain malaise parmi les sénateurs, palpable notamment à travers la prise de parole du sénateur Martin Lévrier :

« Au sujet de la contagiosité limitée grâce aux vaccins, c’est le Pr Delfraissy qui nous l’a dit il y a très peu de temps, quelle gradation d’étude avait-il par rapport à celle que vous vous nous annoncez ? Vous avez la vérité et lui ment ?
Là il y a un problème entre les deux, moi je ne sais pas lequel des deux a raison, je ne suis pas un scientifique, mais je suis très embêté parce que nous avons des décisions politiques à prendre qui engagent le pays, et quand nous avons deux paroles aussi différentes on doit faire un choix entre deux personnes dont l’une et l’autre nous disent que la gradation des études est importante !
 ».

Là encore, le Dr Desbiolles en profite pour réaffirmer avec force que seul le recours à l’évidence des preuves scientifiques permet une décision de politique de santé pertinente. Elle rappelle à ce titre que c’est à la puissance publique de démontrer par la preuve l’efficacité d’une mesure, et non aux tierces parties de démontrer l’inverse :

« Le Pr Delfraissy a lui-même admis que le passe n’empêchait pas les contaminations et que son principal intérêt était d’augmenter la vaccination et notamment les primo-vaccinations, ce qu’on a pu observer avec le passe-sanitaire, mais pas forcément pour le public cible, on peut donc s’interroger sur l’efficacité de cette mesure.
Je m’appuie uniquement sur les données disponibles fournies par Pfizer (vaccin le plus largement distribué en France).
On ne peut rien dire de plus sur le fait que la contagiosité ne fait pas partie dans ces études des critères de jugement, et qu’on ne peut donc pas statuer là-dessus. Et chacun peut aussi constater de manière empirique que vacciné ou non, on peut contracter cet agent infectieux. […]
Ce n’est pas à moi de démontrer que ce n’est pas efficace, on doit disposer d’un fort niveau de preuves pour mettre en place son intervention, c’est donc aux politiques de démontrer que les mesures seront efficaces, on ne peut pas non plus inverser les rôles 
».

En fournissant aux sénateurs un éclairage intègre sur les attendus et la réalité du discours scientifique, le Dr Alice Desbiolles lève alors le voile opaque qui semble avoir été jeté depuis deux ans sur les rouages éthiques de la décision et de la communication de santé publique.

Le démenti de la « stratégie sanitaire » par les données scientifiques

Le désarroi de la sénatrice Émilienne Poumirol, également médecin généraliste, est révélateur de ce malaise, palpable lorsqu’elle interroge le Dr Desbiollles sur la « stratégie du tout vaccinal » privilégiée par le Gouvernement et défendue plus particulièrement par le Dr A. Fontanet :

« On est parti dès le départ sur de mauvaises bases, partant du modèle de la rougeole, nous pensions qu’avec 95 % de la population vaccinée nous pourrions éradiquer le virus.
Vous nous dites que la vaccination de masse n’est pas fondée sur des données probantes, ça me perturbe beaucoup, d’autant que M. Fontanet dit qu’il faut vacciner les enfants de 5 à 11 ans, que le vaccin n’est pas dangereux. Mais c’est difficile pour nous de vous entendre, cela remet en question tout ce que l’on nous dit depuis 2 ans, c’est difficile
 ».

Une stratégie sanitaire déconnectée de toute considération scientifique

Relevant le constat établi par Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet, selon lequel nous sommes en présence d’une syndémie (interaction entre un agent infectieux et des vulnérabilités chez les patients), Alice Desbiolles commence par rappeler l’Avis de la Haute Autorité de santé du 23 décembre 2020 concernant la stratégie de vaccination contre la COVID qui ne recommandait la vaccination que pour « les populations les plus à risque de forme grave et les plus exposées au risque d’infection, c’est-à-dire les populations associant notamment un âge élevé, des comorbidités et des conditions d’hébergement collectif », des populations pour lesquelles une balance bénéfice-risque individuelle favorable pouvait être clairement établie.

La scientifique souligne ensuite l’échec de l’ensemble des « tentatives d’éradication » du COVID dans les pays ayant tenté une telle approche. Elle cite à ce titre un article publié dans la revue Science, relatant le constat établi par près de 90 % des immunologistes, selon lequel l’éradication du COVID est par principe impossible pour trois raisons : 1/ le « potentiel d’endémicité majeur du SARS-CoV-2 du fait de sa présence dans les réservoirs animaux domestiques et sauvages » (le virus circule de fait, y compris chez les animaux), 2/ l’incapacité du vaccin à interrompre les chaînes de transmission, et, par conséquent, 3/ le fort potentiel d’échappement vaccinal lié à cette stratégie.

« Tout cela fait que le SARS-CoV-2 n’est pas un bon candidat à l’éradication et tous les pays qui ont mis en place une politique zéro COVID drastique en sont tous revenus et ont acté l’échec de cette stratégie non fondée sur les preuves. Les confinements, les fermetures d’écoles, enfermer les gens chez peut même être contre-productif dans la mesure où c’est un virus qui se transmettre de contacts prolongés et rapprochés […]. Je ne parle même pas de la dégradation de la santé avec l’augmentation du poids (facteur de risque majeur), l’augmentation de la sédentarité, l’explosion des violences familiales et des violences physiques, sexuelles ou psychologiques sur enfants pour lesquels des études montrent que le domicile est plus à risque que la COVID ».

Le Dr Desbiolles met donc en évidence l’échec du ciblage visé par le passeport sanitaire ou vaccinal et plus généralement la totale inutilité des mesures coercitives imposées par le Gouvernement au regard du risque extrêmement faible de développer une forme grave de la maladie pour les populations impactées par la mise en œuvre de ces outils.

La mise en balance du taux de vaccination, bien plus élevé chez les populations « réellement à risque » dans les pays européens n’ayant pas imposé de telles restrictions, avec le taux relevé en France (parmi les plus faibles en Europe pour cette population) finit d’illustrer son propos.

Revenant ensuite sur la stratégie du « tout vaccinal », elle ajoute que :

« Les coronavirus mutent et se recombinent avec des virus proches dans de vastes réservoirs animaux. Il se crée en permanence des variants et des sous-variants c’est pour cela qu’il est illusoire de vouloir bloquer complètement ce processus notamment par le biais de la vaccination.
Donc la question est de savoir comment éviter de favoriser par nos interventions les souches potentiellement problématiques au sein de ce vaste réservoir de mutants et de variants.
Ce phénomène est désormais corroboré par l’accumulation de données observationnelles montrant le développement et la circulation préférentielle de variants et de sous variants résistants dans de vastes populations vaccinées, qui peuvent aussi expliquer des explosions d’incidence de variants en échappement immunitaire même dans des régions à la couverture vaccinale très élevée
 ».

Ella conclut finalement en citant les recommandations issues du modèle du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) fondées sur des simulations d’émergence de souches dominantes résistantes aux vaccins et publiées en 2022 :

« La stratégie optimale pour minimiser les dommages globaux de la pandémie consiste à focaliser la vaccination sur les personnes à haut risque de COVID-19 grave, afin de les protéger individuellement, tout en évitant de sélectionner et de faire émerger des souches résistantes à partir de vastes populations de personnes à faible risque. »

Une obligation vaccinale contre-productive et aux antipodes de l’éthique médicale et scientifique

Interrogée par la sénatrice Mélanie Voguel sur la pertinence d’une vaccination universelle (notamment celle des enfants) le Dr Desbiolles revient sur la légitimité qu’il y aurait à imposer une obligation vaccinale, si chère à Olivier Véran et Emmanuel Macron, en rappelant notamment l’Article 36 du Code de déontologie médicale :

— Mélanie Voguel : « Quel est le problème à vacciner aussi des gens qui n’ont pas de comorbidités puisqu’on peut avoir des comorbidités qu’on ne connaît pas et que l’on sait que des jeunes ont été hospitalisés sans comorbidités connues ? Je n’ai pas bien compris quel était le problème avec le fait de vacciner tout le monde ».
— Alice Desbiolles : « La médecine a vocation à être suggestive et non pas normative, le respect du consentement des individus est un élément majeur de la médecine moderne, de la progression du droit des patients, c’est la loi Kouchner de 2002 qui a acté que tout patient après avoir reçu une information loyale doit pouvoir donner son consentement libre et éclairé sur ce qu’il estime être sa propre balance bénéfice-risque individuelle ».

Elle souligne combien finalement, une telle mesure est dangereuse dans la mesure où, comme cela a déjà été démontré, elle suscite une hésitation vaccinale y compris chez les populations déjà vaccinées, et quelle fait donc finalement courir « le risque d’aggraver la confiance patient-médecins et population-politique, alors même que l’on s’inscrit dans l’ère des pandémies. Il est plus qu’important d’adopter des politiques de santé publiques qui aient du sens et qui n’abîment pas la confiance ».

Quant à la pertinence du passeport vaccinal, Alice Desbiolles précisera ensuite aux sénateurs – dont on constate avec effarement qu’ils ne semblent pas avoir compris que l’accès à l’hôpital n’est plus autorisé aux personnes non vaccinées en dehors des services d’urgences – l’impact négatif de cette mesure en termes d’accès à l’offre de soins et rappelle sur ce point aux parlementaires la teneur du serment d’Hippocrate, dans ce qui constitue un moment particulièrement intense de l’audition :

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination, selon leur état ou leur conviction, j’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.

Une stratégie sanitaire pédiatrique coûteuse et potentiellement dangereuse

La question posée par la sénatrice Voguel amenant le Dr Desbiolles à se positionner sur la problématique de la vaccination pédiatrique ou infantile qu’elle qualifie de « prématurée », celle-ci rappelle une énième fois la nécessité d’un exercice d’une médecine basée sur les preuves scientifiques et indique aux sénateurs que si le bénéfice n’est pas discutable pour les personnes à risque, elle l’est beaucoup plus pour les publics jeunes tant en termes de risques que d’efficacité vaccinale.

À cette occasion, elle réaffirme avec force que les données disponibles pour la vaccination des enfants sont insuffisantes dans la mesure où elles portent sur un suivi d’une durée de seulement deux mois et conduit sur des effectifs trop faibles pour mettre en lumière de potentiels effets indésirables. On ne peut donc pas être sûr de la sécurité des vaccins, ce qui est un immense problème pour un produit amené à être inoculé à des personnes saines:

« On ne sait donc tout simplement pas, et d’ailleurs le comité national consultatif dans son dernier avis sur la vaccination des enfants a insisté sur l’incertitude en termes d’innocuité du vaccin COVID chez un public (les jeunes) qui ne sont pour ainsi dite pas à risque de forme grave ou létale COVID 19 […]
En termes de bénéfice individuel, il reste à démontrer que la balance bénéfice risque de cette population au regard du faible recul que l’on a sur ce produit, est favorable […]
La balance bénéfice risque doit être favorable au regard de l’agent infectieux chez le public cible et au regard du produit que vous allez mettre en balance […]
Au vu des données actuellement disponibles, cette balance bénéfice-risque n’est pas démontrée.
 »

Concernant plus généralement la vaccination dite « universelle », le Dr Desbiolles pointe finalement le coût exorbitant sur le plan médico-économique d’une telle intervention, alors que la phase d’évaluation des vaccins ne s’achèvera qu’en 2023 pour les adultes et 2026 pour les enfants, ce qui l’amène à conclure :

« Il est aussi important de ne pas gâcher les ressources aussi économiques, un rapport de la Cour des comptes du 9 septembre 2021 sur les finances publiques démontre qu’il y aurait 49,6 milliards en total net en dépenses de crise […] alors que le financement de la santé publique est un sujet sérieux. »

La vaccination des enfants apparaissant comme un sujet éminemment sensible (le faible taux d’adhésion à la campagne vaccinale au sein de cette catégorie de la population est là pour nous le rappeler), le Dr Desbiolles rappelle ainsi aux sénateurs l’extrême prudence avec laquelle il convient de traiter la problématique d’une vaccination des sujets les moins à risque et plus particulièrement des enfants.

Comment dans ce contexte ne pas s’étonner de l’énervement manifeste d’Olivier Véran face à l’hésitation vaccinale des parents et de sa stratégie pour tenter de la surmonter ? On se souvient en effet que le ministre de la santé est intervenu dans les médias le 2 février dernier et qu’il a, à cette occasion, propagé à nouveau des informations dont on sait aujourd’hui qu’elles sont, si ce n’est fausses, a minima orientées :

« Il y a dans notre pays 500 enfants hospitalisés pour COVID […] les statistiques sont parlantes et inquiétantes […] les effets indésirables graves sont toujours réversibles ».

Olivier Véran, 2 février 2022

N.B. On rappellera au ministre de la Santé que le laboratoire Pfizer a estimé qu’il avait besoin de cinq ans pour évaluer la gravité des séquelles induites par les myocardites et les péricardites postvaccinales, et que cinq essais ont été programmés, à la demande de la Food and Drug Administration (FDA), pour déterminer leur fréquence, leur gravité et le mécanisme pathogène qui en est à l’origine.

À la lumière du discours éclairé proposé par le Dr Desbiolles, mais peut-être également des données de pharmacovigilance nationales et mondiales, les Français se feront leur propre avis sur les ressorts d’une promotion forcenée d’un produit toujours en phase de test par un ministre de la Santé censé œuvrer prioritairement pour le bien-être de la population et qui est lui-même accessoirement médecin. Il connaît donc non seulement le serment d’Hippocrate, mais également ce principe fondamental de prudence enseigné à l’ensemble des étudiants en médecine : Primum non nocere (en premier, ne pas nuire).

Quelles mesures sanitaires aurait-elle pu envisager au vu de cette démonstration ?

L’audition d’Alice Desbiolles ne pouvait se conclure sans que lui soit posée la question à laquelle s’exposent tous ceux qui contestent le bien-fondé des décisions sanitaires lorsqu’ils sont confrontés à ceux qui les ont soutenues ou partagées, en présupposant généralement qu’à défaut d’être légitimes, elles étaient la seule réponse possible : « Et vous, qu’auriez-vous fait ? »

C’est le sénateur Martin Lévrier qui lui posera cette question, dont la forme résume à elle seule l’ampleur du trouble jeté par les révélations de l’épidémiologiste :

« In fine, je reviens au confinement, vous expliquez qu’il n’est pas prouvé qu’il a été utile, maintenant avec le recul et de manière empirique, il suffit de regarder les pays qui ne l’ont pas fait ou qui se sont obligé à le faire en catastrophe (comme les Anglais), il semble quand même que, à cette époque-là, nous n’avions pas d’autres choix ou qu’auriez-vous fait vous avec les connaissances que nous avions à l’époque ? »

Le médecin de santé publique conclut par un bel exemple d’éthique et de rigueur scientifique, en rappelant les principes fondateurs de la médecine moderne, mais également des démocraties évoluées :

« Vous me demandez ce que moi j’aurais fait ?
En l’état des connaissances, début 2020, on savait qui étaient les personnes à risque avec les données chinoises, j’aurais préféré voir une protection ciblée de ces personnes-là (personnes âgées ou avec comorbidités), dans le respect de leur consentement, on ne protège pas des individus contre leur gré […] du coup j’aurais vraiment ciblé la protection sur les personnes à risque consentantes […] en leur proposant d’adopter des mesures de protection avec le port du masque chez les personnes à leur contact, voire de masques FFP2, un autoconfinement volontaire dans le respect de leur consentement sans rien obliger et une mise à disposition de services leur permettant de limiter leurs interactions.
J’aurais finalement ciblé les mesures sur ce public et réduit la pression sur le reste de la population.
C’est ce qu’on appelle “l’universalisme proportionné”. Cette approche aurait été plus efficace dans la gestion de crise et moins coûteuse sur les plans sanitaires, sociaux, économiques, pédagogiques, en termes d’inégalité, en termes de démocratie, en termes de confiance et de rigueur scientifique
. »

De l’expertise scientifique à la dénonciation d’une posture nuisible à la population et la démocratie

L’audition du Dr Alice Desbiolles a-t-elle contribué à la production du rapport, émis quelques jours plus tard par la Commission des affaires sociales, le 24 février 2022, réclamant la « levée rapide du passeport vaccinal » ? Très probablement.

La multiplication des auditions d’experts et de membres de l’exécutif aura en effet abouti à la rédaction d’un document qui pointe les trois points essentiels mis en évidence par le médecin de santé publique : la vacuité des annonces du ministère de la Santé, le manque de transparence d’un gouvernement n’ayant finalement jamais pu fournir la moindre étude ou évaluation sérieuse permettant de mesurer un quelconque effet bénéfique du « passe vaccinal », ainsi que l’absence d’efficience d’une « mesure gadget », destinée à masquer le manque de professionnalisme des autorités médicales et ayant même, comble de l’ironie, permis un « relâchement des réflexes prophylactiques » au sein de la population.

Mais au-delà de cette prise de conscience aussi tardive que remarquable, nous devons nous interroger sur l’impact qu’a pu avoir la parole de ces experts sur l’exercice de la démocratie en temps de crise.

Car enfin, rappelons-nous qu’à l’instar de Jean François Delfraissy, Yasdfan Yasdanpanah, Dominique Costagliola ou Karine Lacombe, aucun des membres du Conseil scientifique ni des experts médicaux entendus sous serment par le Sénat ces deux dernières années n’avaient finalement pris le soin de déclarer explicitement leurs liens d’intérêts aux membres des commissions parlementaires les auditionnant, et ce, en dépit de l’obligation légale qu’ils ont de le faire et du cadre dans lequel ils se sont exprimés.

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